Il y a une trentaine d'années, Sir Ernest Cassel, financier international, était probablement l'homme individuellement le plus puissant de toute l'Angleterre. Ernest était fils de Jacob Cassel, banquier juif de Franfort (Allemagne). Les Cassels viennent donc du même foyer que les Rotschilds.
C'est cet Ernest Cassel qui finança, au moment opportun, la London School of Economics. Il le fit à la demande de son ami, Lord Haldane, afin que l'École Économique de Londres puisse former les grands plannificateurs de l'ordre socialiste rêvé pour le monde de demain. L'expression est de Lord Haldane lui-même. Et de fait, c'est de cette école que sont sortis Berveridge, Marsh, Cyril James, et d'autres artistes actuellement chargés de préparer le moule pour l'humanité d'après-guerre.
Mais c'est à Ernest Cassel seul qu'a trait l'histoire suivante.
Il s'agit d'une visite faite à Cassel par un certain John Hilton. Ce John Hilton la raconta lui-même à la radio, et elle est consignée, sous sa signature, au Listener, du 9 janvier 1935. Nous l'empruntons au Social Crediter qui l'a reproduite dans son édition du 19 juin dernier.
Traduisons textuellement le récit de John Hilton.
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En 1916, j'étais en charge d'un institut appelé Fondation Caxton, et je préparais, avec un grand nombre de compagnons ingénieux, ce qui devait paraître sous le titre de "Mémoire de la Fondation Caxton sur la situation industrielle d'après-guerre". Ce document vint à être très apprécié et eut une influence marquée sur le cours des affaires nationales.
À l'époque dont je parle, j'y travaillais laborieusement et j'avais frappé un point excessivement difficile — la partie traitant de la monnaie, de la banque et du crédit pour l'après-guerre.
J'avais bien exploré les mystères du crédit pendant quelques années, en rapport avec les théories de Norman Angell ; mais, de toute ma vie, je ne pouvais déceler quelle serait la situation monétaire une fois la guerre terminée.
Un jour que je me cassais la tête sur ce problème, Lord Esher entra. Lord Esher était un des trois trustees de la Fondation. Je lui fis part de ce qui me bloquait. Il me répondit :
"Oh ! Il vous faut un entretien avec Sir Ernest Cassel ; il vous dira tout à ce sujet."
Or, cet Ernest Cassel était un grand, très grand financier. Lord Esher me procura une lettre de présentation ; une entrevue fut arrangée. Je revêtis mon plus bel habit de dimanche et je me rendis au manoir de Park Lane, où demeurait le Grand Financier.
Un valet de pied, en livrée de haut style, m'introduisit dans le vestibule, où je m'assis quelque temps, admirant d'inestimables peintures de Rembrandt et de Gainsborough. Puis on me fit entrer dans l'étude où le Grand Financier faisait sa finance.
Il me dit : "Soyez assez bon pour prendre ce siège. Je suis occupé pour un instant."
Je m'assis à côté d'un bureau qui me parut aussi grand qu'une table de billard, avec un encrier d'or aussi gros qu'un pain de quatre livres. Le financier parla au téléphone à un marquis et à deux ou trois ducs, ouvrit une douzaine de télégrammes d'autres gros financiers et dicta les réponses.
Après quoi il prit son fauteuil, vis-à-vis de moi, et me dit : "Maintenant, monsieur, je suis à votre service."
Ma bouche était devenue sèche. Je réussis tout de même à dire que, tout d'abord, je voulais demander quelle serait la situation financière à la fin des hostilités, vu les immenses dettes nationales qui s'accumulaient dans tous les pays belligérants.
Il dit : "Bien, et ensuite ?"
J'avalai un peu de salive, et j'ajoutai que, vu l'immense destruction de richesse nationale, il semblait que nous nous trouverions dans un monde grandement appauvri au sortir de la guerre ; et j'aimerais à savoir si, selon lui, le système financier serait capable de faire face aux besoins de la situation industrielle.
Il dit : "Bien, et ensuite ?"
Je pris une autre respiration, et je dis que la guerre me paraissait avoir ébranlé les fondements même du crédit bancaire, et je désirais savoir si, une fois la paix signée, les banques seraient encore capables de créer et émettre suffisamment de crédit pour la restauration du monde civilisé.
Il dit : "Bien, et ensuite ?"
Je dis que c'était tout. Il réfléchit un moment, du moins il eut l'air de réfléchir ; puis il se pencha en avant, me donna une légère tape sur le genou et dit :
"Jeune homme, vous m'avez posé quelques questions très difficiles. Je vais vous donner une simple réponse. La voici : Si l'argent est nécessaire, l'argent sera trouvé. Bonne après-midi. Jacques, accompagnez ce monsieur jusqu'à la porte."
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Le Social Crediter laisse au jugement de ses lecteurs de répondre, si après 1918, l'argent devint parfois nécessaire.
Que de projets abandonnés, que de nobles résolutions jetées au panier, simplement parce que l'argent n'était pas là !
Suivit une ère de conférences interminables, de grèves répétées, de désespoir profond s'abattant sur tout le pays. Le Parlement semblait impuissant.
"Si l'argent est nécessaire... Et qui doit dire si l'argent est nécessaire ?, Sûrement pas le premier-ministre, ou bien il aurait pu tenir les promesses faites au peuple. Évidemment, "l'individu le plus puissant" du pays n'avait pas donné SA permission.
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Les réflexions qui précèdent concernent la situation anglaise, mais elles conviennent parfaitement à ce que fut la situation canadienne pendant la même période, surtout depuis 1930 à 1940. C'est que Cassel et les autres de la même clique, logés princièrement et entourés de prestige, ne sont rien moins que des gangsters internationaux, et leur main pèse sur tout l'univers.
Après avoir tordu le cou aux peuples civilisés, après avoir assujetti les gouvernements, accordé ou refusé à la multitude les permissions de respirer, après avoir imposé eux-mêmes leur politique financière aux administrations publiques et aux industriels, ils ont le toupet de proclamer au public, comme les banques à chartes du Canada : "Le volume du crédit dépend de la politique financière du pays."
Le criminel lave ses mains et accuse sa victime !