La dernière session du parlement fédéral actuel est en cours à Ottawa. Elle devra être courte, puisque le mandat des députés expire le 17 avril. Des élections suivront à brève échéance sans doute.
Le grand sujet à l'étude est la préparation de la délégation canadienne à San Francisco.
Cette conférence de San Francisco est supposée organiser la sécurité mondiale pour éviter d'autres conflits armés. Son stage pré-natal n'est pas irréprochable. Les préliminaires datent de Dumbarton Oaks, où le Canada n'eut pas de voix aux délibérations. Ils se sont continués à Yalta, où Staline tenait, dans la trinité des gros, le rôle de père tout-puissant, où l'on a bel et bien englouti la charte de l'Atlantique dans les eaux de la Mer Noire, où l'on a sacrifié la Pologne à l'ours soviétique.
Puis il fut décidé à Yalta que, pour être admis à la conférence, il fallait déclarer la guerre à l'Allemagne avant le 1er mars. De sorte que des pays assez lâches pour lever l'épée sur un pays vaincu auront droit au chapitre pour régler le sort du monde ; et l'on refusera l'admission à des pays qui, comme le Portugal, jugent une telle bassesse aussi contraire à l'honneur que le coup de poignard de Mussolini dans le dos d'une France meurtrie.
Les grandes lignes des projets mondiaux sont tracées d'avance. Et Mackenzie King, écho de Churchill, a soin de dire à la Chambre qu'il faut se préparer à se contenter de l'imparfait dans un monde imparfait, c'est-à-dire à répéter ou corroborer les concessions faites à Yalta. Les conclusions sont d'ores et déjà établies, les nations vont là pour signer.
Le monde de demain sera le règne de la force. Les gros feront la loi. Toutes les nations devront tirer du canon, lorsque le conseil en aura décidé ainsi. Mais si l'accusé est un des gros, le gros n'a qu'à se déclarer non coupable même en mordant ses voisins, tout le monde devra rengainer son épée.
Mais y a-t-il un autre règlement que la force brutale dans un monde où l'on refuse les forces spirituelles ?
Ici, nous félicitons M. Dorion, député indépendant de Charlevoix-Saguenay, pour avoir exprimé en pleine Chambre d'Ottawa le regret que le Saint-Père ne soit pas convoqué à San Francisco. Mais le Saint-Père est exclus, puisqu'il n'a pas déclaré la guerre à l'Allemagne.
Il faut être homme de sang et de mitraille pour être bon organisateur de l'univers. C'est pourquoi Staline est suprême.
Nous serions portés, comme M. Liguori Lacombe, à manquer totalement de confiance dans ces conférences internationales. Il y a eu assez d'avortements déjà. Puis, nous sommes assez sceptiques en voyant se démener ainsi, sur le plan international, des chefs d'État qui laissaient les multitudes de leur propre pays dans les privations en face de produits débordants. S'ils ne bougent qu'avec la permission de la finance !
Toutefois, il est nécessaire que les nations se rencontrent et se parlent, si l'on veut édifier quelque organisme de paix pour éviter la répétition devenue trop fréquente des terribles conflagrations qui déshonorent notre civilisation et ensanglantent notre planète.
Ce n'est pas en s'isolant ni en boudant les efforts des autres qu'on fera du progrès dans ce sens. Même si les préliminaires pèchent sur plus d'un point ; même si le défaut d'inviter la Pologne, qui a pourtant fait sa grosse part de sacrifices dans cette guerre, est un affront à la justice et un hommage au brigand de Moscou, ce n'est pas en s'abstenant d'aller à San Francisco qu'on pourra le crier aux nations réunies là. Le Canada se doit d'aller à San Francisco pour faire sa part pour la paix, ne fût-ce qu'en freinant des tendances malsaines, et pour y défendre sa souveraineté contre l'esprit dangereux de Bretton Woods.
La voix des canons se taira avec la cessation des hostilités. Mais la voix de Mammon ne doit pas la remplacer pour dominer le monde. Le monde veut la paix. Le Christ aussi voulait et veut encore la paix sur la terre ; mais ce n'est ni la poudre ni l'étalon-or qui maintiendront la paix sur la terre. Nous reviendrons sur ce sujet dans notre prochain numéro.