Les trois grands se sont réunis à Postdam. Qu'ils s'y soient occupés des problèmes relatifs à l'occupation de l'Allemagne, au traitement à infliger aux vaincus, des préliminaires à un traité de paix et autres questions connexes, cela se conçoit. Mais de quel droit s'y est-on mêlé des affaires d'Espagne ?
Qu'est-ce que l'Espagne peut bien avoir à faire avec les résultats d'une guerre dont elle ne s'est pas mêlée ?
Et qu'est-ce que ça peut faire à Churchill, ou Atlee, ou à l'Angleterre ; à Truman ou à l'Amérique ; à Staline ou à la Russie — qu'est-ce que ça peut leur faire que l'Espagne soit gouvernée par Franco, ou par un roi, ou par un président de république ?
Est-ce que ce n'est pas l'affaire des Espagnols eux-mêmes ? S'ils sont généralement satisfaits de leur régime, que ne les laisse-t-on en paix ? S'ils en sont mécontents, c'est à eux de le changer.
Ce n'est pas à des étrangers à dicter à un pays sa politique intérieure. C'est contraire à tous les principes pour lesquels on s'est battu, si toutefois ceux qui nous faisaient nous battre disaient ce qu'ils pensaient.
On crie au scandale, parce que Franco a eu, en 1936, l'appui des armes des pays totalitaires, Allemagne et Italie, pour renverser le régime communisant d'Espagne. Oublie-t-on que le régime communisant d'Espagne avait eu, pour s'installer, et qu'il a eu, pour essayer de se maintenir, l'appui d'un autre pays aussi totalitaire, la Russie de Staline ?
Est-ce que nos démocraties se sont fait scrupule, elles, pour gagner leur partie dans la guerre, d'accepter l'aide militaire de la Russie, qui n'est pas plus démocratique que l'était l'Allemagne nazie ?
Chaque fois que les prétendus "grands" se rassemblent, Staline obtient le droit d'allonger sa griffe.
Le seul crime de Franco pour les maîtres actuels du monde, c'est d'avoir réussi à débarrasser l'Espagne du communisme qui la dominait et l'ensanglantait. Or, c'est son titre immortel de gloire, et tout l'épiscopat espagnol et des milliers d'archevêques et d'évêques du monde entier l'ont reconnu.
Des journaux de chez nous, surtout les journaux de couleur libérale, se font bêtement les véhicules du stalinisme, dans l'affaire Franco, comme dans l'affaire Pétain, comme dans l'affaire Léopold de Belgique, comme dans l'affaire polonaise, comme dans les affaires baltes, autrichiennes, tchécoslovaques ou yougoslaves.
On s'est allié au diable pour gagner la guerre. Simple coïncidence, disait-on ; coïncidence providentielle, ajoutaient d'autres. Le diable mène ses alliés aujourd'hui. Et, par les organes de presse, de radio, de propagande variée, le diable se fait encore donner raison, même dans des milieux qui se disent catholiques.