La scène à la Conférence d'Ottawa

le mercredi, 15 août 1945. Dans La politique

Nous avons envoyé Roland Corbeil à Ottawa, pour suivre, à titre de journaliste représentant "Vers Demain", les séances plénières de la Conférence fédérale-provinciale. Il nous écrit la lettre suivante :

Ottawa, 6 août 1945

Chers Directeurs,

Pendant que les ministres lisent, de leur voix monotone et ennuyante, le monument diabolique qu'est ce volume des Propositions du Gouverne­ment Fédéral pour la Reconstruction d'après-guer­re, je me permets de vous donner mes impressions de la journée.

Après l'ouverture, faite avec tout le décorum voulu pour en imposer aux moins gogos, la Provin­ce de Québec se leva pour protester contre le fait que les pièces documentaires n'avaient été remises aux intéressés que ce matin seulement, plaçant ainsi les délégués dans l'impossibilité de faire une étude approfondie du contenu plus que volumi­neux.

Le Manitoba appuie ces remarques, ainsi que l'Alberta. Cependant, l'Ontario semble se porter le défenseur du procédé employé par le Fédéral. Cette attitude m'a surpris.

Ce soir, je remarque l'absence de M. Drew, alors que tous les autres ministres sont à leurs sièges. Manning (d'Alberta) suit attentivement la lecture faite par les ministres fédéraux, à tour de rôle ; tan­dis que Duplessis voyage d'un siège à l'autre, entre et sort de l'enceinte parlementaire, et feuillette le livre vert, sans en suivre le texte.

Le Premier-Ministre du Canada, qui agissait comme président de la séance depuis ce matin, a cédé son poste au Ministre de la Justice, après le débat soulevé par Duplessis protestant contre le procédé du gouvernement.

Durant la veillée, j'ai parcouru les corridors du quatrième, dans l'espoir d'y rencontrer quelques figures de la délégation, soit du Québec, soit d'ail­leurs. Sans succès. Les corridors sont déserts, les chambres noires. Pourtant les banquettes sont presque toutes vides. Où sont donc allés ces quel­que deux à trois cents délégués, soit exactement 125 officiels et autant d'officieux ?

Ce qui est étonnant, c'est le nombre de délégués par province :

Ontario                          35

Québec                           8

Nouvelle-Écosse            13

Nouveau-Brunswick      21

Ile du Prince-Edouard    7

Manitoba...................  11

Saskatchewan.......       11

Colombie.................    12

Ces proportions sont inexplicables. La disposi­tion autour de la table n'est pas moins cocasse. D'un côté, Québec, Nouveau-Brunswick, Colom­bie, Saskatchewan ; de l'autre, Ontario, Nouvelle­-Écosse, Manitoba, Île du Prince-Édouard, Alberta.

L'Alberta est la dernière partout. Sa délégation occupe les derniers sièges ; son premier-ministre est le dernier au bout de la table : son tour de parler vient le dernier. C'est criant...

Il y a un siège de réservé pour M. Low. Ce der­nier n'est pas arrivé, étant resté pour participer à la campagne pour l'élection partielle dans le comté provincial de Warner. Cette vacance fut créée par sa propre démission comme député provincial afin de se présenter au fédéral. On sait que le comté de Warner a de nouveau élu un créditiste. On attend M. Low ces jours-ci.

Je vais essayer de rencontrer les membres de la délégation de la province de Québec. Elle se com­pose de cinq ministres : Duplessis, Gagnon, Bour­que, Barrette, Tardif ; et de trois experts attachés au Département du Trésor.

Je suis de plus en plus convaincu que, sans no­tre mouvement d'éducation du peuple, la situation serait désespérée. Nous vivons les heures les plus graves de notre histoire depuis 1867. Si une forte Union des Électeurs existait dans tout le pays en ce moment, le peuple dominerait la situation sans contredit.

Heureusement que cette formule est en voie de réalisation ; car autrement, nous serions à tout ja­mais voués à la merci des socialisants, que les po­liticiens semblent impuissants à dominer, même avec la meilleure volonté du monde.

Les politiciens des provinces ne réalisent pas du tout ce qui se passe en ce moment. Ils sont disposés à "co-opérer" aux plans du Fédéral plus que ja­mais, paraît-il ; parce qu'ils sont inquiets de l'ave­nir et ne trouvent pas la solution dans leurs pro­vinces respectives. Ils cherchent un appui que le peuple, insuffisamment éclairé et insuffisamment organisé, ne peut leur donner. Ils deviennent ainsi, si fins se croient-ils, des proies faciles pour les financiers, les centralisateurs et leurs valets.

Je profite de l'occasion pour me créer des rela­tions qui pourront me servir plus tard pour le bien de la cause. Il y a ici des journalistes de par­tout, de Vancouver à Halifax. Ils apprennent avec surprise l'existence d'un journal créditiste à si forte circulation dans la province de Québec.

On m'a très bien traité à la galerie des journalis­tes ; l'atmosphère y semble plus sympathique qu'à celle de Québec. Le président de la galerie me parle toujours en bon français. Sans être encore bien fa­milier avec tous ces messieurs, qui tirent du grand il va sans dire, je suis cependant tout à fait à mon aise.

ROLAND CORBEIL


Arcand ou Tim Buck ?

Les rats communistes s'agitent bien au-dessus de leur taille. On dirait que c'est grâce à eux qu'on a encore le droit de respirer un peu.

De ce temps-ci, les communistes canadiens font circuler un pamphlet intitulé : Mussolini a été pendu, Arcand est libéré. Ils y demandent vio­lemment qu'Adrien Arcand soit jugé pour trahi­son. Le Juif Fred Rose, l'unique député commu­niste à la Chambre des Communes, promet même de soulever la question au Parlement.

Il ne manquera sans doute pas de députés qui, sans être fascistes, auront la bonne idée de de­mander à Fred Rose s'il ne se trompe pas de nom. N'est-ce pas plutôt Tim Buck qu'il y aurait lieu de traduire en cour ?

Arcand était bien inoffensif dans un camp de concentration, lorsque Tim Buck et ses compè­res communistes vilipendaient la guerre des dé­mocraties et demandaient de "saboter cette nou­velle aventure impérialiste". Tim Buck et les siens ne se rangèrent que lorsque la Russie fut attaquée par l'Allemagne. Fidélité à la Russie, gouvernement étranger, oui ; mais fidélité au Ca­nada, il est permis d'en douter.

Qui fait le plus de mal au Canada, les disciples d'Adrien Arcand ou les disciples de Tim Buck ?

Nous n'avons point de mandat pour Adrien Arcand. Mais nous ne pouvons souffrir la manie des communistes de vouloir régenter un pays où ils ont déjà été mis hors la loi. Nous n'avons besoin ni de leur doctrine ni de leurs conseils pour sauvegarder la civilisation. Que ne s'en vont-ils au paradis de leur idole Staline ? Le Canada se porterait bien mieux sans eux.


La bombe atomique

Les savants du monde entier et tous les jour­naux ont fait grand cas de la première bombe atomique jetée sur le Japon le 5 août au soir.

C'est qu'en effet, c'est le premier usage de l'é­nergie atomique, énergie encore peu explorée et jamais exploitée, qui laissera dans l'ombre la houille, l'essence de pétrole et même les grands pouvoirs d'eau.

Il est tout de même douloureux, et à la honte de l'humanité, que la première exploitation d'é­nergie atomique se soit faite sous la forme d'une bombe meurtrière. Tristement remarquable, aussi, qu'il faille attendre que le monde soit en guerre pour financer des découvertes qui, mieux utilisées, peuvent être d'un immense service à l'humanité.

Et infiniment comique de voir qu'au moment même où le monde entre dans l'âge de l'énergie atomique, nos gouvernements mettent en tête de leurs programmes l'embauchage intégral !

Si vous voulez l'embauchage intégral, de l'em­ploi pour tout le monde, de grâce, fermez donc les laboratoires, détruisez les machines, tuez la science — et alors, oui alors, attelez les muscles des hommes. Têtes d'antédiluviens !

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