La régie du logement

Louis Even le samedi, 15 septembre 1945. Dans Conscription

En janvier dernier, la ville de Montréal et la ville de Québec refusèrent un Régisseur du logement. Dans la province de Québec, seule la ville de Hull en eut un, avec l'assentiment de la majorité de son conseil. Six autres villes dans le reste du Canada.

Mais voici que le gouvernement bureaucratique, centralisateur et socialisant d'Ottawa, vient de dé­créter que le Régisseur du logement pourra être im­posé à n'importe quelle ville, sans s'occuper de l'opposition de la population ni de celle des con­seils municipaux.

* * *

Nos lecteurs du mois de janvier se rappellent en quoi consiste cette ordonnance 9439, et quels pou­voirs arbitraires et exorbitants elle donne à ce nou­veau dictateur qu'on appelle Régisseur du loge­ment :

    1. — Pouvoir de faire des enquêtes dans toutes les maisons qu'il désirera, par des personnes choi­sies par lui ;

    2. — Pouvoir d'entrer dans nos maisons, de les examiner, d'y exercer ses fonctions de czar ;

    3. — Pouvoir de prescrire lui-même la manière d'utiliser les maisons ;

    4. — Pouvoir de faire faire tous les changements qu'il voudra dans les maisons qu'il voudra. Il pour­ra être doux pour qui il voudra et sévèrement mé­ticuleux pour qui il voudra. Pas d'appel ;

    5. — Pouvoir de terminer ou modifier tout bail, à son gré ;

    6. — Pouvoir d'imposer des locataires à un pro­priétaire ;

    7. — Pouvoir de prendre possession de maisons pour les utiliser aux fins qu'il jugera à propos ;

    8. — Pouvoir de faire exécuter ses mandats par le shérif ;

    9. — Pouvoir de transférer des logeurs d'une maison dans une autre ;

    10. — Pouvoir d'ordonner des réparations, des subdivisions, des modifications au propriétaire ;

    11. — Pouvoir de faire punir de $5,000 d'amen­de et de deux ans de prison toute personne qui re­fuse de se soumettre aux dictées du Régisseur.

Sans doute que le Régisseur n'est pas obligé d'al­ler jusque-là, mais l'ordonnance lui en donne le droit, et rien ne l'empêche de le faire quand ça lui plaît. C'est un bon moyen de forcer les citoyens à ramper pour ne pas être malmenés.

C'est une violation flagrante du droit de pro­priété. C'est un moyen efficace de décourager ceux qui aspiraient à devenir propriétaires,

*    *    *

Les communistes jubilent. Ils disent que c'est la plus belle mesure du gouvernement. Pourquoi sont-ils contents ? Parce que c'est une grave atteinte au droit de propriété,

Ilsley, le ministre au rationnement de l'argent, est aussi le ministre au contrôle des maisons. Il se plaint qu'il n'y a pas assez de maisons pour loger les vétérans qui reviennent du front, dont plusieurs avec une famille. À qui la faute ? Si l'on s'était plus occupé de loger convenablement les vivants du Canada que de creuser des tombes en Europe, la situation ne serait pas la même.

Le même gouvernement qui a imposé des res­trictions sur les matériaux de construction pour alimenter la tuerie, le même gouvernement qui impose encore des restrictions sur les matériaux pour reconstruire l'Angleterre, la Russie et d'autres à 4,000 milles d'ici, s'aperçoit que nos Canadiens manquent de maisons. Solution : des bureaucrates de plus.

Combien le Régisseur va-t-il bâtir de maisons ? Zéro.

Qu'est-ce qu'il va faire ? Jouer avec les maisons des autres. C'est toujours cela que font les bureau­crates : gâter la propriété des autres.

Où est rendue la liberté, thème grandiloquent de nos propagandistes de guerre ? Au fond de la Mer Noire, avec la charte de l'Atlantique.

Pourquoi s'est-on battu pendant six ans ? Pour des prunes — ou plutôt pour des dettes, des taxes et des bureaucrates. Pourquoi a-t-on abattu Hitler ? Pour le rempla­cer par Staline en Europe et transporter en Amé­rique la philosophie çommune aux deux compères.

* * *

Faut-il avaler cette nouvelle couleuvre ? Non.

Que faire ? Crier sur les députés fédéraux, pour qu'ils crient sur le gouvernement fédéral.

Si les députés ne savent pas qu'un défaut de lo­gement se corrige par la construction de logements, et non pas par l'entassement des humains, il faut le leur rappeler. Ils sont portés à oublier les simples éléments parfois, par amour de leur quiétude ou par culte de leur parti.

Pourquoi se fait-on imposer de plus en plus de rationnements, de plus en plus de bureaucratie, de plus en plus d'obligatoires ? Parce qu'on se laisse faire idiotement.

D'autres pressent des boutons pendant que nous dormons. Or les politiciens obéissent aux pressions. Quelles pressions les électeurs font-ils sur leurs députés ?

Hier, la bureaucratie militaire prenait le contrô­le de nos jeunes gens et les manipulaient à son gré. Aujourd'hui, la bureaucratie de Gordon prend le contrôle des maisons du Canada et les manipulera à son gré. Toujours au nom de motifs élevés, aux­quels les gogos croient comme à l'Évangile.

Quels sens y a-t-il à crier que le Canada manque de maisons et qu'ils manque de brique, de tuyaux, et d'autres matériaux pour construire, quand on garde 60,000 jeunes gens à rien faire dans les camps militaires ?

* * *

Quiconque a des yeux pour voir et une intelli­gence pour comprendre se doit de protester contre chaque nouveau crampon de la bureaucratie. Mê­me si l'on n'est pas soi-même directement affecté.

L'égoïste qui dit : Cela ne me touche pas — aura son tour. C'est la technique des ingénieurs du grand plan d'enrégimentation, de n'opérer que par sections, pour rencontrer moins de résistance. Ils respectent un groupe pendant qu'ils étranglent l'autre. Si tous se tenaient ensemble et s'interposaient devant chaque attaque, aucun groupe ne se­rait étranglé. Mais si les épargnés temporaires lais­sent faire, lorsque leur tour viendra, ce ne sont pas les étranglés qui pourront les défendre.

* * *

La Régie du logement est aussi une nouvelle in­cursion du fédéral dans le domaine des droits ci­vils, qui relève des provinces.

Tous les citoyens ont le devoir de crier : Arrière ! Arrière, les bureaucrates d'Ottawa !

La Ligue des Propriétaires de Montréal a voté des résolutions de protestation. C'est bien. Mais c'est un acte collectif en passant, dont probable­ment personne à Ottawa ne s'inquiétera personnel­lement.

C'est une répétition de protestations, par des hommes individuellement conscients des droits et des libertés de la personne, qu'il faut faire pleuvoir sur des hommes publics bien déterminés. Sur quels hommes publics ? Sur ceux qui ont besoin des élec­teurs pour garder leurs sièges, sur les députés.

Si une protestation générale adressée au gouver­nement en général ne touche à peu près personne en particulier, il n'en est pas ainsi des lettres adres­sées a un député par ses électeurs. À mesure que ces lettres se multiplient, le député y devient plus sen­sible — pour cause.

Et c'est à nos députés qu'il appartient de se dé­mener personnellement pour faire savoir au gou­vernement ce que le peuple veut et ce qu'il ne veut pas.

Si nous laissons forger les chaînes de la bureau­cratie, anneau par anneau, il y en aura bientôt tant et de si fortes qu'il deviendra impossible de les briser sans des efforts beaucoup plus considéra­bles.

Guerre au Régisseur ! Guerre à la bureaucratie ! Guerre à la politique socialisante et dictatoriale !

Louis Even

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.