Dans un article paru dans l'Ottawa Citizen du 12 juin, sous le titre "Let's Win the Peace Too", M. Ralph Duclos demande si, après avoir combattu la dictature nazie, nous allons l'imiter. Allons-nous, comme en Allemagne, inaugurer, dans l'après-guerre, l'enrégimentation des travailleurs dans des entreprises d'État, pour empêcher le chômage? Allons-nous ainsi prêter le flanc au favoritisme politique dont nous connaissons trop les injustices et les déplorables résultats? Ou, comme alternative, allons-nous perpétuer l'énorme appareil bureaucratique que nous édifions, le chapitre des nécessités de la guerre, pour le contrôle étatique de l'industrie, du commerce, du travail et des personnes?
Ou bien, allons-nous inaugurer un système financier de distribution qui permettra à l'industrie privée, très adéquate pour la production, de reprendre ses fonctions, et aux consommateurs de bénéficier de l'abondante production que l'industrie privée peut très bien fournir?
Nous citons presque en entier la deuxième moitié de cet article:
"Essayer de distribuer du pouvoir d'achat pour la production moderne au moyen du système démodé de l'embauchage, comme dans la politique d'avant-guerre, l'argent allant invariablement surtout à ceux qui en ont le moins besoin, c'est une ligne de conduite insensée. Tout comme il serait insensé pour un jardinier qui, au lieu d'arroser les plantes qui souffrent de la sécheresse, verserait de l'eau dans le fossé d'égouttement, où cette eau bénéficierait surtout aux mauvaises herbes, aux grenouilles, aux couleuvres, aux tétards, aux moustiques et autres espèces qui prospèrent dans la boue et les débris.
"Pourquoi ne pas prendre modèle sur la nature? Le soleil aspire l'humidité des grands réservoirs d'eau — lacs, mers, océans. Puis, par le moyen de pluies, de neiges, de brouillards, le soleil distribue cette humidité partout, alimentant directement les unités consommatrices: la ferme, la forêt, la rivière, la force hydraulique. Sans créer de dettes; sans taxer; sans le besoin d'un fétiche; sans rien d'artificiel, rien de nuisible dans le procédé; rien de mystérieux non plus.
"Le soleil et l'atmosphère fonctionnent automatiquement, et, sujets seulement aux variations dues à des causes naturelles, ils nous donnent les résultats que nous voulons.
"Il en devrait être de même avec le système d'argent. Il devrait fournir au peuple le moyen d'acheter les fruits de notre capacité de production: Il devrait être tel que la consommation des biens puisse égaler la production des biens. Il devrait donner ces résultats sans les monocles d'une finance prétendue saine avec ses pyramides de dettes, son usure, ses taxes et sa rareté artificielle.
"Comme l'a si bien exprimé le grand Thomas Edison:
"Il n'y a qu'une règle pour l'argent: c'est qu'il y en ait assez pour porter tout le commerce légitime qui attend ce véhicule. Trop et trop peu sont tous les deux mauvais".
"C'est le même grand homme encore qui a dit:
"Si notre nation peut émettre une obligation d'un dollar, elle peut aussi bien émettre un billet d'un dollar. Les mêmes éléments qui rendent l'obligation valable rendraient le billet valable. Mais, il y a cette différence que l'obligation permet au trafiquant d'argent de s'en faire rembourser le montant deux fois."
"Et de quoi est fait l'argent, après tout? Sortez de votre poche un billet d'un dollar, et regardez-le. De, quoi est-il fait? De papier et d'encre. Regardez votre livre de banque — de quoi est-il fait? D'un simple carnet, avec des chiffres inscrits dans des colonnes.
"Vous laisserez-vous dire qu'on n'est pas capable d'imprimer assez de ces dollars en papier, ou d'inscrire assez de ces chiffres dans des livres réglés, pour permettre aux Canadiens d'acheter tout ce que le Canada peut produire? Ou vous fera-t-on croire que l'on n'est pas capable d'établir un contrôle scientifique de ce moyen de distribution (la monnaie) pour que la consommation puisse égaler la production?
"Qu'on se défasse donc une bonne fois des fables et du non-sens absolu propagés par les contrôleurs de notre système archaïque d'argent pour camoufler les successions idiotes de cycles d'inflation (monnaie facile) et de déflation (monnaie difficile), pour camoufler l'inaptitude du système actuel à effectuer la distribution des marchandises.
"C'est un chancelier de l'Échiquier anglais, en même temps président de la plus grosse banque commerciale au monde, l'Honorable Reginald McKenna (de la Midland Bank), qui a déclaré:
"Presque toute la dépression d'après-guerre en Angleterre fut attribuable à une politique monétaire défectueuse".
"Cette même politique monétaire, génératrice de dettes, de taxes et de pauvreté, continue, au Canada, de brider notre effort de guerre et de compromettre la paix qui suivra.
"Lorsque la paix sera revenue, qui devra décider ce que le peuple veut? Sera-ce le financier? L'industriel? L'entrepreneur de grands travaux? Le politicien? Ou bien, sera-ce le peuple lui-même? Qui, mieux que le peuple, que les individus eux-mêmes, peut décider ce que les individus désirent?
"Pourquoi, alors, ne pas laisser les gens eux-mêmes exprimer leur décision? Ils l'exprimeront vite s'ils ont en main le pouvoir d'achat, l'argent nécessaire pour choisir les choses qu'ils veulent. S'ils choisissent les choses qu'ils désirent, la production fournira ces choses que le peuple aura choisi par ses achats.
"Et le peuple aura le pouvoir d'achat nécessaire pour entretenir la capacité de production et se procurer les produits, si le gouvernement distribue au peuple, en dividendes sur les choses utiles, un montant d'argent égal à ce qu'on dépense actuellement pour la guerre.
"C'est alors que le financier, l'industriel, l'entrepreneur, recevront des marchands détaillants des commandes conformes aux choses que le peuple choisit dans ses achats. C'est alors que le Canada produira les choses que les Canadiens veulent avoir.
Ralph DUCLOS