Le document appelé "Charte des Nations-Unies" ne serait-il qu'un masque et une imposture ?

L'Hon. Solon Low le jeudi, 15 novembre 1945. Dans La politique

Extraits d'un discours prononcé à la Chambre des Communes, le 18 octobre 1945, par l'Hon. Solon Low, leader créditiste.

La menace de tyrannie mondiale n'est point disparue

En ce moment, la crainte étreint les cœurs et les esprits de tous ceux qui envisagent honnête­ment la magnitude et la complexité des consé­quences qui déjà menacent de nous submerger.

La situation en Europe est actuellement tragi­que à un point indescriptible. De la confusion qui sévit dans un pays ruiné par une guerre cruelle et inutile, la menace de la tyrannie totalitaire montre partout sa tête hideuse.

Le fascisme et le nazisme, bien que vaincus par la puissance des nations unies ou libres, renaissent dans l'ombre en plusieurs pays ; et le communisme s'efforce par tous les moyens de s'emparer du pou­voir dans le reste de l'Europe. La faim, la maladie, l'inanition et la frustration poussent les hommes à agir contrairement à la logique et à la raison.

Cependant, ce que je crains le plus pour l'ave­nir, c'est que la lumière et la raison disparaissent de l'esprit des hommes, jusqu'au point de leur faire perdre toute ambition de lutter pour conserver les principes fondamentaux de la dignité et de l'invio­labilité de la personne humaine.

La Charte ne couvre point les droits de la personne

J'ai examiné avec soin la Charte des Nations Unies et dans ces 111 articles, je ne vois aucune disposition claire et spécifique visant la conserva­tion du principe chrétien de l'inviolabilité de la personne humaine.

Je sais qu'on a bien parlé de ce que nous ferons et des quatre libertés que nous établirons dans tous les pays du monde ; mais je ne trouve dans cette charte aucune garantie des droits du citoyen, aucune protection de l'individu contre la tyran­nie... Voilà bien une raison de mon étonnement de la façon superficielle dont la charte a été pré­sentée à la population du Canada et aux membres de la Chambre qui devront se prononcer au nom de tous les Canadiens.

Promesses solennelles répudiées sans vergogne

On a répudié la charte de l'Atlantique, préten­dant qu'elle ne constituait pas un pacte, mais seu­lement une ligne générale de conduite pour les Alliés démocratiques... Cette répudiation reflète-t-elle la détermination d'établir des conditions qui favoriseront la fidélité aux engagements découlant des traités et du droit international ?

Les honorables députés se rappellent la promes­se solennelle renfermée dans le traité conclu entre la Grande Bretagne et la Pologne, avant la guerre. Or quel est maintenant pour ce dernier pays le prix de la victoire ?

La Pologne doit perdre une grande superficie de son territoire aux mains de la Russie soviétique, qui est membre permanent du Conseil de sécurité. De plus, la Russie acquiert ce territoire avec l'as­sentiment des quatre autres membres permanents de ce conseil. Le reste du pays, apparemment, sera sous la domination russe. Et pourtant, on nous avait assurés à maintes reprises que les Nations-Unies ne luttaient pas pour des conquêtes de ter­ritoires.

Ce que vaut la parole de la Russie soviétique

Staline lui-même disait le 6 novembre 1941 : "Nous n'avons pas et nous ne pouvons avoir pour ambition de nous emparer de territoires étrangers, que ce soit des peuples ou des ter­ritoires européens ou des territoires et des peuples asiatiques, y compris l'Iran."

À son tour, M. Litvinoff disait le 16 mars 1942 : "Nous souhaitons tous que la guerre se ter­mine le plus vite possible et que l'on conclue au plus tôt un traité de paix juste, qui permet­tra à chaque nation de grandir selon ses as­pirations, sans intervention étrangère et sans craindre que la guerre n'éclate à nouveau ?"

Demandez à n'importe qui en Pologne, en Lettonie, en Estonie, en Lituanie, en Roumanie ou en Bulgarie, ce qui s'est produit depuis que ces promesses ont été faites. Et quel est le sort des populations de ces divers pays aujourd'hui ?

La nouvelle charte mondiale n'est-elle qu'une imposture ?

Traite-t-on ces gens avec justice ? Respecte-t-on les obligations que comporte le droit international ? Observe-t-on les droits de l'homme ou les droits des petites nations ?

Voilà des questions qui démontrent très claire­ment que M. Crawford, journaliste libéral des États-Unis, ne se trompait guère lorsqu'il a dé­claré :

"La charte et l'organisation à laquelle elle donne naissance ne sont qu'une imposture pour dissimuler les mêmes méfaits : la domi­nation des nations faibles par les nations puissantes."

Le monde sciemment dirigé vers une nouvelle guerre

La Charte des Nations Unies fut signée par les représentants des gouvernements comme moyen d'assurer dorénavant la paix de l'univers. Depuis lors la guerre a pris fin. Mais chaque jour la situa­tion mondiale s'aggrave.

Et qui est à blâmer ? Les mêmes nations qui, hier, préconisaient la paix. Il n'y a que quelques courtes semaines que les hostilités ont pris fin et déjà on craint de plus en plus qu'une troisième guerre mondiale éclate.

Je tiens à consigner au compte rendu une cita­tion d'un numéro récent du Daily Herald, d'Angleterre, l'organe officiel du parti travailliste bri­tannique. C'est une déclaration qui, à mon sens, est de mauvais augure :

"Le monde se dirige en toute connaissance de cause vers une nouvelle guerre."

Le même journal ajoute qu'au conseil des mi­nistres des Affaires extérieures, réunis à Londres, ont prédominé "la politique du pouvoir, les soup­çons et les ambitions" et que les Chartes de l'A­tlantique et de San Francisco "semblent déjà ou­bliées."

L'égalité souveraine affirmée et méconnue dans le même document

L'article 2 de la Charte affirme que l'organisa­tion est fondée sur l'égalité souveraine de toutes les nations. Cependant, sous l'empire de l'article 27, les nations membres sont assujetties, lorsqu'il s'agit de questions essentielles, à la décision de sept des onze membres du Conseil de sécurité.

Font exception à cette règle les cinq grandes puissances, les membres permanents de ce conseil. Il leur est loisible, par l'exercice du droit de veto, de rejeter toute telle décision. Le privilège spécial de membre permanent du conseil, ajouté au droit de veto absolu, place ces cinq grandes nations dans une catégorie à part. Bien que les autres pays doi­vent accepter leurs décisions, elles ne sont pas te­nues d'accepter celles des autres nations.

Est-ce bien là une application du principe de l'é­galité souveraine des nations ? Si la réponse est affirmative, je dois avouer que, pour ma part, je considère cette interprétation des mots plutôt sin­gulière.

Drôle de nation pacifique qui vole le bien du voisin

Autre point. L'article 4 déclare que toutes les nations pacifiques peuvent devenir membres de l'Organisation des Nations Unies.

Qu'est donc une nation pacifique ? Serait-ce celle qui, aujourd'hui, fait profession de nobles intentions qu'elle répudie par ses actes le lende­main même ? Qui définira ce terme ?

Il semble que l'Union Soviétique a droit d'être considérée comme nation pacifique ; il faut cepen­dant avouer que ses voisins occidentaux, la Fin­lande, les États balkaniques et la Pologne, n'ont guère bénéficié des intentions pacifiques de la Russie.

La meilleure garantie du respect d'un contrat, d'un pacte ou d'un engagement ne peut jamais résider que dans l'intégrité des parties en cause.

Des fous ou des criminels pour régir l'économie des nations

J'aborderai maintenant un autre point. Aux chapitres 9 et 10 de la charte il est pourvu à l'éta­blissement d'un Conseil économique et social in­ternational. Cela comporte naturellement l'assu­jettissement plus ou moins complet de l'économie des diverses nations à la régie d'un organisme in­ternational.

Or, quels seront les personnages doués des dons surhumains nécessaires, pour qu'ils puissent con­seiller et guider les nations quant à la façon d'ad­ministrer leurs affaires domestiques ? Quels seront ces personnages, sinon les experts financiers et éco­nomiques que les divers gouvernements ont char­gés de les conseiller ?

Je n'ai guère besoin de rappeler aux honorables députés que le terrible bouleversement économi­que des années d'avant-guerre, qui a abouti au conflit le plus dévastateur de l'histoire, donne bien la mesure de la sagesse conjuguée de ces person­nages.

L'absurdité d'assujettir l'économie des diverses nations du monde à la direction, et même à la ré­gie partielle, de tels personnages, est manifeste même pour l'écolier le moins perspicace.

Pour remettre le monde sous le joug de l'étalon-or

Toutefois, si nous songeons que l'organisme éco­nomique et social projeté aura l'appui d'un puis­sant Conseil de sécurité, autorisé à recourir aux armes s'il le faut pour supprimer toute opposition à l'état de choses résultant des actes de ces soi-disant conseillers économiques, nous ne pouvons manquer de saisir le danger que comporte cette disposition de la charte.

Je serai plus précis. Les premiers fruits de l'or­ganisation internationale proposée sont ce qu'on est convenu d'appeler les propositions de Bretton-Woods visant l'établissement d'une caisse moné­taire internationale.

Les propositions de Bretton-Woods comportent l'imposition du régime discrédité de l'étalon-or à tous les pays, plaçant le régime financier existant dans une position imprenable, soumettant les éco­nomies de toutes les nations à un contrôle central rigide par les maîtres de la caisse.

En dernière analyse, ceux qui régiront la caisse seront les puissantes banques dominées par l'Alle­magne, soit le même groupe qui, je l'espère, sera traduit un jour devant un tribunal pour répondre à l'accusation d'avoir causé la récente guerre tragi­que, des souffrances et des misères humaines indi­cibles.

La conférence de Bretton-Woods a adopté le plan général proposé par les "spécialistes", plan visant à enchaîner encore une fois les nations de l'univers à l'étalon-or, sous la régie centralisée d'un organisme spécialisé que la charte soumise à notre examen se propose d'établir.

La finance internationale veut les canons pour la servir

La régie de la finance internationale est essen­tielle à la domination mondiale ; pour rendre cette domination absolue cependant, une régie analogue de puissantes forces armées est également essen­tielle.

Il est donc très significatif que la conférence de Dumbarton-Oaks, où ont été prises les premières mesures pour placer les forces armées du monde sous une seule autorité, ait suivi celle de Bretton ­Woods. Puis la conférence de San Francisco est venue consolider dans une charte unique l'ensem­ble de ces diverses propositions.

But sinistre à peine masqué de bâtisseurs sans Dieu

Les véritables auteurs de la charte cependant, les hommes qui l'ont réellement rédigée, étaient si manifestement désireux d'en masquer les dangers et les traits antidémocratiques derrière un nuage de phrases creuses et humanitaires, qu'ils ont dé­passé la mesure.

L'énoncé des buts dans le préambule de la char­te n'a rien de commun avec le but sinistre que l'on découvre dans le projet d'organisation même. Cet­te organisation comporte des traits qui sont une violation flagrante des principes de démocratie et de justice humaine les mieux établis. Elle est non seulement irréalisable, mais fort dangereuse. Dans sa forme actuelle, elle ne peut, en dépit de tous les efforts de l'imagination, servir la cause de la paix et de l'avancement de l'humanité.

Tout ce que nous faisons pour apporter au mon­de la paix doit être imprégné de l'esprit chrétien, de sorte que les enseignements du Christ soient appliqués à l'établissement de l'ordre mondial et du bonheur commun.

Cette charte est l'œuvre des hommes et elle se moque de l'idée même de la dépendance des hom­mes par rapport à leur Créateur, parce qu'on ne trouve dans aucune de ses dispositions une seule allusion à la nécessité du doigt de Dieu pour diri­ger et éclairer les nations du monde dans la pour­suite de la paix.

Il n'y aura de paix que le jour où les nations de la terre se repentiront et se jetteront à genoux, pour reconnaître sincèrement et humblement la nécessité d'une orientation divine dans toutes leurs affaires.

Commencer par supprimer les causes de désaccord

Je veux établir clairement que le groupe du Cré­dit Social n'est pas opposé au principe de la co­opération internationale. Nous reconnaissons le be­soin d'un organisme international ou de mesures de protection mutuelle contre l'agresseur.

Au fait, nous sommes fortement en faveur d'une entente et d'une collaboration internationales. Toutefois, nous abordons le problème sans perdre de vue la réalité. Nous disons qu'il est impossible d'en arriver à une telle coopération sans que soient abolies les principales causes de désaccord inter­national. Jusque-là, on ne peut guère espérer la paix dans le monde, parce que ces causes profon­des de mésentente nuisent à la concorde interna­tionale à base d'esprit chrétien.

La première paix à établir, c'est la paix chez soi

Le premier problème auquel doivent s'attaquer toutes les nations est donc la suppression des prin­cipales causes de friction internationale, et elles sont au nombre de deux.

En premier lieu, chaque pays doit mettre de l'ordre chez lui et faire disparaître toute cause de mécontentement interne. La paix dépend du bien-être de toutes les familles au pays.

Or quelle sorte de contribution le Canada peut-il apporter à la cause de la paix mondiale tant qu'il y aura du mécontentement au sein de notre pays même, tant que le reste du Canada s'oppose­ra à Québec, ou Québec au reste du Canada, que l'Est sera contre l'Ouest, tant qu'il y aura des troubles ouvriers et que les préjugés et les haines intenses existeront ?

Quelle contribution les États-Unis pourront-ils apporter à la paix mondiale tant qu'ils ne s'enten­dront pas sur le problème des Noirs, que les grou­pements ouvriers se feront la lutte, qu'il y aura des conflits d'intérêts entre factions et régions ?

Tant que les conflits domestiques feront gran­dement partie de l'organisation sociale des nations, aussi longtemps la guerre fera partie de l'organisa­tion sociale de l'univers. Et cette route conduit à l'annihilation de la race humaine.

On ne s'aurait éliminer les conflits domestiques autrement que par la réorganisation de la vie na­tionale, de manière à assurer la sécurité et le ma­ximum de liberté pour tous les habitants d'une na­tion, sans égard à la race, à la croyance, à la cou­leur de la peau, ou à la langue.

Les guerres économiques mènent aux conflits armés

La deuxième cause importante de la guerre, c'est l'obsession insensée de la part de chaque nation (ce qui découle des vices de notre régime moné­taire) qu'elle doit exporter le plus possible et im­porter le moins possible.

Cette lutte pour obtenir les marchés étrangers n'est rien d'autre qu'une guerre économique orga­nisée, qui ne peut que conduire à toutes les hor­reurs d'un confit armé.

Conditions préliminaires à une véritable entente mondiale

Lorsque nous aurons mis notre demeure en or­dre, et que nous aurons battu la marche en démon­trant ce que doivent être de véritables relations commerciales internationales, à savoir : l'échange de marchandises contre les marchandises, le paiement des exportations au moyen des importations, alors le peuple canadien sera prêt à prendre sa pla­ce dans un groupement de nations mondiales et y exercer une saine influence pour le bien.

Quand les diverses nations du monde auront, par des actes du même genre, fait connaître et établir leur intégrité, le monde sera alors prêt, se­lon moi, à participer pleinement et avec succès à une assemblée démocratique du monde entier, le Parlement de l'humanité.

SOLON LOW

L'Hon. Solon Low

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