À la suite des élections provinciales du Manitoba et de la Colombie, le Canadian Social Crediter fait des commentaires dont nous relevons les remarques suivantes :
"Il est urgent, à l'heure actuelle, pour chaque créditiste, de se rendre bien compte que la politique de pression et l'action politique devraient précéder l'élection de députés aux parlements, fédéral et provinciaux.
"Modelée à peu près sur la technique de la politique de pression suivie par les créditistes de la Province de Québec, l'action continuelle fera les électeurs prendre connaissance de leur force. Ils peuvent faire n'importe quel député se plier à leur volonté, s'ils le désirent. "Lorsque cette pression sera exercée dans tout le pays, il n'y aura guère besoin de se tracasser d'élections. Au cas où vous ne comprendriez pas, prenons un exemple hypothétique : supposez que 10,000 Canadiens refusent de payer l'impôt sur le revenu, qu'arriverait-il ? L'impôt sur le revenu disparaîtrait. Si 10,000 Canadiens protestaient vigoureusement contre le Bill 15, on verrait moins d'insistance pour continuer les contrôles de guerre.
"En fait, si la démocratie politique était ainsi amenée à la perfection, la représentation créditiste dans le gouvernement serait automatique."
Ces réflexions sont de M. Byrne, le technicien créditiste de l'Alberta, formé à l'école de Douglas, non seulement pour la technique monétaire du Crédit Social, mais aussi pour la philosophie créditiste et la tactique à employer pour obtenir le Crédit Social.
Sans nous attarder sur les compliments qu'il donne en passant à la bonne orientation de l'Union Créditiste des Électeurs du Québec, nous tenons à développer certaines idées de ces remarques si justes.
"La politique de pression et l'action politique, écrit M. Byrne, devraient précéder l'élection de députés aux parlements."
C'est parce que cela n'a pas été fait dans le passé que les députés ne servent pas les électeurs.
Les électeurs n'ont jamais été habitués à l'action politique ; ils sont restés le jouet des politiciens experts à manipuler les foules en temps d'élection et la dernière pensée des politiciens après les élections.
Jamais, entre les campagnes électorales, quand tout est tranquille et normal, les électeurs ne se sont montrés maîtres de leurs politiciens. Comment peuvent-ils l'être lorsque les politiciens leur arrivent munis d'argent, de promesses, d'orateurs et de cabaleurs ?
Jamais les électeurs n'ont exercé la moindre pression sur leurs élus entre les élections. Comment de tels électeurs auraient-ils pu apprendre à résister à la pression à haute vapeur exercée sur eux-mêmes par les puissantes machines électorales, lorsque l'excitation est calculée pour jeter la confusion et étouffer la réflexion ?
L'action politique — l'action politique par les électeurs — doit précéder l'élection de députés. C'est-à-dire que les électeurs doivent d'abord apprendre à être eux-mêmes les acteurs de la politique. Si, en temps normal, ils restent spectateurs silencieux, s'ils ne pratiquent pas pour "acter" en politique, pour être les maîtres du jeu politique, comment peuvent-ils briller lorsque d'habiles acteurs de coulisses occupent la scène en temps de campagne électorale ?
Pour les créditistes, plus particulièrement, la politique de pression et l'action politique doivent précéder l'élection de députés créditistes. C'est d'ailleurs pour eux que M. Byrne écrit.
Les créditistes, Dieu merci, ne bâtissent pas de machine à corruption pour lutter contre les machines à corruption. Cela ne ferait qu'augmenter la pourriture. Mais ils s'appliquent à former des hommes, en nombre suffisant, pour mener la résistance contre les machines à corruption. Comment réussiront-ils s'ils n'aguerrissent pas leurs hommes en temps normal, pour conduire la pression sur les politiciens ? Ce n'est pas quand tout l'enfer électoral est déchaîné qu'il est temps de faire de l'exercice pour s'entraîner à combattre contre cet enfer.
De plus, comment les créditistes vont-ils garder pour eux la majorité des électeurs en temps de campagne électorale, s'ils n'ont pas habitué ces électeurs à dominer les politiciens en temps normal ?
Le brillant disciple de Douglas continue : "L'action continuelle fera les électeurs prendre connaissance de leur force. Ils peuvent faire n'importe quel député se plier à leur volonté, s'ils le désirent."
Le premier résultat de la politique de pression, c'est de rendre ceux qui l'exercent conscients de leur force. Dès qu'ils commencent à poser des actes de pression, ils s'aperçoivent qu'ils sont de taille et que le politicien devra cesser de les traiter en enfants. Dès que les électeurs commencent à se nourrir d'action politique, ils sentent croître leur force dans la politique.
Le deuxième acte de pression est déjà exercé avec plus de force et de dynamisme que le premier. Et la force va croissant, pourvu que cette action continue.
Si les électeurs continuent leur pression, s'ils en gagnent d'autres autour d'eux à grossir leur pression, si cette pression s'exerce intelligemment, dans la même direction, à répétition et en augmentant, il n'y a pas un député qui pourra résister.
Le député haussera les épaules lorsqu'un lecteur isolé le mettra en demeure de servir ou de se retirer. Il les haussera encore, mais, un peu moins haut, lorsque trois électeurs feront cette mise en demeure collectivement : Il sera agacé et hésitera entre la courtoisie calculée et un déchaînement de mauvaise humeur lorsque les électeurs reviendront à l'assaut avec 50 en nombre. Il implorera les grands dieux rouges ou bleus lorsque les 50 seront devenus 100. Il réfléchira profondément lorsque la troupe sera rendue à 500. Et s'ils reviennent 1,000, il n'y a pas d'âme de député qui tienne.
M. Byrne a bien raison, croyons-nous, de dire que les électeurs peuvent faire n'importe quel député se plier à leur volonté, s'ils le désirent réellement et s'ils font une action continuelle en rapport avec leurs désirs.
M. Byrne ajoute :
"Lorsque cette pression sera exercée dans tout le pays, il n'y aura guère besoin de se tracasser d'élections... Au fait si la démocratie politique est ainsi amenée à perfection, la représentation créditiste dans le gouvernement sera automatique."
Ce qui intéresse les créditistes, ce n'est pas le pouvoir, mais l'accomplissement de l'objectif qu'ils poursuivent. Ce qu'ils veulent, c'est le service des citoyens par la politique, c'est le service de tous et de chacun par l'argent.
Le gouvernement qui leur donnera cela sera véritablement un gouvernement créditiste, même s'il s'appelle libéral, ou conservateur, ou Union Nationale.
Si l'action politique de pression s'exerce fortement, donc efficacement, dans tout le pays, les électeurs, par cette pression, obtiendront tout ce qu'ils désirent. Ils auront donc le gouvernement à leur service et l'argent à leur service, puisque tous les gens normaux veulent cela.
Le gouvernement, le parlement seraient automatiquement créditistes, même sans en porter le nom. Les députés qui serviraient ainsi leurs électeurs, au lieu de servir des partis tenus en laisse par les puissances d'argent, seraient essentiellement des députés créditistes, même s'ils proclamaient le contraire. Ce serait la démocratie parfaite.
Évidemment, nous n'en sommes pas encore là. L'action politique de pression ne s'exerce pas encore dans tout le pays. Elle n'est pas encore bien forte, même là où elle a commencé à s'exercer. Aussi, nous n'avons pas encore de serviteurs au parlement, nous n'avons pas encore de gouvernement automatiquement créditiste.
Mais les créditistes bien orientés travaillent à cela. L'Union Créditiste des Électeurs en fait son programme persévérant. Elle s'applique à éclairer les électeurs, tous les électeurs autant que possible, puis à les organiser pour la politique de pression.
En temps d'élection, elle participe aux élections lorsqu'aucun des candidats n'admet l'objectif des créditistes. C'est une sorte de pression adaptée au temps de la campagne électorale. Elle a pour but de démontrer aux politiciens que les créditistes sont sérieux et qu'ils ne lâcheront pas ; que les noms les plus sonores et les caisses les mieux garnies ne leur en imposent pas ; que les dévouements et les sacrifices répétés ne les fatiguent pas.
Refuser de participer aux élections, à l'étape actuelle de notre mouvement, serait sans doute de nature, d'une part, à encourager les politiciens à se moquer de nos pressions encore faibles ; d'autre part, ce serait détacher de notre mouvement et envoyer aux partis politiques les créditistes, encore trop nombreux, qui ne voient de réalisations qu'à travers l'appareil électoral.
Il nous paraît donc assez sage, dans les circonstances, de pousser des candidatures créditistes en temps d'élection, à condition de regarder l'élection simplement comme un moyen de donner du poids aux pressions. Les pressions restent la voie naturellement indiquée aux électeurs pour se faire servir.
C'est surtout en temps normal que les créditistes sont dans leur élément, justement quand les politiciens de partis sont moins dans le leur.
Aux politiciens de partis, il faut l'atmosphère du tapage, de l'excitation et de la corruption pour être chez eux. Lorsque le calme est revenu, c'est l'heure des hommes de réflexion, c'est donc l'heure des créditistes. Puissent-ils tous le comprendre et en profiter. On pourra alors entrevoir le jour où, avec des électeurs fortifiés par l'action politique répétée et persévérante, et avec des députés devenus obéissants, les campagnes électorales seraient relégués à l'arrière-plan ou même complètement éliminées du programme créditiste : le parlement serait automatiquement créditiste, parce que les électeurs, et non plus les financiers, domineraient les élus.
Note. — La tactique que les créditistes du Québec projettent d'inaugurer en politique cette année, combine intimement et en permanence la politique d'élection et la politique de pression. On en dira plus long prochainement.