Guerre au planisme bureaucratique

Louis Even le samedi, 15 septembre 1945. Dans La politique

Le grand plan mondial

Les guerres et les crises ne sont pas des effets du hasard. Ce ne sont même pas ceux qui décla­rent les guerres qui les font surgir. Guerres et cri­ses sont voulues. Leur succession systématique est le produit de quelque cerveaux intéressés à supprimer les souverainetés nationales et à éta­blir un état-esclave universel, dans lequel une pe­tite clique judéo-maçonnique dictera les condi­tions de vie des personnes humaines, comme un éleveur dicte les conditions de vie de ses animaux. Le planisme mondial, œuvre de Satan.

La première grande guerre établit le règne du planisme en Russie. Ce n'était pas assez. Une crise universelle fut ordonnée par les mêmes cer­veaux, et la crise universelle a étendu le planisme en Allemagne, en Italie et dans plusieurs au­tres pays européens.

C'était déjà plus avancé. Une fois tous les pays sous la coupe du planisme chez eux, il n'y aurait plus qu'à faire absorber les moins forts par les plus forts, la Russie par l'Allemagne ou l'Allemagne par la Russie, de façon à en sortir un monde pla­nifié sous la même dictature. Nazisme ou soviétis­me, l'étiquette importe peu : c'est la chose que les planistes poursuivent.

Cependant, même la crise prolongée ne venait pas à bout de tous les pays. En Amérique, en Angleterre et ailleurs, l'idée démocratique résistait.

Israël Moïse Sieff, directeur du P.E.P. (Political and economical planning), l'avouait en 1938 :

"Ce n'est rien que pour la conduite d'une guerre, ou sous la menace d'une guerre, qu'un gouvernement britannique embarquera dans le planisme sur une grande échelle, comme en Russie."

La montée du planisme

La deuxième grande guerre est venue, et avec elle le planisme s'est donné libre cours.

La stratégie des planistes est claire : à l'occa­sion d'une guerre, planisme absolu. C'est amer à prendre par les populations ; mais elles l'acceptent par patriotisme. La guerre finie, on en abroge une partie, mais on garde les cadres, en donnant com­me prétexte qu'il faut éviter une crise.

Au peuple, on fait remarquer ce qu'on enlève de bureaucratie, pas ce qu'on garde. Après avoir subi la grosse dose, il accepte la dose moins grosse, presque avec reconnaissance.

Voyez si ce n'est pas le cas chez nous. Demandez aux politiciens de supprimer complètement le Ser­vice Sélectif ou la Commission des Prix : ils vous répondent qu'on a déjà supprimé bien des régies, mais qu'il faut en garder pour empêcher le désor­dre dans l'économie du pays.

Dans le grand engrenage

Puis, avec les guerres et les coalitions qui en découlent, des plans mondiaux s'élaborent pour être mis à exécution par le groupe des nations victorieuses. C'est pour conserver la paix et pour la reconstruction, dit-on.

Si des populations récriminent, on leur répond : Nous devons faire notre part dans le grand en­grenage mondial.

Les cabinets reçoivent leur politique des organis­mes bureaucratiques internationaux ; les parle­ments, grâce eu système de partis, reçoivent leurs instructions des cabinets. Et le peuple n'a rien qu'à s'incliner devant les décisions prises sans le con­sulter.

De démocratie dans tout cela, il ne reste plus que le nom. Les citoyens sont considérés comme des animaux qui ne peuvent pas savoir eux-mêmes ce qu'ils veulent et qui n'ont rien à dire dans l'orien­tation de leurs destinées. C'est le règne des plans faits loin des personnes ; c'est l'ère de la bureau­cratie.

Fléau bien protégé

La bureaucratie suppose des bureaucrates. Quel­ques gros bureaucrates et une foule de petits bu­reaucrates.

Dans notre monde actuel, où presque personne n'est sûr du lendemain, où presque personne ne travaille à son compte (sauf les cultivateurs qui travaillent surtout pour payer des taxes et des hypothèques), où il faut généralement s'embaucher au service des autres pour gagner son pain, et où les emplois au service des autres ne sont point marqués du sceau de la permanence, la place de bureaucrate est fort enviée. Il y a plus d'applicants que de places à remplir, même avec le nombre toujours croissant de places de fonctionnaires.

Cette situation rend plus difficile la lutte contre la bureaucratie. Demandez au gouvernement de réduire de moitié le nombre de fonctionnaires, bu­reaucrates des ministères ou bureaucrates des com­missions, vous entendrez un beau chahut ! Tous les petits bureaucrates, si esclaves soient-ils, se lève­ront pour protester.

Le gouvernement lui-même, qui est fait de poli­ticiens de partis, est intéressé à entretenir une grosse bureaucratie. Sans doute que ça complique le travail du Trésor, mais ça facilite la victoire aux élections. Quand on mange dans la main du gou­vernement, il faut voter gour lui, et se garder de toute condescendance envers les adversaires poli­tiques, ou bien le gagne-pain-est menacé. Et si l'on n'est encore qu'aspirant-fonctionnaire, il faut lécher des bottes politiques pour ménager ses chances d'être agréé.

La bureaucratie est donc bien défendue par ceux-là même qui doivent ramper à cause des effets d'un régime bureaucratique. Et pourtant, la bu­reaucratie est une plaie qu'il faut combattre.

La bureaucratie est un régime odieux, sans cœur et sans entrailles. Le bureaucrate ne connaît pas d'être humains dans ses fonctions. Il ne voit dans son fichier que des noms et des numéros qu'il traite comme de simples pions. Il n'a aucune conscience ni aucun souci des mortifications, des larmes peut-être, que vont susciter les petites notes sorties rou­tinièrement de son bureau. C'est le système ; lui-même n'est qu'un morceau sans personnalité dans le système. Il ne se sent pas la responsabilité du résultat de ses actes.

La bureaucratie est une plaie hideuse qui, en s'implantant dans nos démocraties, les apparente de plus en plus au système de la Russie.

Gouvernement partout, gouvernement em­ployeur, gouvernement à commissions bureaucra­tiques ; peste d'inspecteurs, peste de permis à de­mander, peste de questionnaires à répondre, peste de formules à remplir, peste de rapports à signer ; peste de renvois du bureau A au bureau B, peste de nez du gouvernement dans vos affaires !

Où porter la lutte ?

Pour défendre nos libertés, pour repousser effi­cacement l'invasion de nos vies par les dictats éma­nant des Baruch, des Laski et d'autres cerveaux internationaux de cette espèce, il faut lutter chez nous contre la bureaucratie de chez nous, contre les faiseurs de plans de chez nous.

Ceux qui nous renvoient aux décisions prises dans les organismes internationaux veulent sim­plement nous condamner à croiser les bras, sous prétexte que la sphère nous dépasse, que nous n'y pouvons rien.

Nous y pouvons beaucoup. Quelles que soient, en effet, les chartes mondiales, les conférences mondiales, les signatures mondiales, il est impossi­ble à la bureaucratie internationale d'opérer dans un pays s'il ne s'y trouve pas une bureaucratie locale pour recevoir les ordres et les faire exécuter.

C'est en combattant le régime bureaucratique dans notre propre pays, c'est en exigeant la respon­sabilité constante du gouvernement de chez nous au peuple de chez nous, c'est en nous organisant pour exercer le contrôle démocratique sur nos par­lements, que nous réussirons à éviter les lacets ten­dus par un petit groupe d'internationaux qui veu­lent mouler l'humanité à leur gré.

Nos députés sont responsables au peuple, à nous. Ne les laissons pas s'enliser, comme les bureau­crates, dans l'insouciance vis-à-vis des hommes, des femmes et des enfants qui composent le peuple.

Refusons à nos députés le droit de s'effacer devant les décisions des bureaucrates. Surtout, n'admettons pas que nos députés se fassent devant nous les défenseurs de la bureaucratie. Ils doivent, au contraire, en notre nom, presser le gouverne­ment de faire sauter au plus vite, immédiatement, ce cancer qui ronge graduellement ce qui reste de démocratie.

Louis Even

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