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S'organiser pour se faire servir

Louis Even le dimanche, 01 juillet 1945. Dans La politique

Vie politique permanente

La sérénité, la joie, la décision, l'entrain des créditistes sont aussi remarquables le lendemain que la veille des élections.

Si, comme les partis politiques, nous mettions le terme de nos activités dans un succès électoral, nous aurions enregistré une défaite d'envergure le 11 juin dernier. Il ne nous resterait qu'à nous ra­masser, confus, au moins d'ici un prochain appel au peuple.

Mais tel n'est point, et tel n'a jamais été, l'ob­jectif politique de l'Union Créditiste des Électeurs. L'élection est un incident, important si l'on veut mais passager, dans la vie politique d'un pays. Mais la vie politique est de tous les jours, et les créditistes de Nouvelle-France vivent la vie poli­tique à plein.

Qui maîtres et qui serviteurs ?

Nous les démocrates de l'Union Créditiste des Électeurs, considérons l'élection comme le choix des serviteurs. Car les députés et les gouvernants doivent être les serviteurs de ceux dont ils tiennent leur mandat.

Une fois les serviteurs choisis, il reste le service à obtenir. Et pour obtenir le service qu'ils veulent, les maîtres doivent parler aux serviteurs.

Qui sont les maîtres ? Les citoyens adultes du pays, les électeurs eux-mêmes. Nous ne sommes point de l'école de ceux qui pensent que, l'élection finie, le rôle de l'électeur soit terminé. Il n'est pas terminé. Pas plus que le rôle d'un maître n'est terminé après qu'il a engagé un serviteur. Il lui reste, en tout temps, à faire connaître ses volontés à son serviteur et à en exiger l'accomplissement.

De même, en démocratie, on n'élit pas des re­présentants pour leur donner carte blanche. Ce ne serait plus qu'une dictature, dans laquelle le pays aurait simplement le privilège de choisir ses dicta­teurs tous les quatre ou cinq ans.

Imaginez-vous 500 Canadiens prenant place à bord d'un bateau et payant le pilote pour les con­duire en Europe. Au bout de quelques jours, ils s'aperçoivent que le pilote vogue vers le Canal de Panama pour les conduire en Extrême-Orient. Vont-ils le laisser faire ? S'ils font des remarques, vont-ils se contenter de s'entendre dire : "Vous m'avez choisi comme pilote ; laissez-moi finir mon terme, quand même je vous débarquerais en Chine au lieu de vous débarquer en Europe. Si vous n'êtes pas contents, vous me changerez à la fin de mon terme ; d'ici là, je vous conduis où je veux et com­me je veux."

Non, n'est-ce pas ? Pourtant, n'est-ce point ce qui se fait dans la politique courante ?

Il ne peut être question pour les électeurs d'in­tervenir dans l'administration ordinaire du pays. Mais, lorsque surgissent des questions qui affectent la vie et les droits des citoyens, c'est avec les ci­toyens, avec leurs électeurs, que les députés doi­vent d'abord prendre les décisions avant de les exprimer au Parlement de la nation.

Telle est la politique que nous appelons démo­cratique.

Les créditistes comprennent cette politique

C'est justement là ce qui fait la grande différen­ce entre la politique couramment admise dans les partis politiques et la conception de la politique professée par l'Union Créditiste des Électeurs. Non seulement professons-nous cette politique, mais nous mettons tout en œuvre, en tout temps, pour la faire opérer et produire des fruits.

C'est ce qui explique la vigueur inaltérée de l'Union Créditiste des Électeurs, le lendemain d'une élection qui, selon le critère ordinaire des partis politiques, serait un échec complet.

Le plus jeune de nos candidats de Montréal, comme ses confrères d'ailleurs, faisait tout bonne­ment sa campagne électorale, sans tenir aucune assemblée. Des électeurs intrigués lui posaient la question : Mais quand donc allez-vous commencer votre campagne ? Quand allez-vous grouper le monde pour votre politique ? Il répondit simple­ment : Le lendemain de l'élection. — Comment, le lendemain de l'élection ? — Mais oui, parce que, moi, je suis de l'Union des Electeurs, et j'aime bien mieux crier dans l'oreille du député pour nous faire servir, que dans l'oreille des électeurs pour les ahurir.

C'est dit d'une manière originale, mais c'est l'expression d'une conception démocratique de la politique.

Nous, les créditistes de Nouvelle-France, n'avons réussi à placer aucun de nos hommes parmi les serviteurs officiels du pays. Mais nous restons au­tant maîtres de ces serviteurs que s'ils étaient les hommes de notre choix.

Le député n'est pas, ou du moins ne doit pas être, le serviteur de son parti seulement, mais de son pays. Et son pays, cela veut dire les citoyens, tous les citoyens de son pays.

Maîtres et serviteurs en présence

Voici donc en présence, d'une part les élus du 11 juin dernier, d'autre part les électeurs de toujours. Les élus, serviteurs ; les électeurs, maîtres.

Et comme maîtres, il nous reste à faire connaître nos volontés. Non pas des volontés individuelles pour des intérêts particuliers, comme dans la vulgaire politique de patronage. Mais nos volontés communes, nos aspirations communes légitimes.

À qui les faire connaître ? Aux députés, nos ser­viteurs, pour qu'ils les transmettent au gouverne­ment, dont la fonction est de faciliter aux citoyens d'abord la poursuite des aspirations légitimes com­munes, à tous.

Devoirs des citoyens

Ce devoir de maîtres — exprimer leurs volontés à leurs serviteurs — suppose que les électeurs se rendent d'abord compte des aspirations communes, de la volonté commune des citoyens, et de l'ordre de priorité dans lequel les citoyens veulent voir leurs désirs communs réalisés.

C'est pour cela que le premier devoir des citoyens en démocratie, c'est d'étudier leurs affaires politi­ques, et aussi leurs affaires économiques au moins en autant qu'elles dépendent de la politique pour leur bonne marche. Des citoyens qui ne connaissent ni A ni B de ce qu'ils veulent ne peuvent par­ler sensément à leurs députés.

Les créditistes savent s'acquitter de ce devoir. La première chose qu'ils font pour eux-mêmes, c'est l'étude des problèmes qui doivent trouver leur solution dans la politique. La première qu'ils font chez les autres, c'est de les inviter à étudier ces mêmes problèmes et de leur en fournir les moyens. Cela précède et dépasse de beaucoup tout appel électoral.

Puis, il n'y a pas seulement l'étude. L'étude ap­porte la lumière et peut très bien faire les individus se rendre compte que leurs grands besoins sont communs, que les obstacles sont communs et qu'il faut une action commune pour en triompher. Mais, pour être à même d'exercer cette action commune, il faut nécessairement une organisation.

C'est que, dans chaque comté, on a en présence un serviteur et bien des maîtres au fédéral ; un ser­viteur et bien des maîtres au provincial. Du côté du serviteur, du député, c'est très simple : il n'a que son bon vouloir à mettre en branle pour accomplir sa fonction de serviteur. Mais, du côté des maîtres, des électeurs, c'est plus compliqué, puisqu'ils sont nombreux et qu'ils doivent trouver le moyen d'unir, d'ordonner et d'exprimer leur volonté en ce qu'elle a de commun. D'où la nécessité de l'orga­nisation du côté des électeurs.

Organisation permanente et ordonnée

Nous ne parlons pas ici d'une organisation élec­torale pour choisir le serviteur, mais d'une orga­nisation permanente pour se faire servir par lui. Si l'on peut différer sur le choix, on devrait s'en­tendre sur le service.

C'est le but de l'Union Créditiste des Électeurs, après avoir porté aux intelligences la lumière qui détermine la volonté, d'organiser les citoyens pour que la volonté s'exprime par une action concertée et ordonnée.

Il ne s'agit donc point du soulèvement d'une foule ignorante et amorphe, pour chercher des sa­tisfactions particulières dans l'anarchie ; mais de l'organisation de tous les citoyens qui veulent s'occuper intelligemment de la chose publique, pour chercher dans l'ordre la satisfaction plus facile des besoins de tous.

Voilà qui dépasse en hauteur et en largeur les simples entreprises électorales.

Une œuvre qui mérite des efforts

C'est parce qu'ils l'ont compris que les créditistes sont sur le chantier douze mois par année. C'est pour cela que, à leurs yeux, l'élection se réduit à un incident, dont les résultats ne peuvent les émou­voir autant que le progrès de la grande œuvre qu'ils poursuivent.

Et c'est parce que cette œuvre est d'une portée incalculable qu'ils ne ménagent ni leur temps, ni leurs énergies, ni leurs sacrifices répétés.

L'expérience du mouvement créditiste, qui dure d'une façon suivie depuis bientôt sept ans chez nous, a justement démontré la précarité des objectifs à courte vue. Ceux qui joignaient le mou­vement pour de simples triomphes électoraux en sont vite revenus et sont retournés à leur embour­geoisement.

Seuls sont demeurés et seuls tiennent toujours ceux qui y voient un véritable ordre nouveau à établir en économique et en politique pour le bénéfice de tous et de chacun. Seuls aussi peuvent comprendre cet objectif les hommes à esprit vérita­blement social ; jamais ceux dont la vision s'arrête à leur propre avancement. Le zèle créditiste a cer­tainement besoin d'intelligence, mais il demande surtout du cœur.

La vision qui anime les créditiste

En économie, les créditistes veulent les institu­tions économiques au service de tous les consom­mateurs. Leur formule pour y arriver est le Crédit Social.

En politique, ils veulent les institutions politi­ques au service de tous les citoyens. Leur formule pour y arriver est l'Union des Électeurs.

Crédit Social en économique ; Union des Électeurs en politique — ce sont deux petites choses, mais qui, réalisées, dispenseraient du besoin de tous les programmes alignés devant l'électorat par les partis politiques.

Lorsque les produits du pays seront à la dispo­sition de tous les habitants du pays, et lorsque les gouvernements tiendront constamment compte de la volonté commune de tous les citoyens, chaque individu, chaque famille, chaque association libre, pourra et saura bien faire ses propres programmes et solutionner ses propres problèmes.

Cette belle vision démocratique inspire les crédi­tistes en tout temps. Aussi, moins de trois jours après l'élection, un programme d'action, couvrant toute la province, était déjà mis à point. Dans les deux semaines suivantes, au moins les trois quarts des comtés provinciaux avaient leur réunion de responsables des paroisses du comté, pour organiser l'exécution de ce vaste programme.

Ce sont les électeurs se mettant sur pied, pour se faire servir par leurs élus du 11 juin au fédéral, par leurs élus du 8 août précédent au provincial.

Louis Even

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