Bas vos masques, hypocrites !

Louis Even le vendredi, 15 juin 1945. Dans La politique

Pour répondre au désir exprimé par plusieurs cré­ditistes, nous reproduisons ici le discours pré­paré par M. Louis Even et donné à la radio, à Montréal et à Québec, le 6 juin. Ce sont les politiciens de partis qui ont transporté la lutte sur ce terrain. Il fallait bien les y rencontrer.

En temps de campagne électorale, les politiciens sortent toutes leurs munitions. Lorsqu'ils n'ont plus de balles, ils lancent des ordures. Lorsqu'ils ont épuisé leur éloquence pour essayer de prouver à l'électeur qu'ils vont le conduire aux gras pâtu­rages de la prospérité, ils ne craignent pas de se donner comme ses défenseurs spirituels et les sau­veurs de son âme.

Des adversaires du Crédit Social, incapables de trouver une once d'argumentation contre la doc­trine créditiste, se réfugient derrière des textes d'autorités religieuses, qu'ils dénaturent à dessein, pour tâcher de faire croire au peuple que le Crédit Social est dangereux et interdit par l'Église.

C'est le cas de libéraux, et c'est le cas de conser­vateurs déguisés sous le costume d'indépendants.

Jean-François Pouliot a recouru largement à cette manœuvre dès qu'il a eu un adversaire cré­ditiste dans son comté.

Émile Boiteau y recourt dans le comté de Dor­chester, où il trouve M. Grégoire sur sa route et où ses organisateurs répandent à profusion une feuille d'occasion de huit pages portant le titre menteur de Flambeau. Cette feuille ne mentionne aucun nom d'éditeur ni aucun nom d'imprimeur, mais le format, les caractères et le ton l'associent visible­ment au journal Le Temps, organe de l'Union Na­tionale.

Les prétendus Indépendants empestent la poli­tique de leur hypocrisie. Ils ont honte de se dire apparentés aux tories de Bracken. D'autre part, l'Union Nationale déclare ne pas se mêler de poli­tique fédérale. D'où sortent donc les innombra­bles piastres qui financent si grassement leur pro­pagande ?

Et pour revenir aux tartufes qui affichent des visages scandalisés en parlant du Crédit Social, la clique des rouges de Drummond-Arthbaska est du même calibre. Et dans combien d'autres comtés ?

L'organisateur de la publicité et de la radio pour le comité libéral central de Québec, Guy Bousquet, que les scrupules d'exactitude ne taqui­nent pas, a longuement joué de la même note dans une récente causerie à la radio.

Les uns et les autres cachent ce sale jeu politi­que derrière le nom de Son Éminence le Cardinal Villeneuve.

Ce n'est pas nous, messieurs les dénigreurs, qui traînons l'autel dans la politique, c'est vous. C'est vous, pour cacher vos insignifiances et pour agra­fer des votes mis en danger par vos lâchetés et vos trahisons.

Vous le fîtes durant la campagne électorale de 1940. Vous l'avez recommencé durant la campa­gne d'août dernier. Et vous y revenez une troisiè­me fois pour une troisième campagne électorale.

Il n'y a que la catholique province de Québec où des politiciens à bout d'arguments veulent ainsi marquer du sceau de l'excommunication quicon­que menace leur tour d'ivoire. C'est abuser hypo­critement du sens profondément religieux de la population.

Dites-nous donc, messieurs les politiciens, pour quoi ces sursauts de religion offensée ne se mani­festent chez vous qu'en temps d'élection.

Pourquoi le Crédit Social n'éveille-t-il votre conscience et ne vous fait-il partir en croisade sain­te que lorsqu'il place des candidats en travers de vos ambitions ?

Pourquoi le souci de l'âme de vos frères ne vous prend-il qu'à ce moment-là ? Est-ce bien la crainte de voir vos frères risquer leur salut éternel, ou n'est-ce pas plutôt, tout bonnement, la peur de perdre des votes, qui vous fait théologiens et moral­istes seulement en temps d'élections ?

Votre masque religieux est aussi dégoûtant que votre masque politique. Pendant que vous avez à la bouche des paroles d'évêques apprêtées à votre sauce, vos deux mains sont plongées jusqu'aux cou­des dans des caisses de corruption, alimentées par de l'argent raflé au peuple dont vous osez briguer les suffrages.

Vous avez sans doute pris vos leçons à l'école du diable, qui, sur la montagne, citait les saintes Écritures pour se faire adorer.

Retirez-vous où vous étiez hier, sépulcres blan­chis pour quatre semaines de parade. Nous n'osons même pas soulever le couvercle qui couvre à peine votre pourriture et vos ossements politiques em­puantés.

Vous fûtes et resterez des hommes à piastres et à fauteuils, que seule la soif des honneurs ou l'o­deur d'un fromage politique fait sortir de leur em­bourgeoisement l'espace d'une lune tous les quatre ou cinq ans.

On vous cherchait en vain hier pour porter un message de lumière ou de libération au peuple. On vous cherchera en vain demain. Vous retournerez à vos bureaux d'avocats, de notaires, ou à vos éta­blissements de commerce, où vous recommencerez de plus belle à pomper les piastres de vos conci­toyens quand l'heure est passée de pomper leurs votes.

Mais le peuple apprend de plus en plus à vous peser. Votre sceptre ne tient plus qu'à peine dans vos mains souillées, et c'est cela, rien que cela, qui révolte votre âme.

Vous aurez beau vous démener comme diable en eau bénite, le Crédit Social montera comme un astre au firmament et jettera sur les vampires de l'économique et leurs valets de la politique, dont vous êtes, une lumière qui les fera fuir.

Le Crédit Social n'a jamais été et ne sera jamais condamné par l'Église, car il n'offense ni Dieu ni le prochain ni celui qui le préconise. Est-ce offenser Dieu ou le prochain que vouloir distribuer aux fa­milles du Canada l'abondance canadienne, au lieu de la jeter aux égouts, au dépotoir, ou de la détrui­re systématiquement ? Est-ce offenser Dieu ou le prochain que de vouloir l'argent au service de la production et de la distribution, au lieu de laisser hommes et jeunes gens dans un chômage forcé et avilissant jusqu'au jour où on les réclame pour dé­truire les hommes et les choses ?

Essayez donc, politiciens d'élections, essayez donc de soutenir que votre système financier d'af­famation, générateur de haines et de désespoirs, est conforme à la charité envers Dieu et envers vo­tre prochain et conforme à votre propre dignité d'homme et de chrétien.

Si vous êtes si forts en textes signés par des au­torités plus respectables que vous, pourquoi ne citez-vous pas les conclusions du rapport des neuf théologiens, nommés par les évêques de la province de Québec, en 1939, pour étudier le Crédit Social vis-à-vis des enseignements de la sociologie catho­lique ? Leur conclusion a été exactement le contraire de celle que vous servez au public. Eux ne cher­chaient pas des votes, mais la vérité. Vous ne cher­chez pas la vérité, mais des votes. Toute la diffé­rence est là.

Après dix années de crise et six années de guerre, fruit de votre régime, vous devriez ne passer de­vant le public que la face voilée de honte, et sur­tout cesser de traîner des noms respectables au ser­vice de vos têtes creuses et de vos cœurs vides.

Électeurs et Électrices de Nouvelle-France, re­poussez avec mépris ceux qui n'ont que du mépris pour vous du 1er janvier au 31 décembre et ne viennent devant vous que pour soigner leurs pro­pres intérêts. Reconnaissez vos hommes, les hom­mes du peuple, dans ceux qui vont aux électeurs douze mois par année. Dans le comté de Dorches­ter, par exemple, est-il possible d'hésiter entre M. Grégoire et M. Boiteau ou M. Tremblay ? Entre le soleil de toujours et des vers-luisants d'occasion ?

Nous pouvons en dire autant de tous les autres comtés où se trouve un candidat des électeurs. Fai­tes leur comparaison avec les hommes de partis et voyez lesquels sont réellement des hommes des électeurs.

Louis EVEN


Pain et Liberté

Les créditistes ne veulent ni la caserne ni la faim. Ils veulent l'assurance du pain avec le res­pect de la liberté. Pain et liberté : les deux doi­vent pouvoir s'allier dans un monde où le pain surabonde et dans un monde où l'on a immolé des millions de vies humaines sous l'étendard de la liberté.

Arthur Kitson, grand inventeur et industriel anglais, frappé de la répétition de crises sans aucune cause na­turelle, en rechercha les causes et les trouva dans le système monétaire. Il écrit en 1933, dans The Ban­ker's Conspiracy (La Conspiration des Banquiers) :

"Il n'existe qu'un remède à la présente crise mon­diale : une augmentation d'argent — non pas dans les banques, mais dans les poches du public, pour permettre aux consommateurs d'acheter plus de pro­duits."

Lord Beaverbrook, ancien banquier et propriétaire de plusieurs journaux importants, disait en 1932 :

"La Banque d'Angleterre a imposé au gouver­nement, depuis dix ans, une politique de déflation. Le gouvernement doit être maître dans sa propre maison ; le gouvernement doit dicter la politique mo­nétaire de la nation ; la Banque d'Angleterre doit être reléguée à sa juste place, celle de servante de la nation. Donnez-nous le droit d'établir un crédit raisonnable et des facilités bancaires suffisantes pour le peuple, et vous obtiendrez un niveau convenable de salaires, la stabilité des prix des denrées et la prospérité pour notre peuple."

L'Hon. Charles Lindbergh (père de l'aviateur), prési­dent du Comité chargé par le Congrès d'enquêter sur l'existence d'un trust de l'argent, écrivait au sujet de la crise de deux années, de 1920 à 1922 :

"Sous la loi de la Réserve Fédérale (loi américaine des banques), les paniques sont créées scientifique­ment, avec la même exactitude qu'on apporte à la solution d'un problème mathématique."

Eccles, président de la Federal Reserve Board des États-Unis (autorité suprême du système bancaire américain), est cité comme suit dans Colliers du 8 juin 1935 :

"Les banques peuvent créer et détruire la monnaie. Le crédit bancaire est monnaie. C'est avec cette monnaie que nous faisons la plus grande partie de nos affaires, et non pas avec le numéraire auquel on pense ordinairement quand il est question d'argent."

Louis Even

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.