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Échos de Roc d'Or

le vendredi, 15 octobre 1943. Dans Réflexions

Roc d'Or pourra disparaître de la carte de l'A­bitibi ; mais l'œuvre à la fois brutale et hypocrite ordonnée par le ministre Wilfrid Hamel restera dans les mémoires.

On remarquera que nous revenons à chaque fois sur le nom du ministre qui a ordonné la déporta­tion. Il est temps, en effet, que, même en démo­cratie, les responsabilités soient placées. Si quel­qu'un ne veut pas endosser une responsabilité, qu'il n'assume pas la fonction.

Nous ne taxons pas l'expulsion des Rocdoriens d'acte illégal, nous l'appelons un acte brutal et bar­bare. Le sort des hommes, des femmes et des en­fants nous intéresse plus que les textes de lois.

L'extrait suivant est d'une lettre de M. Henri Arpin, autrefois de Roc d'Or, aujourd'hui, tempo­rairement au moins, à Amos.

Pour ma part, je voulais rester à Roc d'Or jus­qu'au bout. Mais j'ai été forcé de partir, parce que je n'étais que locataire, et le propriétaire de la maison que j'habitais a déménagé sa bâtisse à Malartic. Plu­tôt que de me soumettre à un régime de gendarmes, j'ai préféré quitter le district et j'essaie de trouver un gagne-pain à Amos.

Si les Rocdoriens s'étaient donné la main et tous entendus pour ne pas bouger, il est probable que nous serions encore tous là. Mais des faveurs furent offertes aux premiers qui consentiraient à partir. Puis ces fa­vorisés reçurent l'ordre de nous dire qu'ils étaient partis à contre-cœur, mais que, sans cela, on leur au­rait tout ôté. Ils servirent ainsi d'instruments payés pour apeurer les autres.

On nous dit que nous étions une agglomération de gens indésirables. Des insinuations semblables furent même faites à la Chambre législative, à Québec.

La vérité est qu'il y avait à Roc d'Or cinq familles indésirables. Or, les autorités municipales et religieuses de Malartic sont venues les chercher, avec de belles promesses, pour qu'elles s'établissent à Malartic. C'é­taient des vendeurs et vendeuses de boisson, qui se faisaient arrêter tous les quinze jours.

Aujourd'hui que ces indésirables d'hier sont ren­dus à Malartic, leur commerce marche comme jamais. Ils n'ont plus peur d'être arrêtés. Ils sont apparem­ment appuyés par le maire de la ville (un Anglais), par le gérant de la ville, par le chef de la Home Guard, par le chef de police (celui qui exécutait le mandat de déportation), et par (nous taisons, par res­pect, la désignation du cinquième protecteur).

Protégés par cette bande, nos "indésirables" ne craignent plus rien, et tout va à la perfection. Lors­qu'ils demeuraient à Roc d'Or, on les méprisait. Maintenant qu'ils sont rendus dans la ville de leurs protecteurs, leurs locaux sont devenus le rendez-vous des sports de Malartic.

La grosse moitié des bâtisses de Roc d'Or est main­tenant partie.

Avant de quitter le district, j'ai voulu visiter et questionner ceux qui étaient rendus à Malartic. Ils m'ont à peu près tous dit la même chose :

"Ça me coûte bien cher, je ne sais pas si je pourrai jamais arriver à payer tout cela. Le lot me coûte $300 ; l'électricité, $65 ; l'entrée de l'eau, $175. Pour transporter ma maison, j'ai emprunté $200. Il faut maintenant que je la remette d'aplomb, elle est tout de travers. Il lui faut aussi un solage. C'est un autre $400. qui va y passer. Comment veux-tu que j'arri­ve ? C'était déjà juste pour manger auparavant."

Telle est la réponse que plusieurs m'ont faite. Il y en a déjà trois d'entre eux qui se sont fait ôter leur maison. Avant longtemps, plusieurs autres seront obligés de tout abandonner. Hier, leur modeste pro­priété leur appartenait ; aujourd'hui, elle appartient au financier. Triste sort !

Parmi les bâtisses transportées, il y a des camps en bois rond. Aussitôt qu'ils sont rendus à Malartic, la ville les oblige à les lambrisser en planches, pour cou­vrir les billes de bois rond. Et dès que ces pauvres gens se mettent en devoir de clouer leurs planches, la police arrive et leur défend de travailler sans permis de construction. Encore trois piastres à débourser !

C'est une loi que je ne comprends pas. C'est vrai qu'il y a bien des choses que je ne comprends pas. Hier encore, à la radio, on nous avertissait de nous approvisionner de tout ce qu'il nous fallait pour l'hi­ver. Comment faire ? Il faut de l'argent et des coupons pour acheter ; et quand même j'aurais mille piastres, les coupons me manqueraient. L'échéance des coupons que j'ai n'arrive qu'avec les dates, tout le long de l'hiver.

Va-t-on continuer à rire de nous comme cela bien longtemps encore ?

Henri ARPIN

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