Extrait du discours prononcé à la radio par M. C.-E. Manning, premier-ministre d'Alberta, le 15 novembre dernier :
Des articles pullulent dans les journaux, dans les revues, dans les livres, sur la nécessité d'un ordre nouveau. Des politiciens de tous les partis, même ceux qui ont pourri dans l'inertie pendant un quart de siècle, nous disent ce qu'il faudrait faire et ce qu'ils comptent faire après la guerre.
Le malheur est que personne, pendant tout ce temps-là, ne fait rien d'effectif et de concret. Est-ce donc une fois la guerre terminée, qu'il faudra songer à préparer son lendemain ?
Pourtant, il y a deux ans, le premier-ministre du Canada, l'honorable Mackenzie King, semblait se rendre compte qu'il faut y voir auparavant, puisqu'il disait :
"Si cet ordre nouveau, auquel nous aspirons, n'est pas mis en marche avant la fin de la guerre, c'est en vain que nous le chercherons."
Faut-il en conclure que nous assistons actuellement à la naissance de l'ordre nouveau auquel réfère le premier-ministre ? Puisqu'il nous dit que l'ordre nouveau doit commencer avant la fin de la guerre, et puisque c'est lui qui préside aux destinées de la nation, on est certainement en droit de se poser, certaines questions :
La croissance continuelle de la bureaucratie dans l'administration de la chose publique fait-elle partie de l'ordre nouveau envisagé par M. King ?
La dictature virtuelle exercée sur les vies des Canadiens, par la multiplicité des commissions et des bureaux de contrôle, doit-elle être considérée comme une preuve que l'ordre nouveau est commencé au Canada ?
L'enregistrement du travail n'est-il bien qu'une mesure de guerre, ou doit-il être considéré comme partie intégrante de l'ordre nouveau d'après-guerre, qui, d'après le ministre, doit être commencé avant la fin de la guerre ?
Ou bien, peut-être, est-ce l'ascension phénoménale de la dette publique et le fardeau croissant des taxes, qui sont les prémices de l'ordre nouveau ?
Ou encore, faut-il voir le début de l'ordre nouveau dans la préservation sacrée et la consolidation des privilèges de ceux qui gouvernent l'argent et le crédit, tenant ainsi nos vies dans le creux de leurs mains ?
Si ce sont là les échantillons de l'ordre nouveau que doivent attendre les Canadiens, Dieu ait pitié du Canada !
C.-E. MANNING