Le Canada Nouveau est l'organe de la C.C.F. Dans son édition du 31 mars, il étalait un gros titre en travers de sa huitième page : "Le capitalisme se dit incapable d'embaucher tous les Canadiens".
Donc, conclut-il, abolissons le capitalisme et établissons le socialisme qui, lui, se charge d'embaucher tout le monde.
C'est à croire que les Canadiens ont été créés et mis au monde pour être embauchés.
Cette manie de l'embauchage n'est pas exclusive au C.C.F. Nos politiciens des vieux partis raffolent de la même formule.
Il y a une chose qu'ils oublient d'embaucher : c'est l'argent. S'ils commençaient par embaucher l'argent au service des consommateurs, ils n'auraient pas besoin de se préoccuper d'embaucher toute la communauté canadienne.
Lorsque l'argent achètera les produits, ceux qui font les produits s'occuperont d'en fabriquer d'autres. Pas nécessairement en se faisant embaucher ou en embauchant les autres.
Il y a d'autres manières d'envisager la vie que sous le signe de l'embauchage. Les produits peuvent venir de cultivateurs maîtres sur leur terre. Ils peuvent venir de modestes industries, ou même d'industries moyennes où les propriétaires et les exécutants sont les mêmes personnes. Ils peuvent venir aussi de manufactures où des machines perfectionnées remplacent l'embauchage de multitudes ouvrières. Et dès lors que les produits sont là, d'une manière ou d'une autre, l'argent doit venir en face. S'il n'y vient pas, c'est là qu'il y a lieu pour le gouvernement d'embaucher, non pas des ouvriers puisque le produit est là, mais l'argent puisque c'est lui dont on a besoin.
Les C.C.F., les libéraux à un degré apparemment moindre, et toute la kyrielle des partis aussi mêlés là-dedans les uns que les autres, ne peuvent entendre parler de régir l'argent, qui est pourtant une chose bien matérielle. Ils préfèrent régir les personnes humaines qui ont une âme immortelle et sont nées libres.
Si les machines, inventées par le cerveau humain, déplacent le travail des bras, tout de suite nos férus de l'embauchage crient : Que le gouvernement entreprenne de grands travaux et qu'il embauche les hommes, les jeunes gens, même les femmes et les filles. Qu'il les embauche pour faire des choses qui ne se vendent pas, afin que par leur salaire ils achètent les choses faites par la machine et qui se vendent.
Et ainsi, le progrès, l'introduction de la machine va conduire à l'embauchage par le gouvernement. Plus le cerveau humain affranchira les bras, plus la foule deviendra le troupeau au service du gouvernement. Et des politiciens pensent que c'est inévitable !
C'est le cas de dire qu'un système d'argent idiot et respecté comme sacro-saint a littéralement obnubilé le jugement et pourri la politique.