Pourquoi un "Parlement des électeurs" ?

Gilberte Côté le mardi, 15 janvier 1946. Dans Élections

Les forces créditistes de Nouvelle-France

Le mouvement créditiste de la province de Qué­bec est, actuellement, le plus fort de tous les mou­vements d'ordre profane.

On peut être porté à en douter, si l'on s'arrête aux seules réalisations du domaine électoral, ou aux seules manifestations accompagnées de publi­cité imposante.

Mais n'oublions pas que le mouvement créditis­te fonctionne contre les forces les plus puissantes, contre la domination de la finance qui bénéficie de la protection des gouvernements en selle. Le mouvement créditiste poursuit sa lutte :

sans l'appui des grands du jour,

sans l'appui d'hommes de prestige,

sans l'appui du clergé,

sans l'aide des grands journaux,

sans argent et sans politiciens.

Le mouvement créditiste a pour tout actif la vé­rité et le dévouement. Or, dans notre siècle, ce n'est pas la vérité et le dévouement qui forment l'aristocratie.

Eh bien, malgré tout cela, malgré toute l'oppo­sition des puissants, l'Union des Électeurs se dé­veloppe très vite. Le petit journal Vers Demain a touché en 1945 le haut niveau de 46,000 abonnés en règle. Jamais un autre journal du genre n'a connu la moitié de ce succès.

Une doctrine dynamique, un abonnement élevé, une pléiade d'hommes formés à l'école de la lu­mière et de la charité, qui savent bouger et s'affir­mer — c'est une force inégalée dans la province.

Oui, notre force est grande et réelle. Et nos cré­ditistes sont de plus en plus convaincus. Ils con­naissent et aiment toujours de plus en plus leur Crédit Social. Et ils apprennent à faire fonctionner la démocratie par l'Union des Électeurs.

Cette force, nous devons la reconnaître et nous devons nous en servir.

L'expérience du passé

À venir jusqu'ici, l'Union des Électeurs a prati­qué les pressions sur les députés existants. C'était juste, puisque les députés sont élus pour servir les électeurs. Mais, il faut bien constater que ces dé­putés se sont plus ou moins moqués de l'Union des Électeurs. Ils n'ont point admis la puissance d'un peuple qui s'organise.

Puis, les députés appartiennent à des partis. Ils savent qu'aux élections ils auront pour se faire ré­élire la puissante machine de leur parti. Elle comp­te plus pour eux que leurs électeurs.

Les résultats des élections de 1944 et de 1945 sont de nature à les confirmer dans cette idée. Et de fait, si nous attendons l'heure choisie par le gouvernement pour faire des élections, nous serons pris avec les mêmes moyens matériellement faibles en face de moyens matériellement tout-puissants. Ce n'est pas quand la surexcitation électorale, ac­compagnée de corruption organisée, est à son com­ble qu'il est temps de placer devant le peuple des hommes dont le seul actif réside dans la volonté de servir.

Pourquoi donc n'ouvririons-nous pas nous-mê­mes la campagne électorale tout de suite ? Pour­quoi ne pas choisir dès cette année des mandatai­res que nous considérons comme nos véritables re­présentants, nos vrais députés et serviteurs, en de­hors du Parlement d'abord, et dans le Parlement lorsque nous pourrons les y mettre ?

C'est bien en temps normal, lorsque les machi­nes à corruption ne sont pas là, qu'il est plus fa­cile de faire un choix juste. Et c'est bien par le ser­vice continuel, sans même être payés comme le sont les membres officiels du Parlement, que ces mandataires démontreront au peuple qu'ils sont ses meilleurs serviteurs et, feraient ses meilleurs députés attitrés.

Des exemples ailleurs

L'efficacité de cette méthode a déjà été démon­trée ailleurs, pour un autre idéal que le Crédit Social.

Ainsi, la Russie établit à Lublin un comité gou­vernemental à son goût qu'elle destinait à condui­re la Pologne. Et elle donna tout son appui à ce gouvernement de son choix.

Il y eut des protestations, des oppositions ; mais l'appui russe tint bon, et l'Angleterre et les États­-Unis finirent par s'incliner devant le fait accom­pli. Le comité de Lublin devint le gouvernement reconnu de la Pologne.

En donnant cet exemple, nous ne voulons nulle­ment dire que nous approuvons l'imposition d'un gouvernement communiste à une Pologne catholi­que ; mais nous voulons souligner l'efficacité de la méthode.

La Russie recourut à la même méthode pour étendre son influence sur la Roumanie, la Bulgarie, l'Autriche, la Finlande.

Évidemment, les comités ainsi établis par la Russie ne restaient pas inactifs. Ils travaillaient le terrain, luttaient contre les oppositions et s'ef­forçaient de démontrer à la population qu'ils étaient les plus aptes à gouverner.

Notre parlement luttera

Il en sera de même du parlement des électeurs élu en 1946. Il devra lutter contre les adversaires et s'efforcer de gagner l'appui général de la popu­lation.

Le parlement créditiste de l'Alberta est le par­lement officiel depuis 1935. Il a le pouvoir de faire des lois, et il se sert de ce pouvoir pour servir le peuple albertain. Mais, lorsqu'il adopte des lois qui démoliraient la dictature de l'argent, le gouvernement fédéral les désavoue et les annule. Aussi, le gouvernement d'Edmonton est obligé, sur ce terrain, de faire la guerre au gouvernement d'Ottawa, non pas parce que le gouvernement d'Ottawa est libéral, mais parce qu'il protège la domination de l'argent.

Le parlement 1946 des électeurs de Nouvelle-France n'aura pas encore le pouvoir de faire des lois. Mais il luttera quand même contre le gouver­nement de Québec et contre le gouvernement d'Ot­tawa, en autant que ces deux gouvernements s'op­posent aux demandes légitimes de la communauté des électeurs. Il luttera par d'autres moyens que par des lois.

Les lois qu'on a le pouvoir d'adopter sont cer­tainement un moyen puissant de lutte. Mais ce n'est pas le seul. Il y a toujours bien les lois qu'on peut réussir à faire adopter par le parlement du jour, au moyen de pressions réitérées et grandis­santes. Il y a aussi la démolition du prestige de députés qui refusent de servir. Il y a l'importance que peut prendre le parlement des électeurs, par les actes qu'il posera devant toute la population, et auxquels le journal Vers Demain donnera toute la publicité en son pouvoir. Il y a les prochaines élections officielles que l'on prépare admirable­ment, non seulement en éduquant les électeurs à la vigilance et à l'action politiques, mais aussi en mettant sous les yeux de la population, pendant deux et trois ans, des hommes fidèles à leur man­dat. Ces hommes finiront bien par rallier la masse des électeurs.

Gilberte Côté

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