Ma vieille mère, âgée de 83 ans, s'est cassé une jambe deux fois. Comme c'était un cas d'hôpital, nous avons fait téléphoner à Rouyn pour une réservation sur le train. On m'a répondu que c'était impossible.
Alors, j'ai fait envoyer un télégramme à mon frère à Montréal, pour qu'il s'occupe d'avoir une place à l'hôpital et une ambulance à la gare à notre arrivée.
Le vendredi 28 septembre, ma femme et moi avons pris place sur le train, avec la malade sur une civière. Imaginez-vous que l'on nous a fait embarquer dans le char aux bagages, qui puait le diable. Un employé m'a dit que le char n'avait pas été lavé depuis un mois et demi, et je le crois.
Lorsque le conducteur est venu collecter nos billets, nous avons protesté contre pareille condition. Il a dit qu'il n'y pouvait rien faire. Nous n'avions aucun siège. Ma femme a passé tout le voyage à essayer de se reposer sur les packs-sacks, et moi sur une boîte de marchandises. On avait pourtant eu le front de nous charger le plein prix du passage.
Vers minuit, maman m'a demandé si je pouvais lui procurer quelque chose de chaud à boire. Un wagon-poste empêchait de communiquer avec le char-buffet. Il a fallu attendre un arrêt. Je suis alors descendu du train, j'ai couru sous la pluie jusqu'au char-buffet et j'ai demandé à acheter un peu de liquide chaud pour une vieille malade dans le fourgon à bagages. On m'a répondu : Notre shift est fini et le poêle est éteint.
J'ai dû revenir les mains vides et annoncer à ma mère qu'il faudrait attendre l'arrêt à une station avec restaurant, à Parent.
À Parent, je lui ai procuré un peu de bouillon chaud.
Aux stations suivantes, Bourmont, etc., on a chargé à peu près 5,000 livres d'orignal avec panaches, 3,000 livres de poisson, un ours mort, un chien, des packs-sacks, du bagage de toutes sortes, des canisses à lait, etc., si bien que la vieille n'a presque pas dormi, malgré une piqûre de morphine.
Pour combler le plat, aucune ambulance n'attendait à Montréal. J'ai téléphoné à mon frère. Il m'a dit n'avoir reçu aucun message. De fait, après enquête, j'ai appris que le télégraphiste qui avait envoyé le message n'avait pas donné la bonne adresse.
Pouvez-vous battre cela ? Et c'est le réseau de notre bon papa le gouvernement ! Le Canadien-National, Train No. 12, Char No. 8629.
Sans commentaires
le jeudi, 01 novembre 1945. Dans Autres
C. N. R. — Train No 12, Char No 8629
Malartic, 4 octobre 1945 ;
Monsieur le Rédacteur,
Ma vieille mère, âgée de 83 ans, s'est cassé une jambe deux fois. Comme c'était un cas d'hôpital, nous avons fait téléphoner à Rouyn pour une réservation sur le train. On m'a répondu que c'était impossible.
Alors, j'ai fait envoyer un télégramme à mon frère à Montréal, pour qu'il s'occupe d'avoir une place à l'hôpital et une ambulance à la gare à notre arrivée.
Le vendredi 28 septembre, ma femme et moi avons pris place sur le train, avec la malade sur une civière. Imaginez-vous que l'on nous a fait embarquer dans le char aux bagages, qui puait le diable. Un employé m'a dit que le char n'avait pas été lavé depuis un mois et demi, et je le crois.
Lorsque le conducteur est venu collecter nos billets, nous avons protesté contre pareille condition. Il a dit qu'il n'y pouvait rien faire. Nous n'avions aucun siège. Ma femme a passé tout le voyage à essayer de se reposer sur les packs-sacks, et moi sur une boîte de marchandises. On avait pourtant eu le front de nous charger le plein prix du passage.
Vers minuit, maman m'a demandé si je pouvais lui procurer quelque chose de chaud à boire. Un wagon-poste empêchait de communiquer avec le char-buffet. Il a fallu attendre un arrêt. Je suis alors descendu du train, j'ai couru sous la pluie jusqu'au char-buffet et j'ai demandé à acheter un peu de liquide chaud pour une vieille malade dans le fourgon à bagages. On m'a répondu : Notre shift est fini et le poêle est éteint.
J'ai dû revenir les mains vides et annoncer à ma mère qu'il faudrait attendre l'arrêt à une station avec restaurant, à Parent.
À Parent, je lui ai procuré un peu de bouillon chaud.
Aux stations suivantes, Bourmont, etc., on a chargé à peu près 5,000 livres d'orignal avec panaches, 3,000 livres de poisson, un ours mort, un chien, des packs-sacks, du bagage de toutes sortes, des canisses à lait, etc., si bien que la vieille n'a presque pas dormi, malgré une piqûre de morphine.
Pour combler le plat, aucune ambulance n'attendait à Montréal. J'ai téléphoné à mon frère. Il m'a dit n'avoir reçu aucun message. De fait, après enquête, j'ai appris que le télégraphiste qui avait envoyé le message n'avait pas donné la bonne adresse.
Pouvez-vous battre cela ? Et c'est le réseau de notre bon papa le gouvernement ! Le Canadien-National, Train No. 12, Char No. 8629.
Adélard DORVAL