Démocratie étouffée à Terre-Neuve

le lundi, 15 janvier 1945. Dans La politique

Terre-Neuve fut cédée par la France à l'Angle­terre par le Traité d'Utrecht, en 1713, en même temps que notre chère Acadie.

Depuis, la colonie de Terre-Neuve devint, com­me le Canada, un dominion du commonwealth bri­tannique. Les dominions sont supposés indépen­dants depuis le Statut de Westminster en 1931.

Mais l'histoire de Terre-Neuve est en sens exac­tement contraire à l'indépendance depuis 1931. Terre-Neuve souffrait de difficultés financières ex­trêmes à cette époque. Difficultés financières, cela veut dire incapacité de payer le tribut aux maîtres de la finance.

James Magor à la rescousse

Un financier canadien, Robert James Magor, après avoir été quelque temps contrôleur des se­cours directs dans l'île, fut chargé d'aider à trou­ver les fonds nécessaires pour payer l'intérêt sur la dette nationale de Terre-Neuve en 1931 et 1932. Il le fit par un marché entre Terre-Neuve et le mo­nopole du pétrole. L'Imperial Oil Company four­nit les fonds ; et en échange, l'Imperial Oil Co. re­çut le monopole exclusif du commerce des huiles sur l'île de Terre-Neuve.

Disons, en passant, que c'est ce même James Magor qui fut offert par Bennett à Aberhart, après l'élection d'août 1935, pour mettre les finances al­bertaines sur un pied satisfaisant au point de vue de l'orthodoxie bancaire. Si notre information est exacte, l'honorable Bennett et James Magor étaient tous les deux dans le directorat de l'Imperial Oil Company. L'un et l'autre savaient qu'il existe d'immenses ressources pétrolières dans le sous-sol albertain : or, l'année suivante, 1936, l'Imperial Oil obtenait le monopole de l'exploitation de ces res­sources : ce ne peut être une simple coïncidence !

Donc, James Magor trouva de l'argent pour payer les intérêts de Terre-Neuve et il trouva un marché sans concurrence pour l'Imperial Oil Com­pany, juste à l'éclosion du règne de l'aviation qui mettrait Terre-Neuve en évidence sur la carte du monde.

Fin du régime parlementaire

Mais ce n'est pas tout. Magor était aussi un so­ciologue, à la sauce orthodoxe. Il recommanda à l'Angleterre d'enlever à Terre-Neuve son statut de dominion, d'en refaire une simple colonie de la Couronne et de lui imposer une commission admi­nistrative.

Et ce fut fait. En 1934, le plus vieux des domi­nions britanniques cessa d'être un pays démocrati­que. Terre-Neuve n'avait rien à dire, puisqu'elle n'était pas en état de grâce avec la finance.

Depuis ce temps-là, James Magor est allé de­mander à saint Pierre s'il y avait une place dans le ciel pour récompenser des services désintéressés comme les siens.

Quelle fut la vie des Terre-neuviens sous le régi­me imposé par Londres à la demande de la finan­ce ? Voici ce qu'écrivait Malcolm H. Clark dans le Harper's Magazine de février 1941 :

"Les ressources de l'île ont été données à des intérêts étrangers. De nombreuses gens dépérissent de sous-alimentation s'ils ne meu­rent pas tout à fait de faim. La moitié des ha­bitants a la tuberculose ; 40 pour cent sont au secours direct et touchent chacun $22 pour toute l'année. L'industrie forestière, sous con­trôle étranger, a rendu les salaires extrême­ment bas. C'est une exploitation brutale du peuple."

La guerre a valu un peu plus de bien-être à Terre-Neuve. L'occupation par des armée alliées, sa position avantageuse au point de vue de l'avia­tion transatlantique, ont apporté de l'argent dans l'île. Évidemment le commerce de l'essence pour l'armée et l'aviation a dû être une aubaine pour l'Imperial Oil. Tout comme le centre d'entraîne­ment d'aviation pour l'Empire, établi en Alberta. Ne dirait-on pas un plan fait d'avance par les puis­sants intérêts du pétrole ?

Pas mûrs pour un gouvernement responsable

Et nous voici en 1944. Terre-Neuve est adminis­trée par une commission depuis dix ans. Une mis­sion fût envoyée à Terre-Neuve en 1943 pour étudier la situation et inspirer le gouvernement an­glais pour statuer sur l'avenir de Terre-Neuve.

Lord Ammon dirigeait la mission. Le secréta­riat des Dominions n'a pas encore publié son rap­port officiel. Mais Lord Ammon a fait connaître ses conclusions dans un fascicule publié par Fabian Publications Ltd. Pourquoi Fabian Publications ? On sait que les Fabiens sont les grands apôtres du socialisme en Angleterre.

Toujours est-il que Lord Ammon recommande de maintenir à Terre-Neuve le gouvernement par commission, pour un temps indéfini. Il considère la restauration du gouvernement responsable comme désavantageuse et impraticable.

Lord Ammon souligne une apathie marquée à l'endroit de la politique chez les habitants de l'île. Personne, parait-il, ne désire former un gouverne­ment responsable, et personne n'en est capable.

Nous croyions Terre-Neuve habitée par des blancs, non pas par des Peaux-Rouges ou des Hin­dous.

Nos gérants d'humanité trouvent toujours moyen de jeter le tort sur les enchaînés. Ils les a­brutissent, puis les traitent d'incapables. Comment se fait-il qu'eux, qui furent longtemps en démocra­tie, ne soient plus mûrs aujourd'hui pour la démo­cratie ? Et qu'a fait le gouvernement par Commis­sion pour les ré-élever au niveau de la responsabi­lité démocratique ?

Lord Ammon recommande bien des choses pour un programme de dix ans, des écoles normales, des écoles secondaires et techniques, des logements sa­lubres, des moyens de transport, etc. Il faut croire que l'île manque de tout cela. Pourtant, il y a dix ans qu'une Commission agréable à la finance fa­çonne l'île à son gré, sans même avoir à faire ap­prouver ses actes par un Parlement, puisqu'il n'y a plus de Parlement à Terre-Neuve.

Est-ce Hitler qui a tué la démocratie à Terre-Neuve ?


Il est du devoir de chaque citoyen, comme le rap­pelle le Pape, de faire la guerre à la guerre. Les gran­des guerres modernes sont impossibles sans conscrip­tion, sans service militaire obligatoire. On fera donc une guerre efficace aux guerres en faisant la guerre à la conscription. La guerre dégrade l'humanité ; la conscription dégrade la civilisation moderne.

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