Selon la définition de Lincoln, la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Quand l'on comprend le rôle essentiel de l'argent dans notre société moderne, l'on doit forcément admettre que pour jouir de la démocratie, il nous faut un système financier du peuple pour le peuple.
Ce n'est certainement pas là la principale caractéristique du système sous lequel nous vivons. C'est dans Quadragesimo Anno que Pie XI nous dit que : "Ceux qui contrôlent l'argent et le crédit sont devenus les maîtres de nos vies, si bien que sans leur consentement nul ne peut plus respirer". Voilà certainement une constatation qui tient bien plus de la dictature que de la démocratie. C'est que nous vivons sous un régime de dictature économique, la dictature des maîtres internationaux de l'argent. Nous ignorons tout de la démocratie économique.
Que serait un système financier du peuple ? Ce serait un système financier contrôlé par le peuple, un système financier dont le peuple dicterait lui-même les objectifs en vue du bien commun.
Un système financier du peuple, ce serait un système qui ferait naître l'argent nécessaire devant les produits, visant continuellement à équilibrer le pouvoir d'achat avec la production disponible. Ce serait un système financier reflétant continuellement les faits de la production. En commandant à la production de choses et de services, le peuple commanderait l'argent. Une augmentation dans les produits et dans les services disponibles amènerait automatiquement une augmentation de pouvoir d'achat entre les mains des consommateurs.
Quels devraient être les objectifs d'un système financier fonctionnant pour le bien commun, dont le peuple dicterait la politique ? Simplement des objectifs déterminés par le bon sens et la logique.
Le but d'un système financier sain, c'est de permettre la distribution de toute la production disponible. Les seules limites à cette distribution seraient la satisfaction des besoins et les capacités de production. Ce système doit aussi avoir comme objectif d'assurer à tous et à chacun un minimum vital sans conditions. Ainsi il assurerait la liberté à chaque citoyen.
Pie XI dans Quadragesimo Anno n'établit-il pas l'objectif d'un sain système économique ou financier, quand il dit : "L'organisme économique et social sera sainement constitué et atteindra sa fin, alors seulement qu'il procurera à tous et à chacun de ses membres tous les biens que les ressources de la nature et de l'industrie, ainsi que l'organisation vraiment sociale de la vie économique, ont le moyen de leur procurer. Ces biens doivent être assez abondants pour satisfaire aux besoins d'une honnête subsistance et pour élever les hommes à ce degré d'aisance et de culture qui, pourvu qu'on en use sagement, ne met pas obstacle à la vertu mais en facilite au contraire singulièrement l'exercice."
En acceptant ces données et ces principes, l'on ne peut pas dire que le système financier actuel en est un du peuple. Pas besoin d'une longue analyse pour s'en rendre compte.
La destruction systématique de la production durant la crise devant des masses aux prises avec la faim et la misère suffit bien pour le prouver. Notre système financier au lieu de faire naître l'argent devant la production, le fait mourir. Il est sous le contrôle d'un groupe de particuliers dont le bien commun est la moindre de leurs préoccupations. Quand le peuple accumule une abondante production, ceux qui contrôlent l'argent refusent de mettre devant les produits le pouvoir d'achat nécessaire. Et voilà pourquoi nous avons traversé une crise horriblement dure avant d'entrer dans cette guerre.
Depuis le commencement de la guerre, le pouvoir d'achat a augmenté. Un plus grand nombre sont salariés. Mais la production a diminué au même rythme que le pouvoir d'achat augmentait.
Notre système financier, le système bancaire, fonctionne à l'inverse du bon sens et de la logique. Il échappe à tout contrôle du peuple et fonctionne contre lui.
Pour ce qui est d'assurer un minimum vital à tous et à chacun, il n'en est pas question sous notre système. Au lieu de viser à la protection de la personne, il vise à la détruire. Au lieu de respecter la liberté de l'homme, il l'enchaîne.
On ne peut pas dire que les objectifs de notre système financier sont des objectifs de bien commun. Au contraire. Les faits prouvent à l'évidence qu'il vise à la domination et à l'enrégimentation de l'homme, qu'il méprise la personne humaine et qu'il foule aux pieds la famille, base de toute société.
Pourtant, il existe une province au Canada où le système financier s'oriente vers le bien commun depuis 1935. C'est la province de l'Alberta. En Alberta, le système financier est, en partie du moins, contrôlé par le peuple. S'il n'est pas entièrement entre les mains du peuple, c'est à cause des obstructions du gouvernement fédéral. Ce dernier a désavoué toutes les lois provinciales par lesquelles l'Alberta visait à libérer les Albertains de la dictature économique. Depuis 1935, le gouvernement de l'Alberta veut établir une banque provinciale du peuple. Jusqu'ici, ses efforts multipliés pour obtenir une charte ont rencontré une vive opposition du fédéral. Le gouvernement fédéral, sans doute sous l'influence occulte de la finance organisée, a refusé à la province de l'Alberta le droit de se libérer complètement.
L'Alberta a quand même pu inaugurer ce que l'on appelle un Programme Intérimaire pour commencer sa libération économique. Ce Programme Intérimaire a vu naître et se multiplier les Succursales du Trésor par lesquelles la population de l'Alberta reprend graduellement le contrôle de l'argent et du crédit.
Grâce à cette initiative, les Albertains possèdent maintenant un système d'argent à eux. Il n'élimine pas le système fédéral, mais fonctionne en marge de ce dernier. Grâce à son système interne, l'Alberta a pu développer son industrie et sa production. En Alberta, une augmentation de production provinciale représente une richesse et non pas un embarras. Cette richesse, grâce au système des Succursales du Trésor, se traduit par une augmentation de pouvoir d'achat entre les mains des consommateurs. L'activité dans la production provinciale amène automatiquement une augmentation correspondante dans le pouvoir d'achat. Voilà comment le peuple de l'Alberta contrôle en partie son système financier.
Un système financier pour le peuple, ce serait un système financier qui donnerait des fruits pour le peuple. Il n'y a qu'un système financier contrôlé par le peuple qui puisse donner des fruits pour le peuple.
Ce serait un système permettant de placer la personne humaine avant l'argent. Un système financier pour le peuple assurerait la distribution de toute la production en tout temps, en assurant un minimum vital à chaque membre de la société. Il donnerait ainsi justice à tous les citoyens en reconnaissant à chacun sa part de l'immense héritage social qui existe. Du même coup, ce système assurerait, en même temps que la sécurité, une entière liberté.
Un système financier du peuple protégerait la propriété privée et l'encouragerait. Il assurerait à la famille protection et encouragement. Toute la société en bénéficierait.
Le système bancaire met la piastre au-dessus de la personne humaine. Nous l'avons vu au cours de la crise d'une façon évidente. Les hommes étaient voués à la misère. Seules les piastres manquaient. Mais on ne voulait pas plier la piastre aux besoins de l'homme. Ne constate-t-on pas qu'il suffit d'avoir un porte-feuille bien garni pour se faire respecter partout ?
Personne n'oserait soutenir sérieusement que notre système bancaire assure la distribution de toute la production. Au contraire, il pousse à la destruction de la production qui ne peut atteindre le consommateur par manque d'argent. Il n'y a qu'en temps de guerre, alors que la destruction de la production est assurée sur une grande échelle, qu'on n'a pas à craindre l'accumulation des produits devant des populations affamées.
Comment le système bancaire a-t-il jamais protégé la propriété privée ? En la grevant de taxes par-dessus taxes ? Et à quoi sert la majeure partie des taxes, sinon à payer le tribut de l'esclavage aux maîtres de l'argent ? L'intérêt sur la dette publique n'est-il pas le premier et le plus gros item individuel de tous les budgets gouvernementaux ?
Le système bancaire est un système anti-social. Il sabote la famille qu'il laisse sans protection et décourage par tous les moyens. Tous les membres de la société sont volés de leur part d'héritage social, et sont réduits au rôle d'esclaves.
Si l'on juge un arbre à ses fruits, l'on a tôt fait de juger le système bancaire international qui sert à exploiter le monde entier.
Si l'on jette maintenant un coup d'œil sur la province d'Alberta où se trouve le seul gouvernement vraiment démocratique au Canada, l'on peut constater que l'inauguration d'un système financier du peuple donne des fruits pour le peuple. Si les Albertains ne jouissent pas encore de la libération économique complète, au moins ils peuvent se rendre compte qu'ils sont sur le bon chemin pour la libération économique.
Qu'on en juge par quelques-uns des résultats obtenus pour le peuple depuis 1935, soit depuis l'avènement d'un gouvernement créditiste en Alberta.
1. — Abolition de la taxe de vente de 2%, remplacée par un escompte à l'acheteur dont le taux est fixé d'après les faits de la production. Une augmentation de la production albertaine ferait hausser automatiquement le taux d'escompte, tout comme une diminution de cette production le ferait baisser. Ce taux est présentement fixé à 2%, soit l'inverse de la taxe de vente.
2.— Diminution de plus de $17 millions sur la dette provinciale.
3. — Aucune nouvelle taxe provinciale et pas d'augmentation dans le pourcentage de taxation.
4. — Près de 50% des soins médicaux fournis gratuitement. Les mamans reçoivent l'équivalent de la somme de $50. à la naissance de chaque enfant.
5. — Pensions aux vieillards plus élevées que nulle part ailleurs ( $30.00 par mois).
6. — Financement des travaux publics et administrations de la province SANS EMPRUNT ET SANS DETTE.
Voilà les principaux fruits apportés par le Programme Intérimaire adopté par le gouvernement créditiste de l'Alberta, dans lequel les Succursales du Trésor jouent un grand rôle.
Edmond MAJOR