Les adversaires des Succursales du Trésor en Alberta ont donné comme principal argument que ces institutions étaient une charge pour le Trésor.
La loi porte, en effet, que toutes les dépenses des succursales seront prises à même le fonds consolidé du revenu, et les gains versés au fonds consolidé du revenu.
Dans les premières années du système, il est bien compréhensible que les dépenses aient été plutôt élevées. Il fallait acheter ou louer des bureaux, imprimer des formules, engager du personnel même avant qu'il y eût moyen de tirer parti des ressources des succursales.
Ainsi, la première année d'opération, le réseau de 315 succursales et agences coûta $256,775, et les bonis mensuels furent de $69,927. Aussitôt les critiques de s'élever : il en coûte $256,775 de taxes pour donner $69,927. Trois dollars et demi de dépenses pour avoir un dollar !
C'était une fausse conception du système. Il s'agit d'un service et non d'une entreprise à profit. Lorsqu'on veut estimer l'opportunité d'un système routier, dira-t-on : Il va coûter 8 millions de taxes pour ne pas mettre un sou dans la main du citoyen ? Non ; c'est un service qui permettra aux citoyens de tirer plus d'avantages de leur pays.
Il en est exactement ainsi des Maisons du Trésor. Des acheteurs ont reçu $69,927 en primes. Mais il y a eu bien d'autres avantages. La production domestique a été favorisée et stimulée. Les gens ont obtenu un service d'échanges bien à eux et non plus soumis aux intérêts des banquiers. L'industrie domestique prenait un essor sans précédent. Le commerce s'ordonnait en fonction de sa fin, pour le service des consommateurs. Et bien d'autres choses, dont les effets se sont fait sentir dès la première année. À tel point que, durant ces derniers douze mois avant la guerre, alors que le chômage continuait d'augmenter de 30.18 pour cent dans notre province, de 42.86 pour cent en Saskatchewan, il diminuait de 11.09 pour cent en Alberta. L'Alberta battait toutes les autres provinces sous le rapport de l'amélioration.
Quant au Trésor lui-même, si ses succursales furent d'abord une source de dépenses, il en tira profit dès cette première année, par un plus fort rendement des taxes, non pas en augmentant le fardeau des contribuables, mais du seul fait de l'accroissement général des revenus. Le fonds consolidé du revenu recevait d'autres sources, grâce aux effets des Maisons du Trésor sur l'économie provinciale, beaucoup plus qu'il devait fournir pour financer ces institutions naissantes.
D'ailleurs les années subséquentes furent moins dispendieuses. Certaines agences insuffisamment soutenues, soit par défaut de confiance des résidents, soit par suite des restrictions apportées au commerce et à l'industrie civile par la guerre, furent supprimées ou fusionnées. Le réseau comptait un total de 242 établissements à la fin de 1943. Les frais d'opération se stabilisèrent à $230,000 par année de 1939 à 1941, puis descendirent à $105,000 par année sous les deux exercices suivants, tout en donnant plus de services à leurs clients et à la province en général.
D'autres que les clients en tirent profit, car tout développement dans la production domestique rejaillit en prospérité générale. Puis, la concurrence que les Maisons du Trésor apportent aux banques pour la transaction des affaires force les banques à alléger leurs charges et à se montrer plus généreuses envers les emprunteurs.
Les Maisons du Trésor ne sont déjà plus un fardeau pour le fonds consolidé. Elles vont au contraire devenir une source directe de revenus pour le Trésor. Elles utilisent, en effet, les dépôts qui leur sont confiés, soit pour des placements sûrs, soit pour des prêts sur garanties négociables à des personnes ou des corporations qui collaborent avec elles, soit pour financer les achats groupés et canalisés des marchands, obtenant ainsi de meilleurs prix, diminuant les frais de transport, évitant des pertes de stocks. Elles tirent profit de ces diverses opérations, tout en faisant profiter ceux qui en bénéficient.
Le budget albertain de 1945-46 prévoit de la part des Maisons du Trésor un gain de $455,000.
Les premières succursales furent établies en septembre 1938. Après six années de service, elles sont plus utiles et plus appréciées que jamais. Le retour aux conditions de paix leur permettra encore un plus grand développement. Le budget 1945-46 leur consacre une appropriation augmentée de $169,820.
Dans l'établissement d'un système analogue dans notre province, nous aurions l'avantage de profiter de l'expérience albertaine. Puis, notre province est quatre fois plus populeuse et sa production beaucoup plus variée.
Nous avons dans le Québec environ 900 Caisses populaires, bien qu'il n'y en ait pas encore dans toutes les paroisses. Cela donne une idée du nombre de succursales du Trésor qu'il serait possible d'établir à mesure que le peuple les comprendrait. Un réseau complet de succursales et d'agences atteindrait ou dépasserait le millier.
Les Maisons du Trésor ne supprimeraient aucunement les Caisses Populaires. Elles accomplissent une fonction différente. Les unes font plutôt profiter les autres. Toutes les Caisses Populaires (Credit unions) qu'il y a aujourd'hui en Alberta sont nées sous le même régime que les succursales du Trésor : il n'y en avait aucune, pas même une loi provinciale pour les autoriser, lorsque Aberhart prit le pouvoir.
Crédit Social, Maisons du Trésor, Caisses populaires, coopératives de diverse sortes, sont autant de formes de coopération, chacune avec son but propre ; et le progrès de chacune d'elles contribue à former le climat qui favorise le progrès de toutes.