De tout côté, nous entendons parler de réformes à opérer. Et Dieu sait si nous en avons besoin ! Dans tous les domaines : moral, social, économique, politique.
Dans le domaine moral, nous pouvons déplorer les injustices criantes que nous avons trop souvent sous les yeux ; les blasphèmes, vraies sources de malédiction ; les abus de boissons enivrantes ; la corruption des mœurs, devenue une plaie horrible.
Sur le terrain social, on crie contre l'enseignement, depuis l'école primaire jusqu'à l'université. On réclame des pensions plus abondantes pour les vieillards, des secours plus substantiels aux mères qui sont dans la misère, aux malades délaissés. On fait la guerre aux taudis, aux logement trop petits. Partout on proteste contre les salaires insuffisants de l'ouvrier.
Dans l'ordre économique, on se plaint, à juste titre, de l'abandon dans lequel végète l'agriculture, des retards imposés à la colonisation, et, par le fait même, de l'encombrement des villes, ou de l'exil des Canadiens vers des régions étrangères. Les impôts accablent les contribuables, pour payer qui ?
Il ne faut pas oublier la politique qui a perdu tant d'hommes, réputés honnêtes avant leur élection. Après... En plus de leur propre corruption, ils corrompent les électeurs. Il y a beaucoup à dire. Cela dans tous les domaines : au fédéral, au provincial, au municipal.
Quand on pense à cela, c'est vraiment étourdissant, et l'on peut se demander par quel bout commencer, car il faut bien commencer par quelque chose. Chacun qui s'intéresse à un domaine particulier croit que c'est à celui-là qu'il faut s'attaquer. Et des forces sont divisées.
Je crois qu'il faut d'abord chercher si tous ces maux n'ont pas une cause commune, et vraiment on peut répondre affirmativement, pour une grande part du moins. Les Créditistes ont trouvé cette cause : l'argent devenu régulateur de toutes les activités.
Son absence chez le consommateur est cause de déséquilibre. Les notions menteuses, qu'on en a, ont faussé le jugement. Le mystère dont le système d'argent s'est entouré permet un contrôle dictatorial. La société est financièrement débitrice de quelques-uns de ses membres.
L'organe de financement de nos pays est devenu comme un cancer dans le grand organisme de la société ! Est-il surprenant que rien ne marche ?
Tout de même, les Créditistes ont-ils vraiment raison ? Quel désordre provoque l'argent ?
Dans le domaine moral, nous regrettons cette course aux plaisirs, si profondément contraire aux enseignements de l'Évangile. En effet, la plupart des hommes dépassent les bornes d'une façon absolument indigne de chrétiens.
Sans vouloir légitimer leur conduite, elle s'explique pourtant en grande partie. Quand on a été privé du nécessaire des années durant, et qu'on tombe devant une table bien garnie, on se défonce l'estomac. D'autant plus qu'on ne sait pas combien de temps cela va durer.
Si l'on pouvait obtenir un régime stable d'honnête aisance, comme le demande Pie XI, on pourrait espérer une réforme des esprits dans l'emploi des biens que Dieu dispense. Un affamé se rendra malade devant une table abondante ; pas celui qui peut se rassasier normalement chaque jour.
Un vice dans l'ordre moral en entraîne beaucoup d'autres. Et la correction de l'un aide considérablement à l'amendement des autres, de sorte qu'il n'est pas présomptueux de penser que les habitudes de blasphème et de boisson pourraient être sensiblement corrigées par un budget mieux équilibré.
Il va de soi que les manquements à la justice seraient directement redressés par la réforme créditiste, car ils sont dus, pour la plupart, à la rareté artificielle imposée à un grand nombre.
Un sujet de grande actualité est celui des salaires. Ils ne suffisent pas à l'ouvrier pour qu'il puisse vivre avec sa famille. Par contre, beaucoup d'employeurs sont incapables de donner davantage, ceux du moins qui ne détiennent pas de monopoles et qui n'ont pas le contrôle des prix. Augmenter les salaires signifierait pour eux faillite et fermeture de leurs portes.
Ici encore, le Crédit Social apporte la solution par son dividende national, tiré sur la richesse non achetée du pays, et sur la part de salaires que certains patrons auraient dû payer à leurs ouvriers, et qu'ils n'ont pas donnée. Le dividende complète le salaire.
Il n'y a pas que l'ouvrier des villes dont le revenu soit insuffisant : il y a encore celui des campagnes. Car la vente de ses produits constitue, pour le cultivateur, son salaire. Très insuffisant lui aussi. Pour cette bonne raison que les habitants des villes ne peuvent pas acheter sa marchandise ; pour s'en débarrasser, il lui faut la livrer à vil prix. Remontons le pouvoir d'achat des citadins et les cultivateurs sortiront de la disette, surtout avec l'aide de leur dividende ?
Un cas qui paraît bien inguérissable est celui des députés ! Il ne faut pas désespérer.
Si l'on met quelqu'un dans une cuve de puanteur, il en sortira infailliblement empesté.
Les membres du Cabinet et du Parlement ont besoin des secours de la finance, dont ils sentent la puissance souveraine. Pour s'en assurer les bonnes grâces, ils sacrifient le peuple qu'il représentent.
À tous, le Crédit Social offre la libération, en mettant la finance à son rang de servante de la nation. La nation redevenue libre, les représentants le seront aussi. Libérés, ils pourront marcher debout, et nous croyons qu'ils s'en feront un plaisir et un honneur.
Je pourrais continuer l'étude de ces diverses réformes, qui exigent chacune la suppression du lien qui les paralyse. Les créditistes ont déjà compris cet état de chose, et c'est pourquoi ils cherchent avec tant d'ardeur l'instauration d'un régime de Crédit Social. Et il nous semble que tout homme qui consent à ouvrir les yeux devrait conclure comme eux. C'est-là la sagesse.
Hildebrand L., prêtre.