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En fonction du Ciel

le samedi, 01 septembre 1945. Dans Réflexions

Le créditiste dit : Garantie du nécessaire à tout le monde, puisqu'il y a abondance de produits. Le non-créditiste objecte : Impossible, ça coûterait trop cher.

Le créditiste dit : La misère n'est pas à craindre ; la Providence a fait la terre porteuse de richesses et l'homme a appris à exploiter ces richesses faci­lement, sans beaucoup de travail. Le non-créditis­te réplique : Prenez garde ; les cycles économiques sont là ; les crises sont périodiques et de plus en plus accentuées.

Le créditiste dit : Les Canadiens peuvent vivre selon les moyens productifs de leur pays, et ces moyens sont immenses. Le non-créditiste répond : Les Canadiens doivent vivre selon leurs moyens fi­nanciers, et ces moyens sont mesurés.

Le créditiste dit : Puisque les élévateurs sont pleins de blé, toutes les familles peuvent manger du pain à leur faim. Le non-créditiste est scanda­lisé : Mais avec quoi vont-elles payer le blé ?

Et ainsi sur toute la ligne. La vision du créditis­te est vaste comme l'abondance et la liberté. Celle du non créditiste est ratatinée par les budgets équi­librés et par les répartitions conditionnées.

Le créditiste et le non-créditiste vivent sur la même planète, mais ils respirent deux atmosphè­res différentes, et ils ne se comprennent pas.

La sagesse du créditiste est folie pour le non­-créditiste. La sagesse du non-créditiste est folie pour le créditiste.

C'est parce que le créditiste pense et parle en fonction des réalités ; tandis que le non-créditiste soumet tout aux conditions d'un système financier absurde qui n'a rien à faire avec les réalités.

Vous ne pouvez faire comprendre le Crédit So­cial et les horizons qu'il ouvre à quelqu'un qui s'obstine à juger de ce que vous dites en fonction du système actuel. Les normes sont tellement dif­férentes !

* * *

Ne peut-on expliquer un peu de la même ma­nière les impressions d'étrangeté, de singularité, que les saints créent sur leurs contemporains ?

Les saints rendus dans l'autre monde sont ad­mis et honorés. Mais pendant leur passage sur la terre, ils sont incompris, généralement ridiculisés et bafoués, souvent persécutés.

C'est que les saints pensent, parlent et agissent en fonction du Ciel ; leurs contemporains pensent, parlent et agissent en fonction de la terre.

Pour le saint, c'est le Ciel qui compte ; il y ajuste les choses de la terre, même s'il doit s'en occuper. Pour l'homme ordinaire, c'est la terre qui importe ; s'il doit de temps en temps donner un minimum d'attention aux choses du Ciel, il y pense en fonc­tion des choses de la terre.

Le saint parle du Ciel comme naturellement ; de la terre comme une place étrangère, un lieu d'exil. Le chrétien moyen, hélas ! parle de la terre com­me de son chez-soi naturel, et du Ciel comme d'une région très éloignée, à peine connue et qu'il n'a point tant hâte d'aller habiter.

* * *

Lorsque Marie apparut aux trois petits Portu­gais de Fatima, l'aînée des fillettes lui demanda :, "Madame, qui êtes-vous ?" L'apparition répondit simplement : "Je suis du Ciel".

Elle était du Ciel ; elle ne se prêtait à la terre qu'en fonction du Ciel.

Jésus aussi était du Ciel. Il vint du Ciel, non pas pour s'ajuster aux choses de la terre, mais pour porter les hommes à vivre sur la terre en fonction du Ciel. Il était du Ciel et parlait le langage du Ciel. Aussi ceux qui l'avaient entendu pouvaient-ils dire que "jamais homme n'a parlé comme cela avant Lui".

Les saints ont compris que, par le baptême, ils sont faits enfants du Ciel. Et c'est pourquoi eux aussi parlent un langage inintelligible à leurs con­temporains oublieux de la vie surnaturelle et plon­gés dans les choses de la terre.

* * *

Si l'on essayait, comme les saints, d'être du Ciel, et de ne prendre les choses de la terre qu'en fonction du Ciel, comme notre vision en serait agrandie ! Nous jugerions, d'après des normes bien différentes. La terre nous paraîtrait plutôt terne, et les jugements des hommes bien à l'envers — tout comme le régime économique actuel, qui paraît normal à un non-créditiste, mais est visible­ment à l'envers et absurde aux yeux du créditiste.

Ce serait un revirement complet et une illumi­nation soudaine pour nous, chrétiens distraits, d'adopter une bonne fois la formule des saints : La terre, la vie terrestre, les actes de notre vie terrestre, en fonction du Ciel ; et non plus simplement un brin de religion en fonction de concepts terres­tres. Ce serait comme le revirement qui s'opère dans l'esprit qui, une bonne fois, a saisi la doctrine du Crédit Social : un coup de soleil éclaire subite­ment toute l'économie et la politique.

À celui qui ne le comprend pas, le créditiste ré­pond : "Je suis du Crédit Social, je vois plus grand et plus juste que vous."

L'humilité mise à part, c'est en toute vérité que le saint, pas seulement le saint mort et canonisé, mais le saint qui vit sur la terre, peut dire à ceux qui s'étonnent de ses paroles, de ses jugements, de ses actes : "Je suis du Ciel, je vois plus grand et plus juste que vous."

* * *

VERS DEMAIN n'est pas un organe religieux et n'a pas été fondé pour remplacer les livres spiri­tuels, ni pour empiéter dans le domaine des pas­teurs établis. Mais, comme nos 44,000 abonnés sont tous, croyons-nous, des catholiques prati­quants, nous nous permettons de leur faire part de ces quelques réflexions en passant. La fête de l'As­somption de Notre-Dame, sa solennité et son oc­tave, nous y portent un peu malgré nous.

19 août 1945

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