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Inflation et déflation

Edmond MAJOR le lundi, 01 janvier 1945.

Qu'est-ce que l'inflation ?

Que faut-il entendre par "inflation", et que faut-il entendre par "déflation" ? C'est assez facile à comprendre puisque ce sont deux choses que nous connaissons par expérience.

Tout le monde sait que l'inflation, c'est la haus­se démesurée des prix. Quand y a-t-il inflation ? En temps de guerre quand la circulation de l'argent augmente — par des prêts aux industries de guerre — et qu'en même temps la production civile dimi­nue, soit que les industries civiles s'adonnent à la production de guerre, soit que notre production soit expédiée à l'étranger. Nous avons connu l'in­flation avec la guerre de 1914. Et qui oserait sou­tenir que le coût de la vie n'est pas plus élevé ac­tuellement qu'en 1934, ou même qu'en 1939 ?

Qu'est-ce que la déflation ?

La déflation, c'est le contraire de l'inflation, c'est-à-dire la baisse démesurée des prix. Et quand y a-t-il déflation ? En temps de paix, avec le régi­me actuel, c'est-à-dire quand il y a beaucoup de production, mais peu de pouvoir d'achat. Tous se rappellent bien la période de déflation par excel­lence de 29 à 39. Les gens crevaient de faim en face de montagnes de produits, et la seule chose qui manquait, c'était le pouvoir d'achat, c'est-à-dire l'argent nécessaire pour acheter toute cette pro­duction.

Déséquilibre continuel

Sous le système bancaire que nous avons, c'est-à-dire  avec le pouvoir souverain de créer l'argent entre les mains d'institutions privées comme les banques à charte, et cela se fait sans aucune tech­nique pour maintenir le pouvoir d'achat en rap­port avec la production offerte, l'équilibre est une chose impossible. Nous sommes toujours en pé­riode d'inflation ou de déflation. Nous sortons de l'inflation pour tomber dans la déflation. La dé­flation ne peut cesser sans faire place à l'inflation. Inflation en temps de guerre, et déflation en temps de paix.

Mais, comment le système bancaire conduit-i] inévitablement à l'inflation ou à la déflation ? Pour le comprendre, il suffit de comprendre comment l'argent vient en circulation sous le régime tout-puissant des banques à charte.

Qui fait et détruit l'argent ?

Contrairement à la croyance générale de ceux qui n'ont pas étudié la question de l'argent, et contrairement au bon sens, le gouvernement ne crée pas l'argent. La preuve, c'est que, quand le gouvernement a besoin d'argent, il doit emprunter des banques et du public, ce qu'il fait en temps de guerre, ou bien déclarer qu'il n'a pas d'argent, ce qu'il a fait au cours de la crise de 29 à 39.

Le gouvernement canadien, qui s'intitule dé­mocratique, se départit de son privilège de créer l'argent pour le transmettre à des institutions pri­vées, les banques à charte. Ces dernières ne sont guidées dans leur politique que par leurs propres intérêts, et n'ont de responsabilités envers person­ne, en ce qui concerne la politique économique qu'elles poursuivent.

Les banques à charte du Canada créent l'argent quand elles accordent des prêts à l'un de nos gou­vernements ou à des particuliers, que ce soient des industriels, des commerçants ou des agriculteurs. Les banques à charte détruisent l'argent quand el­les exigent le remboursement de la part de leurs emprunteurs.

Pour prouver cette affirmation, permettez-moi de vous citer les aveux d'un banquier réputé qui con­naît le métier. Monsieur MacKenna, président de la plus grosse banque commerciale anglaise écri­vait ceci : "Tout prêt bancaire crée un dépôt ; tout remboursement détruit un dépôt. Le volume de l'argent dépend exclusivement de l'action des ban­ques elles-mêmes."

Sous le système actuel, les banques créent l'ar­gent en faisant des prêts. Pas un sou, pas une pias­tre qui ne vienne en circulation autrement que par le guichet de la banque sous forme de prêt à inté­rêt. C'est-à-dire que la piastre qui sort de la ban­que sous forme de prêt doit y retourner un jour grossie de l'intérêt qui n'est pas créé par le ban­quier. Il est donc mathématiquement impossible de rendre au banquier dans l'ensemble le capital prêté qu'il a créé et l'intérêt qui n'existe pas. Voilà ce qui nous amène à bâtir des dettes colossales qui donnent aux maîtres de l'argent et du crédit le contrôle absolu sur nos vies.

Quels mobiles guident les banques ?

Mais quand les banques font-elles des prêts ? Les banques prêtent quand ça fait leur affaire ou quand elles veulent.

Pourquoi tous les gouvernements qui se sont suc­cédé au pouvoir de 29 à 39 criaient-ils : "Pas d'ar­gent", sinon parce qu'il leur était impossible d'em­prunter des banques. Est-ce que l'Honorable Mau­rice Duplessis et son gouvernement de l'Union Na­tionale n'ont pas déclaré que les banques refusaient de leur prêter de l'argent en 39 ?

Les banques prêtaient encore après 1929, mais les conditions étaient telles que les emprunteurs qui pouvaient satisfaire à leurs exigences étaient rares. Les banques décidaient en autorité suprême et sans appel du montant qu'elles devaient prêter, à qui elles devaient le prêter et à quelles conditions. Que l'on se souvienne des conditions faites à la ville de Montréal par les banquiers qui prirent le con­trôle absolu de la métropole du Canada !

Déflation de crise — Inflation de guerre

En faisant les conditions de prêts plus difficiles en 1929, les banques ont diminué la circulation de l'argent au pays. En forçant les emprunteurs à rembourser dans des conditions impossibles qu'elles avaient elles-mêmes créées au cours de la crise, les banques jetaient le désarroi dans toute notre éco­nomie. Voilà les responsables de la déflation qui a sévi chez nous de 29 à 39, alors que les gens souf­fraient et mouraient dans la misère en face de l'abondance gaspillée.

En 1939, parce qu'il y a une guerre dans le mon­de, les banques consentent volontiers à faire des prêts au gouvernement, aux industriels, aux com­merçants aussi bien qu'aux cultivateurs. Mais comme notre système d'argent-dette est maintenu, notre dette nationale grimpe à grands pas, nous mettant au pied des chaînes de plus en plus lour­des. Ça ne fait rien. Les banques prêtent pour la guerre et augmentent ainsi l'argent en circulation. Il y a actuellement plus de deux fois plus d'argent en circulation qu'au cours de la crise.

L'argent prêté pour la guerre finance de la pro­duction de guerre que les particuliers n'achètent pas. Avec les salaires obtenus pour la production de guerre, l'ouvrier peut acheter les produits qu'il a fabriqués avant la guerre. Avant de faire des obus, ces produits dont l'ouvrier avait tant besoin étaient là, mais il n'avait pas l'argent pour les acheter. Il fallait que les nations décident de s'en­tre-tuer pour forcer la fabrication d'obus, ce qui permet à l'ouvrier d'acheter le pain qui encom­brait les élévateurs au lieu des estomacs. Ce sont les conditions des banquiers.

Mais en cessant la production civile pour la rem­placer par de la production de guerre, puis en ex­pédiant notre production civile aux quatre coins du monde, on a diminué la réserve. Partout, l'ou­vrier continue de faire des obus, des chars d'assaut, des canons, etc., ce qui lui donne du pouvoir d'a­chat. Mais la production pour laquelle l'ouvrier dé­sirerait faire valoir son pouvoir d'achat diminue. Et nous voici avec plus de pouvoir d'achat que de production disponible. C'est l'inflation inévitable. Malgré tous les efforts du gouvernement, il est im­possible de l'enrayer complètement.

C'est que le système bancaire crée l'argent non pas selon les faits de la production, mais selon son caprice ou ses intérêts. Le système bancaire ne possède aucune technique pour équilibrer le pou­voir d'achat avec la production. C'est une auto sans volant. Il devient inévitable que l'auto se promène tantôt dans le fossé de la déflation, tan­tôt dans le fossé de l'inflation. Impossible de tenir le chemin.

Redressement demandé par les créditistes

Voilà le système que dénoncent les créditiste Ils veulent une technique monétaire, comme celle du Crédit Social, pour que la politique monétaire du pays soit en rapport avec les faits et dirigée en vue du bien commun de tous et de chacun.

Aussi les créditistes demandent d'abord que le pouvoir souverain de créer l'argent soit remis au gouvernement au nom du peuple. Il ne s'agit pas d'Étatisation des banques. Au contraire. Les créditistes sont opposés à toute étatisation. Les opérations de banques proprement dites, administration des épargnes, placement d'argent sont très bien faites par les banques. Ce qui doit leur être enlevé c'est le contrôle de l'argent par leur pouvoir de création, pouvoir souverain qui ne peut être laissé entre les mains de particuliers.

Les créditistes demandent ensuite que le contrôle de l'argent exercé par le gouvernement souverain au nom du peuple "puisque nous sommes en démocratie, et que de plus, dit-on, nous nous battons pour la survivance des démocraties dans le monde", que ce contrôle soit pratiqué selon une technique bien définie comme celle du Crédit So­cial, qui ne vise qu'à conformer la politique monétaire aux faits de la production en tout temps.

Sous un régime créditiste, le niveau de la pro­duction constituerait la base de la monnaie et du crédit.

Dividende et escompte compensé

Une grande partie de notre production est due à l'héritage culturel, au progrès, à la science appli­quée, aux richesses naturelles, autant de biens communs, ou de choses qui n'appartiennent à per­sonne en particulier, mais à tous collectivement. En se basant sur cet immense capital social, héri­tage social presqu'inépuisable, les créditistes ré­clament une part pour tous et chacun, de cet im­mense héritage, sous forme de dividende national périodique. Ce dividende sans conditions permet­tra d'assurer à tous et à chacun les nécessités de la vie, assurant ainsi la liberté et la sécurité de tous et de chacun des membres de la société.

Le dividende, en plus de jouer ce rôle éminem­ment social, mettra en circulation un certain mon­tant d'argent devant l'abondance de produits. Puis, pour équilibrer le pouvoir d'achat avec la produc­tion, le Crédit Social possède un mécanisme que l'on appelle le juste prix. S'il faut une injection de pouvoir d'achat, le mécanisme du juste prix fonc­tionne sous forme d'un escompte à l'acheteur, com­pensé au marchand par une émission de crédit fai­te par le gouvernement. C'est l'inverse de la taxe de vente. Advenant le cas contraire, c'est-à-dire en supposant qu'il y ait en circulation un surplus de pouvoir d'achat, le mécanisme du juste prix de­vient une taxe collectée par le marchand pour re­tirer le surplus d'argent en circulation. Et cela ne ferait pas de mal, puisque ce serait le surplus qu'on retirerait, ce qu'il y aurait de trop et de nuisible.

Équilibre, prospérité et paix

Avec un tel mécanisme, toute inflation comme toute déflation sont absolument impossibles. Le pouvoir d'achat est continuellement en rapport avec la production offerte. S'il y a beaucoup de produits, il y a beaucoup d'argent mis en circula­tion ; s'il y a moins de produits, il y a moins d'ar­gent en face. Voilà une technique qui répond aux faits de la production, et non pas aux simples ca­prices de particuliers plus soucieux de satisfaire leurs petits intérêts que le bien du peuple.

Voilà comment on peut ouvrir le marché domes­tique à notre immense production, en mettant de l'argent, du pouvoir d'achat, dans les poches des Canadiens et des Canadiennes. Il ne serait plus né­cessaire d'aller chercher des marchés étrangers aux quatre coins du monde, ni de précipiter le monde entier dans une guerre pour s'emparer de ces mar­chés, ni de détruire la production accumulée de­vant des populations affamées, mais sans argent.

Les grands responsables de la crise de 29 à 39 et de la guerre qui a suivi devraient être jugés com­me d'aussi grands criminels qu'Hitler ! Après tout, Hitler n'est que le produit des monstres de la fi­nance internationale. Pourquoi ne pas s'en prendre d'abord et avant tout à ces monstres eux-mêmes ?

Edmond MAJOR

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