Terre-Neuve fut cédée par la France à l'Angleterre par le Traité d'Utrecht, en 1713, en même temps que notre chère Acadie.
Depuis, la colonie de Terre-Neuve devint, comme le Canada, un dominion du commonwealth britannique. Les dominions sont supposés indépendants depuis le Statut de Westminster en 1931.
Mais l'histoire de Terre-Neuve est en sens exactement contraire à l'indépendance depuis 1931. Terre-Neuve souffrait de difficultés financières extrêmes à cette époque. Difficultés financières, cela veut dire incapacité de payer le tribut aux maîtres de la finance.
Un financier canadien, Robert James Magor, après avoir été quelque temps contrôleur des secours directs dans l'île, fut chargé d'aider à trouver les fonds nécessaires pour payer l'intérêt sur la dette nationale de Terre-Neuve en 1931 et 1932. Il le fit par un marché entre Terre-Neuve et le monopole du pétrole. L'Imperial Oil Company fournit les fonds ; et en échange, l'Imperial Oil Co. reçut le monopole exclusif du commerce des huiles sur l'île de Terre-Neuve.
Disons, en passant, que c'est ce même James Magor qui fut offert par Bennett à Aberhart, après l'élection d'août 1935, pour mettre les finances albertaines sur un pied satisfaisant au point de vue de l'orthodoxie bancaire. Si notre information est exacte, l'honorable Bennett et James Magor étaient tous les deux dans le directorat de l'Imperial Oil Company. L'un et l'autre savaient qu'il existe d'immenses ressources pétrolières dans le sous-sol albertain : or, l'année suivante, 1936, l'Imperial Oil obtenait le monopole de l'exploitation de ces ressources : ce ne peut être une simple coïncidence !
Donc, James Magor trouva de l'argent pour payer les intérêts de Terre-Neuve et il trouva un marché sans concurrence pour l'Imperial Oil Company, juste à l'éclosion du règne de l'aviation qui mettrait Terre-Neuve en évidence sur la carte du monde.
Mais ce n'est pas tout. Magor était aussi un sociologue, à la sauce orthodoxe. Il recommanda à l'Angleterre d'enlever à Terre-Neuve son statut de dominion, d'en refaire une simple colonie de la Couronne et de lui imposer une commission administrative.
Et ce fut fait. En 1934, le plus vieux des dominions britanniques cessa d'être un pays démocratique. Terre-Neuve n'avait rien à dire, puisqu'elle n'était pas en état de grâce avec la finance.
Depuis ce temps-là, James Magor est allé demander à saint Pierre s'il y avait une place dans le ciel pour récompenser des services désintéressés comme les siens.
Quelle fut la vie des Terre-neuviens sous le régime imposé par Londres à la demande de la finance ? Voici ce qu'écrivait Malcolm H. Clark dans le Harper's Magazine de février 1941 :
"Les ressources de l'île ont été données à des intérêts étrangers. De nombreuses gens dépérissent de sous-alimentation s'ils ne meurent pas tout à fait de faim. La moitié des habitants a la tuberculose ; 40 pour cent sont au secours direct et touchent chacun $22 pour toute l'année. L'industrie forestière, sous contrôle étranger, a rendu les salaires extrêmement bas. C'est une exploitation brutale du peuple."
La guerre a valu un peu plus de bien-être à Terre-Neuve. L'occupation par des armée alliées, sa position avantageuse au point de vue de l'aviation transatlantique, ont apporté de l'argent dans l'île. Évidemment le commerce de l'essence pour l'armée et l'aviation a dû être une aubaine pour l'Imperial Oil. Tout comme le centre d'entraînement d'aviation pour l'Empire, établi en Alberta. Ne dirait-on pas un plan fait d'avance par les puissants intérêts du pétrole ?
Et nous voici en 1944. Terre-Neuve est administrée par une commission depuis dix ans. Une mission fût envoyée à Terre-Neuve en 1943 pour étudier la situation et inspirer le gouvernement anglais pour statuer sur l'avenir de Terre-Neuve.
Lord Ammon dirigeait la mission. Le secrétariat des Dominions n'a pas encore publié son rapport officiel. Mais Lord Ammon a fait connaître ses conclusions dans un fascicule publié par Fabian Publications Ltd. Pourquoi Fabian Publications ? On sait que les Fabiens sont les grands apôtres du socialisme en Angleterre.
Toujours est-il que Lord Ammon recommande de maintenir à Terre-Neuve le gouvernement par commission, pour un temps indéfini. Il considère la restauration du gouvernement responsable comme désavantageuse et impraticable.
Lord Ammon souligne une apathie marquée à l'endroit de la politique chez les habitants de l'île. Personne, parait-il, ne désire former un gouvernement responsable, et personne n'en est capable.
Nous croyions Terre-Neuve habitée par des blancs, non pas par des Peaux-Rouges ou des Hindous.
Nos gérants d'humanité trouvent toujours moyen de jeter le tort sur les enchaînés. Ils les abrutissent, puis les traitent d'incapables. Comment se fait-il qu'eux, qui furent longtemps en démocratie, ne soient plus mûrs aujourd'hui pour la démocratie ? Et qu'a fait le gouvernement par Commission pour les ré-élever au niveau de la responsabilité démocratique ?
Lord Ammon recommande bien des choses pour un programme de dix ans, des écoles normales, des écoles secondaires et techniques, des logements salubres, des moyens de transport, etc. Il faut croire que l'île manque de tout cela. Pourtant, il y a dix ans qu'une Commission agréable à la finance façonne l'île à son gré, sans même avoir à faire approuver ses actes par un Parlement, puisqu'il n'y a plus de Parlement à Terre-Neuve.
Est-ce Hitler qui a tué la démocratie à Terre-Neuve ?
Il est du devoir de chaque citoyen, comme le rappelle le Pape, de faire la guerre à la guerre. Les grandes guerres modernes sont impossibles sans conscription, sans service militaire obligatoire. On fera donc une guerre efficace aux guerres en faisant la guerre à la conscription. La guerre dégrade l'humanité ; la conscription dégrade la civilisation moderne.