C'est se tromper que s'imaginer qu'un changement de propriétaire réglera la distribution des biens, lorsque la politique du rationnement de l'argent continue.
Quelqu'un nous écrivait récemment :
"J'aime mieux un monopole d'État qu'un monopole privé. Si nous avions eu des trusts d'État pendant la crise, nous aurions eu du charbon, du pain, de la viande et toute autre chose. Nous n'aurions pas crevé de faim et de froid."
Est-ce bien sûr ? Quand même l'État serait le propriétaire des mines, des fermes, etc., est-ce que cela mettrait les produits sur les tables de ceux qui n'ont pas d'argent pour les acheter ?
L'État est déjà le trust des postes : est-ce que cela donne des timbres à tout le monde ? Le gouvernement de Québec a pris le monopole du commerce des liqueurs : est-ce que cela met du vin sur toutes les tables ?
Que l'État, ou un monopole privé, ou une industrie indépendante, soit le propriétaire, il faut de l'argent pour payer le produit. Et nous ne voyons pas bien que l'État administre mieux et abaisse ses prix. Pendant que la Montreal Light baissait son tarif, le gouvernement augmentait ses taxes. Les lettres qui coûtaient deux sous de timbre il y a trente ans en ont demandé trois depuis, et aujourd'hui on est rendu à 4 sous.
Puis un État employeur, c'est cela qui met de la liberté dans un pays ! Qui sont les plus libres d'exprimer leurs idées, les employés des trusts industriels ou les employés des gouvernements ?
Le moindre employé de la Commission des Liqueurs se trouve lié dans l'expression de ses opinions. Sera-ce bien différent des employés d'une électricité d'État ? Des employés d'un téléphone d'État ? Des mineurs de l'État ?
Que ne commence-t-on par détruire le monopole du crédit, qui fait la dette publique, les dettes privées, l'insuffisance du pouvoir d'achat et jette les gens les uns contre les autres !
Et qu'on ne s'imagine pas qu'une nationalisation des banques briserait le monopole du crédit et corrigerait l'insuffisance du pouvoir d'achat. Nous avons nationalisé la Banque du Canada. Cela a-t-il haussé d'un sou votre pouvoir d'achat ou le mien ? Cela a-t-il raccourci la crise d'une seule journée ?
C'est la philosophie du mécanisme d'argent, plus que sa propriété, qu'il faut changer. Un gouvernement qui ne voudrait pas donner l'argent nouveau n'a pas plus le droit de le faire qu'un banquier. C'est lui qui serait le voleur du public à la place des banquiers. Et à qui recourir quand c'est le gouvernement qui vole ?
De même, lorsqu'un trust vous malmène, il reste encore le recours à l'État, même si les démarches sont souvent stériles. Mais si c'est le gouvernement qui vous malmène ?
Si l'on avait un peu goûté ici le régime de Staline ou de Hitler, peut-être serait-on moins empressé d'accueillir les idées des C.C.F. et d'autres qui se cécéeffisent sans le savoir.
Les réflexions qui précèdent ne visent pas le cas spécial de la Montreal Light, même si elles donnent l'exemple de taxes du gouvernement qui montent pendant que les compagnies baissent leurs prix. Il ne peut être question de blanchir des voleurs, et le capital mouillé est une technique de vol.
Mais, si le gouvernement constate que la compagnie a fait le peuple payer sur du capital mouillé, que ne force-t-il pas les voleurs à restituer, sinon à faire de la prison ? Le gouvernement devrait être plus apte à poursuivre et condamner les voleurs qu'à administrer des installations électriques.