Pour un candidat des électeurs

le mardi, 01 mai 1945. Dans La politique

Quelle attitude les créditistes de Nouvelle-Fran­ce vont-ils prendre en face de l'élection fédérale du 11 juin ?

Eux-mêmes le décideront dans leurs comtés res­pectifs. Nous exprimons simplement ici des idées générales que partagent, croyons-nous, la majorité, sinon tous les créditistes, et dont ils peuvent se servir pour guider leur décision.

En économique, les partis se ressemblent

Si nous jetons un coup d'œil sur le passé, que remarquons-nous ? Où est la différence entre un parti ou l'autre au point de vue de l'économie na­tionale ?

En 1930, on a accusé les libéraux d'avoir laissé le pays tomber dans le chômage et de ne rien faire pour l'en sortir. Le Canada a voté conservateur. Et le chômage a continué.

En 1935, on a accusé les conservateurs d'avoir laissé continuer le chômage et d'être incompétents pour le combattre. Le pays a voté libéral. Et le chômage a continué.

Mackenzie King disait publiquement en 1935 que la souveraineté du parlement était vaine, par­ce que le contrôle de la monnaie et du crédit n'é­tait pas entre les mains du gouvernement. Il avait déjà été au pouvoir de 1921 à 1930 : pourquoi n'a­vait-il pas repris entre les mains du gouvernement le contrôle de la monnaie et du crédit ?

Et depuis 1935, il a toujours eu une très forte majorité en Chambre : qu'a-t-il fait sous ce rap­port ? L'an dernier, son ministre des finances, l'Hon. Ilsley, s'est battu de toutes ses forces pour conserver aux banques leur monopole.

M. Bennett et ses conservateurs n'ont pas fait mieux de 1930 à 1935. Et quel parti politique, an­cien ou nouveau, réclame la décentralisation du contrôle du crédit ? Aucun, absolument aucun. Une seule école politique est organisée pour faire la guerre à la dictature financière, et c'est l'école du Crédit Social, qui n'est pas un parti politique, mais un mouvement organisé pour rétablir le peu­ple dans ses droits.

Mais oublions le passé, puisque la guerre a pu faire réfléchir les têtes les plus bouchées. Les poli­ticiens les plus invétérés ont dû se convertir en voyant qu'un pays qui n'avait pas d'argent, pen­dant dix années, pour remédier au chômage, en a trouvé du soir au matin, et par milliards, pour me­ner une guerre qui a pris toutes les énergies de la nation. Nos politiciens doivent bien avoir quelques idées neuves aujourd'hui. Passons donc l'éponge sur leur immense incompétence d'avant-guerre, et voyons ce qu'ils proposent pour demain.

Tous, de tous les partis, partis anciens, partis nouveaux, partis renouvelés et partis camouflés, tous affichent les mêmes formules :

    • Embauchage intégral ;

    • Conquête des marchés étrangers ;

    • Augmentation des exportations ;

    • Assurances de toutes sortes, toutes contri­butoires et obligatoires ;

    • Plans du gouvernement, plans de ci et plans de ça, pour s'immiscer dans la vie des citoyens.

C'est de l'économique tout cela, puisque tout cela se rapporte à la distribution de la production du pays.

Embauchage intégral. — Promesse d'ouvrage pour tout le monde, alors que la science, les inven­tions, le génie, la coopération, l'esprit d'organisa­tion, se liguent pour donner à l'homme des loisirs, pour le mettre au repos, pour produire le plus pos­sible avec le moins d'efforts possible !

Des marchés extérieurs, quand le marché do­mestique pourrait absorber trois fois plus. L'aug­mentation de nos exportations, pour avoir de quoi acheter ce qui reste quand le meilleur est parti !

Voilà où la camisole d'un système d'argent stu­pide conduit nos politiciens.

Si la machine travaille pour nous, on jette des cris de désespoir : Quel malheur !

Si un pays étranger veut nous expédier ses bon­nes choses, on l'invective : Malheureux, garde tes biens pour toi, ou tu vas nous jeter dans le chô­mage.

Si les produits canadiens abondent devant des familles canadiennes dans le besoin, on crie : Quel­le calamité ! Hâtons-nous de chercher des consom­mateurs en Europe, en Asie, dans l'Amérique du Sud.

Et en face des montagnes de produits qui les mettent en peine, nos politiciens trouvent encore normal de soutirer le pouvoir d'achat par des con­tributions obligatoires de toutes sortes.

Quant à assouplir le système financier pour le mettre en rapport avec l'abondance, jamais ! On aime mieux enrégimenter et tortiller les hommes pour les faire entrer dans le moule des restrictions à tout prix.

Comment veut-on que les créditistes puissent voter de bon cœur pour des candidats liés à pareil aveuglement ? Les créditistes sont trop renseignés sur l'absurdité d'un système d'argent en contra­diction avec les réalités, pour donner leur confian­ce à des ignorants, surtout quand ces ignorants, enchaînés par le parti, constituent des cas à peu près désespérés ?

En politique, les partis se ressemblent

Est-il étonnant que les partis politiques soient ainsi soumis à une économie de servitude, de sou­mission aux puissances qui contrôlent l'argent et le crédit ? Un parti n'est-il pas lui-même une ser­vitude ? Tout parti est une formule d'esclavage partiel pour conduire le pays à un esclavage plus complet.

Lorsqu'on vote pour un candidat de parti, on vote pour avoir un député qui prendra ses directi­ves du parti au lieu de les prendre de ses électeurs. C'est l'envers de la démocratie.

Les électeurs vont-ils aux urnes pour se choisir un représentant, ou pour décider quelle officine de parti leur dictera quoi faire et quoi ne pas faire ?

La formule de partis est l'invention la plus effi­cace pour tuer la démocratie. On devrait le savoir après tant de successions de partis au pouvoir et un peuple laissé dans l'ornière.

Dieu merci, de plus en plus nombreux sont les électeurs écœurés de ces chicanes de partis, les électeurs qui ont simplement décidé de tourner le dos à tout parti.

Les créditistes de Nouvelle-France, les plus fiers et les mieux éclairés de tous les citoyens, sont de ces électeurs-là. Eux, et tous ceux qui compren­nent la véritable démocratie, en politique comme en économique, répugnent à voter pour un candidat de parti. Ils veulent un véritable député, un député des électeurs, ils ne peuvent donc voter que pour un candidat des électeurs.

Un candidat des électeurs, ce n'est pas un can­didat de Mackenzie King, ni de Bracken, ni de Coldwell. C'est un candidat des électeurs du com­té, qui, s'il est élu, agira comme un député des élec­teurs, qui viendra les voir pour savoir ce qu'ils veulent bien plus souvent que pour solliciter leurs votes ; un député qui aimera à se tenir en contact direct et constant avec ses électeurs, qui fera ses décisions sur la politique du pays avec ses électeurs et non dans un caucus de parti.

A-t-on bien vu, jusqu'ici, des députés de partis rechercher ainsi ces contacts permanents avec leurs électeurs ? Est-ce que tous les députés, de tous les partis indistinctement, ne se ressemblent pas sous ce rapport ? Est-ce que tous ne se tiennent pas tant qu'ils peuvent à l'écart de leurs électeurs excepté en temps de campagne électorale ?

Les créditistes de Nouvelle-France ont pratiqué cette année la politique de pression. Plusieurs se sont organisés pour rencontrer leur député. Le pas a été fait par les créditistes, pas par le député. Puis le député a l'habitude de recevoir courtoise­ment et de répondre poliment, mais ça sort par l'autre oreille, parce que s'il y a les électeurs en fa­ce, il y a le parti derrière. Le parti, c'est la dicta­ture politique.

Choisir un candidat des électeurs

Lorsque les électeurs n'ont devant eux que le choix entre des candidats de partis, ils sont obligés ou de voter pour un candidat de parti, ou de ne pas voter du tout ; voter pour un représentant de dictature politique, ou ne voter pour rien.

Si l'on veut donner aux électeurs une chance, si­non de gagner la partie contre la dictature des partis, au moins de protester officiellement contre elle par leur vote, il faut s'organiser pour que les électeurs puissent choisir ailleurs qu'entre des can­didats de partis.

L'Union Créditiste des Électeurs, qui depuis longtemps prêche aux citoyens qu'ils doivent pren­dre eux-mêmes en main la conduite de leur politi­que, met toute son organisation à la disposition des électeurs pour qu'ils puissent s'entendre pour choisir un candidat en dehors de tout parti politi­que, un candidat des électeurs, qui reçoive son pro­gramme des électeurs et non pas d'un parti.

À l'heure où paraîtront ces lignes, nous aurons tenu dans la province onze assemblées régionales, auxquelles ont été convoqués tous ceux qui s'occu­pent d'organisation dans l'Union Créditiste des Électeurs. Et à ces assemblées régionales, groupant des délégués de tous les comtés avoisinants, les dé­légations de comtés auront décidé elles-mêmes de rendre ou de ne pas rendre ce service aux électeurs du comté.

Il en coûte des dépenses. Au moins un strict mi­nimum, pour donner aux électeurs la chance de vo­ter pour un véritable candidat des électeurs. Et parce que des candidats ainsi détachés de tout parti n'ont pas de fonds à leur disposition, leurs chances de succès peuvent être minimes contre les puissantes machines de partis. Mais cela importe peu. Ce n'est pas le succès aux urnes qui compte, mais l'acte d'indépendance posé devant tout le pays.

Tout vote pour un candidat des électeurs est un acte solennel de pression contre la politique de parti, et un acte solennel de pression contre la dé­pendance des politiciens de tous les partis vis-à-vis de la dictature financière.

Plus nombreux sera le vote en faveur de candi­dats des électeurs, plus effectif sera cet acte offi­ciel et solennel de pression, et plus il aura de chan­ce d'influencer la conduite des députés élus, sous quelque étiquette que ce soit.

Nous souhaitons que dans le plus grand nombre possible de comtés, l'Union Créditiste des Électeurs réussisse à faire mettre sur les rangs — jus­qu'au bout un CANDIDAT DES ÉLEC­TEURS.

Louis EVEN


L'Hon. Ramsay Macdonald, alors premier-ministre d'Angleterre :

"La finance peut commander les écluses de tout courant qui fait tourner les roues de l'industrie et peut mettre des fers aux pieds de tout gouvernement en existence."


Candidat des électeurs

Un véritable candidat des électeurs s'inspire près des électeurs et non pas dans les comités de partis.

Un candidat des électeurs reflète les aspirations saines des électeurs, aspirations qu'il s'efforce de connaître de mieux en mieux.

Dans la province de Québec, un candidat des électeurs est Évidemment contre la conscription militaire en tout temps, parce que c'est l'attitude connue de la grosse majorité des électeurs de la province.

Un candidat des électeurs est aussi contre la conscription de la faim par l'absence d'argent en face de bons produits ; il est contre la conscription de la liberté par la bureaucratie ; il est contre la conscription de la démocratie par la politique de partis.

Un candidat des électeurs est pour la cessation immédiate de la mobilisation, puisque la guerre en Europe n'a plus besoin d'effectifs nouveaux. Il est pour la suppression, dès la réunion du prochain parlement, du service sélectif, du couponnage, de l'assurance-chômage obligatoire et contributoire. Il veut une réduction radicale des taxes, surtout sur les revenus modestes.

Un candidat des électeurs veut que l'argent soit soumis au lieu de commander : que tout ce qui est possible physiquement le soit financièrement, pas seulement en temps de guerre, mais toujours ; que le pouvoir d'achat des consommateurs soit capable d'acheter tous les produits offerts et désirés.

Un candidat des électeurs demande le finance­ment du marché domestique avant le financement du marché étranger.

Un candidat des électeurs demande que les ci­toyens et leurs droits passent avant les monopoles et leurs intérêts.

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