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Les créditistes dans l'arène

Louis Even le mardi, 15 mai 1945. Dans La politique

L'électeur avant le candidat

Les créditistes de la province de Québec sont entrés dans l'arène électorale, et, à une allure sur­prenante. Avec leur organisation plus effective que tapageuse, ils ont mis sur pied 40 candidats en deux semaines. Les journalistes n'en revenaient pas, pas plus que les organisateurs des divers partis.

Mais les créditistes ne voient pas l'élection du même œil que les partis.

D'abord, en Nouvelle-France, les créditistes sont des électeurs qui se renseignent, s'orientent, bougent, s'organisent et s'occupent de la chose publique douze mois par année.

Une machine à candidats s'arrête lorsque l'élec­tion est finie. Un organisme à électeurs, à éduca­tion et organisation des citoyens majeurs, ne s'ar­rête jamais.

Les créditistes, ce sont des hommes qui mettent leur intérêt dans les électeurs et non dans les can­didats. Leur organisation est une union d'élec­teurs, et non une machine à candidats.

Ils ne sortent pas de leurs gonds

Lorsque vient une élection, les créditistes ne s'é­nervent pas plus qu'en temps ordinaire. En temps ordinaire, ils sont sur pied, ils sortent de chez eux, ils vont aux voisins, ils attirent l'attention sur les problèmes du pays, ils analysent, argu­mentent, concluent et prennent des décisions. L'é­lection venue, ils n'ont qu'à continuer.

Les partis politiques se mettent en nage pour gagner l'élection. Ils baiseraient les pieds du dia­ble pour avoir son aide. Ils roulent, s'époumo­nent, appellent la foule par tous les moyens, la bourrent tant qu'ils peuvent. Une seule chose compte : le vote. Le vote pour eux.

Les créditistes voient dans l'élection le moyen pour eux de dire ce qu'ils veulent, et c'est tout. S'ils sont assez nombreux à le dire, ils pourront avoir des représentants au Parlement de la na­tion. S'ils ne sont pas assez nombreux à le dire, le Parlement sera fait de représentants de partis. Mais les créditistes continueront, après l'élection, de dire ce qu'ils veulent, et ils le diront même aux élus des partis.

Les créditistes iront dans les Parlements, com­me représentants attitrés du peuple, lorsqu'il y aura assez d'électeurs créditistes qui ne perdent pas la tête le jour des élections. Ils n'iront pas au Parlement par de l'argent ni par une machine électorale, mais par des hommes renseignés et debout. Ce sera plus solide, plus stable et plus fructueux. Des hommes renseignés et debout, c'est plus durable que l'argent de la corruption, et surtout ça donne au pays une meilleure direction que l'argent de la corruption.

Les partis veulent le pouvoir pour le parti. Les créditistes veulent mettre le pouvoir dans le peu­ple. Pas dans la foule amorphe et ignorante, mais dans le peuple renseigné et organisé, dans un peu­ple qui sait prendre ses responsabilités. Cela ne s'apprend pas dans quatre semaines de campagne électorale : il y faut une application constante et ordonnée. C'est du nouveau en politique, mais les créditistes n'ont pas peur du nouveau, et surtout ils ne craignent pas l'effort pour amener le nou­veau qu'ils savent bon.

Gagner l'élection

Les créditistes vont-ils gagner ou perdre l'élec­tion ? Les créditistes vont gagner. Mais certaine­ment ils vont gagner. Les créditistes gagnent tou­jours. Gagner, c'est remporter une victoire. Et les créditistes remportent toujours la victoire, parce qu'ils font toujours poser des actes d'hommes là où l'on posait des actes d'automates.

Tout vote donné pour un candidat des élec­teurs sera une victoire. Ce sera un vote donné pour les électeurs là où l'on donnait auparavant un vote pour un parti. C'est une grande victoire, mettre l'électeur au-dessus du parti.

Un créditiste qui voterait pour un candidat de parti trahirait sa cause. Il grossirait la demande dans l'arène de soumission au parti, au lieu de grossir l'affir­mation des aspirations communes à tout le mon­de et qu'il comprend. C'est pour que les crédi­tistes ne soient pas obligés de trahir, pour qu'ils puissent, par leur vote, proclamer ce qu'ils com­prennent et ce qu'ils veulent, c'est pour cela que l'Union Créditiste des Électeurs place devant l'électorat des candidats créditistes, des candidats des électeurs.

Les créditistes qui se sont organisés pour met­tre dans leur comté un candidat des électeurs ont accompli leur devoir ; ils se sont acquittés de leur responsabilité. Lorsqu'ils ont placé leur candidat des électeurs et qu'ils ont dit à leurs concitoyens : Voici votre candidat des électeurs ; voici celui qui peut vous représenter, parce qu'il n'est d'aucun parti — ils peuvent avoir la conscience tranquille. Que les électeurs votent ou ne votent pas pour ce candidat, c'est la propre responsabilité de chaque votant, et le résultat ne change rien à la valeur de l'acte posé par ceux qui se sont dévoués pour fournir à leurs concitoyens l'opportunité de voter pour autre chose que pour un candidat de parti.

Jamais découragés

Les créditistes ne sont pas décourageables. Ils ne sont pas décourageables, parce qu'ils n'atta­chent pas la survie de leur mouvement à l'élection de députés.

Quand un parti perd au scrutin, quand ses can­didats sont battus, les gens du parti disent : C'est donc de valeur ! Nous voilà dehors pour quatre ans !

Les créditistes ne font jamais cette réflexion-là. Le lendemain, ils retroussent leurs manches aussi gaillards que la veille et foncent en avant. Aussi leur force grossit-elle constamment.

En 1935, il n'était pas question de mouvement créditiste dans la province de Québec. En 1940, les créditistes avaient deux candidats sur les rangs à l'élection fédérale. En 1944, ils en avaient onze sur les rangs à l'élection provinciale : 11 sur 91 comtés. Cette année, en 1945, les créditistes de la province de Québec ont 44 candidats sur les rangs, 44 sur 65 comtés fédéraux. Il y en aura autant que de comtés dans quatre ans.

Allez donc dire que les défaites aux polls abat­tent les créditistes !

La mascarade des partis

Vous voyez des politiciens passer d'un parti à un autre ; candidat d'une couleur une année, can­didat d'une autre couleur l'autre année. Ils hu­ment le vent et vont du côté qu'ils pensent favo­rable. Ils n'ont qu'un objectif : se faire élire. Cette mascarade est particulièrement remarqua­ble dans la province de Québec cette année. Li­béraux avant-hier, Bloquiste hier, Cardinistes au­jourd'hui ; prétendus Indépendants, demain, Con­tempteurs du peuple toujours.

Vous ne voyez pas cela dans l'Union Créditiste des Électeurs. Ceux qui croyaient que le Crédit Social existait pour les conduire au Parlement se sont vite aperçus qu'ils se trompaient de porte ; ils se casent ailleurs. L'Union Créditiste des Électeurs est trop bien organisée dans la province de Québec pour faire le jeu des étoiles filantes. Elle honore les électeurs et ceux qui vont aux élec­teurs, pas ceux qui veulent se servir des électeurs pour leurs fins propres.

Cela ne veut pas dire que les créditistes ne cherchent pas sérieusement à mettre des hommes dans les Parlements. Ils ne demandent pas mieux ; mais il faut que ces hommes soient réellement des hommes des électeurs, des hommes qui ont fait leurs preuves, qui sont déjà allés aux électeurs pour les renseigner et se renseigner avec eux. L'Union Créditiste des Électeurs cherche certai­nement à mettre de ces hommes dans le Parle­ment ; mais elle ne jette pas les bras en l'air quand ils n'y rentrent pas.

Des hommes, toujours des hommes

Les créditistes n'ont pas de caisse électorale. Ces jours-ci, leurs candidats quêtent pour avoir de quoi payer leur dépôt. Et si la générosité n'est pas épuisée, et s'il leur reste du temps, ils vont quêter pour payer de la littérature pour rensei­gner leurs électeurs.

Les créditistes quêtent quand le temps est venu pour l'élection, pour les besoins essentiels de l'é­lection, comme ils quêtent en temps ordinaire pour conduire leur travail d'éducation.

Les créditistes sont trop occupés en tout temps à former des hommes pour se tracasser de former une caisse électorale. Les hommes sauront bien, au temps voulu, faire venir l'argent nécessaire. Mais l'argent ne fait pas venir les hommes. Don­nez-nous un comté de 15,000 électeurs sur lesquels il y a 8,000 hommes renseignés et debout : nous n'avons pas besoin d'argent pour y faire élire un député créditiste, un véritable député des élec­teurs. Mais donnez-nous un comté où personne n'a reçu le message créditiste et mettez dans nos mains $25,000, nous renonçons à y mettre un can­didat créditiste.

Il est d'ailleurs dans l'ordre que les électeurs eux-mêmes paient les frais essentiels d'élection du candidat des électeurs. Si ces frais devaient être payés par des gros intérêts, ce sont les gros inté­rêts qui se feraient protéger par l'élu. Celui qui paie l'orchestre commande les programmes ; s'il paie pour avoir une valse, il n'acceptera pas une marche funèbre.

Mais les fonds d'élection des créditistes n'ont pas besoin d'être élevés. Les créditistes n'ont pas à manipuler des foules comme les politiciens de partis. Ils portent leur message ; mais ils respec­tent les jugements et les volontés. Ils ne traitent pas la foule comme un troupeau.

Les créditistes n'achètent pas les consciences, ils les forment. Les créditistes ne graissent pas les électeurs, ils les éclairent.

La politique de pression

Les créditistes sont donc dans l'arène électo­rale. Ils font de la politique d'élection, parce que le pays va aux urnes. Mais ils continueront leur politique de pression sur les élus, quels qu'ils soient.

Les créditistes essaient d'avoir des élus qui les comprennent, parce que ces élus les écouteront mieux. Mais, s'ils ne peuvent pas avoir de ces députés-là, ils feront tout ce qu'ils pourront avec les autres. Et si les autres les écoutent mal, ce ne sera pas nouveau ; mais à la première occasion, les créditistes essaieront encore d'avoir mieux. Les têtus finissent toujours par l'emporter, et il n'y a pas têtus comme créditistes. C'est de l'entêtement qui durera, parce qu'il est raisonné, et les crédi­tistes gardent toujours leur raison et s'en servent.

Louis Even

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