À des Anglais qui demandaient la suppression du rationnement du pétrole, Lord Brabazon donnait le conseil suivant :
"La seule manière d'obtenir des résultats, c'est de harceler les autorités jusqu'à ce que vous ayez ce que vous voulez. Vingt-cinq années de vie parlementaire m'ont convaincu qu'il n'y a rien comme un flot continu de lettres arrivant sur le pupitre d'un membre du Parlement pour le décider à bouger."
Lord Brabazon parle d'expérience. Suivons le conseil.
Il se peut qu'aux premières lettres, le député reste indifférent. Mais il ne pourra demeurer impassible si le flot continue. Il sentira que ses électeurs le surveillent et se forment un jugement sur son compte.
Écrivez donc à votre député :
À votre député provincial, pour lui demander les Maisons du Trésor, afin que la province ne soit pas réduite financièrement à manger dans la main d'Ottawa ou à passer sous la coupe des banques.
À votre député fédéral, pour lui dire que vous voulez l'abolition complète des commissions dictatoriales. Dites-lui que vous le tenez responsable, personnellement, du maintien et de l'accroissement des contrôles. Protestez près de lui contre le régisseur du logement, nouveau contrôle alors que la guerre est finie. Il est responsable de tout ce qui se fait à Ottawa : qu'il bouge.
Adressez ainsi à votre député fédéral :
M. (nom du député)
Député du comté de
Hôtel du Parlement, Ottawa, Ont.
* * *
Signez votre lettre. Faites signer par tous les membres de votre famille, par vos voisins, par vos amis, par vos compagnons d'ouvrage.
Dites à d'autres d'écrire eux aussi, et de faire signer, eux aussi, par leur cercle de connaissances.
Il paraît qu'enfin le Canada va avoir un drapeau à lui. Le plus gros des Dominions est le dernier à s'y décider.
Mais voici qu'on semble préparer les Canadiens, par les journaux, à reconnaître comme drapeau national l'enseigne de la marine — ce pavillon rouge avec un Union Jack dans le coin.
Si c'est là le drapeau qu'on veut infliger au Canada, les Canadiens français n'y voient rien, absolument rien pour eux. Le Union Jack ne peut que nous rappeler la conquête de notre pays par les canons de l'Angleterre, alors que ce sont des Français qui l'avaient fondé de leurs mains, de leurs sueurs et de leurs sacrifices.
Le rouge peut répondre au goût anglais, ou russe, mais pas au goût français. De grâce, qu'on nous mette du blanc dans le drapeau.
Un drapeau canadien, nous en sommes. Mais pas un drapeau importé, ni un drapeau pour narguer le tiers du Canada.
Laissons à l'Angleterre son drapeau et ayons-en un bien à nous. Les Américains ont eu, dès le début, un drapeau bien caractéristique, qui n'a rien du Union Jack, et pourtant ils venaient pratiquement tous des Îles Britanniques.
Si la majorité des Canadiens a encore l'esprit colonial, et si l'on tient à ce que le Canada reste une filiale de l'Angleterre, qu'on garde donc le Union Jack et qu'on ne parle pas de drapeau canadien.
Ce doit être un drapeau canadien, ou rien du tout.
Nous connaissons une foule de Canadiens français — et nous en sommes — qui refuseront le titre de drapeau canadien, soit à l'enseigne de la marine, soit à tout autre pavillon orné du Union-Jack. Et jamais nous n'arborerons tel drapeau, jamais nous ne le saluerons, jamais nous ne le chanterons.
Nous avons du respect pour le Union-Jack comme drapeau de la Grande-Bretagne, de même que nous avons du respect pour le drapeau étoilé comme drapeau des États-Unis, ou pour le tricolore comme drapeau de la France. Nous consentons volontiers à les voir flotter même chez nous, en seconde place, comme drapeaux de nations amies. Mais, si le Canada est véritablement indépendant, comme on a l'air de le dire, il ne peut y avoir de place pour aucun de ces drapeaux étrangers sur notre drapeau national.