Qui le député représente-t-il? Le député représente tous les électeurs de son comté. Oui, tous, même ceux qui ont voté pour son adversaire.
Le jour de l'élection, il s'agit de décider qui va représenter tout le comté, tout le monde du comté. Comme il y a plusieurs candidats, il faut bien en choisir un. Tous ne sont pas du même avis sur celui qu'il faut choisir: mais une fois qu'il est choisi d'après le mode actuel, c'est tout de même bien lui, l'élu, qui doit représenter tous les électeurs c'est pour cela qu'il s'est présenté.
Aussi, est-ce innocent de la part d'un député de dire à des électeurs: Vous n'avez pas voté pour moi, je n'ai rien à faire pour vous; je ne vous représente pas, parce que ceux qui n'ont pas voté pour moi sont mes adversaires...
Donc, le député représente tous les électeurs, sans distinction de parti. C'est d'ailleurs admis. Tout comme le gouvernement taxe et doit servir tout le monde, sans distinction de couleur. Si le gouvernement fait des distinctions entre ses amis et ses adversaires d'élection dans l'administration, dans les octrois, dans les applications des deniers publics, alors le gouvernement n'est plus le gouvernement du pays, mais le serviteur d'une clique, qui vole littéralement l'argent des autres pour sa clique.
Le député représente aussi tous ses électeurs, sans distinction de fortune ou d'importance.
Le député ne représente pas seulement les professionnels, les hommes d'affaires, les gros marchands, les chambres de commerce et les fils à papa de son comté. Il représente aussi bien:
Le cultivateur qui peut avoir de la peine à rencontrer les obligations grandissantes qu'on lui impose;
Le colon qui se bat avec la misère comme avec la forêt, quand ce n'est pas avec les bureaucrates qu'il doit se battre pour avoir ses primes, obtenir des droits de coupe, faire patenter son lot;
Le bûcheron, qui doit souvent faire des mois de chantiers pour faire vivre une terre qui devrait le faire vivre.
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L'ouvrier des villes, qui n'a pas plus de sécurité économique, et à peine plus de liberté, que l'esclave d'autrefois;
La famille tassée dans un taudis de ville, ou dans une maison grise de campagne, où il faut élever une nichée d'enfants, dans les conditions si bien décrites à la page 10 de Paysana de décembre dernier;
L'institutrice du rang, dont la vie pénible et entravée est également bien dépeinte en page 11 de ce même numéro de Paysana;
Les vieux et les vieilles, qui doivent végéter avec une pension mensuelle qui ne paierait pas trois journées d'hôtel d'un député;
Toute la lignée des privés de piastres ou privés de liberté qui forment un pourcentage de plus en plus considérable des électeurs de tous les comtés.
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Oui, le député représente les pauvres et les faibles aussi bien que les riches et les puissants. Nous dirions même plus: s'il y a une différence de degré, ce sont les faibles et les pauvres qu'il doit surtout représenter; parce que les puissants et les riches ont des moyens à eux pour plaider leurs propres causes.
Allez au Château-Laurier, à Ottawa, ou dans les grands hôtels de Québec, ou dans les anti-chambres des ministères, et vous verrez que les riches et les puissants ont là des délégués à eux, pour voir à ce que le gouvernement favorise leurs intérêts ou ceux de leurs compagnies.
Mais les pauvres, mais les petits, ils n'ont rien, eux, que leur député; et, hélas! comme c'est donc triste de voir que ce sont justement eux qui voient le moins souvent leur député! Eux n'ont pas les moyens d'aller même jusqu'à lui. Mais, lui, le député, n'a-t-il pas une indemnité pour lui permettre d'exercer efficacement ses fonctions spéciales de député, de représentant des électeurs?
Sinon, à quoi donc sert un député?
