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La montée du communisme

Louis Even le mercredi, 01 décembre 1943. Dans La politique

Les évènements sont faits par les hommes. Avec la permission de Dieu, évidemment, puisque Dieu n'interviendra pas même pour ôter le poignard de la main d'un assassin : il respecte trop le libre ar­bitre de sa créature et ses voies ne sont pas nos voies. Mais si Dieu permet les événements, les hommes qui les trament n'agissent pas toujours précisément sous l'inspiration des bons Anges.

La guerre actuelle, l'entrechoquement meurtrier de millions d'hommes n'est certainement pas un fruit céleste. l'Église fait prier pour le retour de la paix, et ce n'est pas sans raison.

Le démon, lui, n'est probablement pas si pressé de voir la fin d'une guerre qu'il a fait éclore et qui lui permet d'avancer ses desseins, malgré la sain­teté possible de bien des combattants, malgré les vertueux buts de guerre proclamés par les belligé­rants.

Banni, le cordon sanitaire

Quelle que soit l'issue de la guerre, les nations de l'Europe occidentale en sortiront considérable­ment affaiblies. Et pour tant soit peu que le bol­chévisme, qui n'est point un fils du Ciel, garde le moteur qui l'a animé depuis vingt-cinq ans, qu'est-ce qui ne peut pas arriver ?

Il suffit de jeter un coup d'œil sur la carte d'Eu­rope pour s'imaginer ce que peut devenir ce con­tinent, sous la pression d'un peuple bolchévisé de 200 millions d'habitants, une fois son grand voisin militaire désarmé.

La Russie, que l'agression allemande a rendue notre alliée, a fait jeter le discrédit sur le fameux cordon sanitaire, cordon composé de l'Allemagne, de la Pologne, de la Roumanie et de quelques au­tres nations, pour empêcher le communisme russe de déborder sur l'Europe. Mais, a-t-on oublié le lasso communiste que Moscou essayait de jeter au­tour de l'Europe centrale, il n'y a pas dix ans ? A-t-on oublié le Front Populaire de France, le front rouge d'Espagne ? L'un et l'autre ont pourtant fait assez de mal à ces deux pays respectifs, sans compter les répercussions extérieures.

Indulgence et mamours

Mais, depuis que les canons russes tonnent du même côté que les canons alliés, tout semble avoir changé dans l'attitude du monde vis-à-vis du com­munisme.

On a oublié, ou pardonné, même le récent pacte de 1939 qui, pour la deuxième fois dans l'histoire, dépeçait et partageait la catholique Pologne entre des nations peu scrupuleuses en fait de persécu­tions religieuses.

Non seulement des actes sont blanchis ; mais le communisme lui-même, au moins sous sa forme actuelle en Russie, a pris figure d'un régime de vie tout à fait respectable.

Les fêtes du 25e anniversaire de la révolution bolchéviste, célébrées jusque dans les démocraties alliées, ne se sont point bornées à faire l'éloge de patriotes qui combattent admirablement pour dé­fendre leur sol contre l'envahisseur allemand. Elles ont tourné en un véritable panégyrique d'un ré­gime que tous conspuaient avant 1941.

Le dernier numéro de VERS DEMAIN rappe­lait la complaisance d'hommes publics américains à baptiser la Russie de "pionnière en démocratie économique."

Devant le flot d'éloges décernés au régime lui-même, les communistes de partout n'ont point été lents à en tirer parti.

L'abolition du Komintern, le 22 mai dernier, n'é­tait pas la renonciation que certains simplistes s'i­maginaient. C'était la reconnaissance d'une ascen­sion. La propagande communiste passait désor­mais des souterrains aux chancelleries.

À peine la légation russe prenait-elle sa rési­dence à Canberra, capitale de l'Australie, que les communistes de ce pays avaient tout l'argent et le prestige nécessaire pour lancer un vaste program­me de propagande à la radio et en littérature.

Au Canada, c'est depuis l'abolition du Komin­tern que les communistes comptent leurs plus beaux succès, y compris l'élection à Montréal du premier député communiste fédéral.

Endimanchés sous le nouveau vocable de parti ouvrier-progressif, nos communistes canadiens par­lent maintenant régulièrement à nos postes de ra­dio. Leur journal hebdomadaire, La Victoire, et leurs clubs, à Montréal au moins, sont plus agres­sifs que jamais.

Le comité "Allemagne Libre"

C'est à Moscou qu'a été prise l'initiative des pré­paratifs pour gérer la succession d'Adolf Hitler lorsqu'elle deviendra disponible.

Le comité "Allemagne Libre", établi sous l'aile protectrice du Kremlin, se compose de commu­nistes notoires, au courant de la politique alleman­de, plusieurs d'entre eux étant d'anciens députés au Reichstag.

Le comité "Allemagne Libre" se tient prêt à prendre les rênes à Berlin dès que le parti nazi s'effondrera — si l'événement arrive. Et c'est avec ce groupe communiste que traiteraient les puis­sances.

L'idée d'Allemagne et l'idée de communisme pa­raissent incompatibles à plusieurs. Ils oublient qu'avant l'accession d'Adolf Hitler au pouvoir, c'est en Allemagne, après la Russie, qu'il y avait le plus de communistes. Sept millions, a-t-on écrit.

Interdits, exilés par le führer, les chefs com­munistes allemands ont gardé contact entre eux et avec leurs lieutenants. La défaite de leur pays ser­virait admirablement leur cause, tout comme la défaite de la Russie a servi la cause des chefs bol­chévistes de 1917 qui, eux aussi, guettaient l'occa­sion de l'extérieur.

France, Pologne

Le dernier numéro de VERS DEMAIN signa­lait les liaisons entre les cadres communistes fran­çais, ou plutôt internationaux, et l'organisation clandestine qui prépare le soulèvement en France, ainsi que l'appui accordé au général de Gaulle par les forces de gauche. Depuis, tout le monde a ap­pris, par les journaux, que le général de Gaulle in­vite les communistes à se faire représenter dans le Comité de Libération Nationale établi à Alger. Notons, en passant, que c'est de Moscou qu'est ve­nue la première reconnaissance officielle de ce Co­mité français de la Libération Nationale.

Les dépêches de ces jours-ci nous apprennent qu'un Comité Polonais s'est également formé à Moscou, dissident du gouvernement polonais ré­fugié à Londres. Et la Russie ne s'engage nulle­ment à traiter, une fois la guerre terminée, avec les gouvernements des pays occupés installés à Londres. Cette réserve vise évidemment la Polo­gne.

Pour une Espagne rouge

Une revue mexicaine, citée dans RELATIONS de novembre, parle des activités actuelles de Mar­tinez Barrio, ancien président de la Chambre des Cortès de Madrid avant l'avènement de Franco.

Barrio ne veut rien moins que le rétablissement de la république rouge en Espagne. Il cherche à réunir, probablement à Londres, le plus grand nom­bre possible des députés dispersés par Franco. Ils nommeraient un président et proclameraient un gouvernement qu'ils s'efforceraient de faire recon­naître comme légitime, à la place de celui de Fran­co, par les gouvernements des Nations-Unies.

Tout cela, et ce qui se passe en Yougoslavie, et bien d'autres choses encore, justifie la remarque de RELATIONS :

"L'organisation soviétique de l'Europe future est presque à point."

Et nous, d'Amérique ?

Nous, d'Amérique, sommes-nous bien à l'abri de la vague qui menace d'engloutir le vieux monde ?

Sommes-nous à l'abri, lorsqu'un Mexique, aigri par une incurie politique et un désordre économi­que prolongés, offre un tête de pont tout indiquée pour recevoir une avant-garde communiste en Amérique du Nord ?

Sommes-nous à l'abri, lorsque, en dehors des an­nées de guerre, des centaines de mille citoyens au Canada, des millions aux États-Unis, sont exaspérément maintenus dans la privation devant la des­truction, de montagnes de produits ?

D'ailleurs nous avons mentionné tout à l'heure le redoublement d'activités des communistes ca­nadiens.

Notre conclusion, créditistes ?

Nous ne sommes pas de ceux qui, pour éviter le communisme, vont flirter avec le socialisme. C'est devenu un peu la mode en plusieurs milieux du Ca­nada. On se familiarise de plus en plus avec l'idée d'un gouvernement C.C.F., sans se préoccuper des suites d'un régime où les citoyens seraient pris dans les mailles d'un État qui régit tout, qui s'empare de tout.    

Nous ne croyons pas, non plus, qu'il suffise de croiser les bras et se fier, pour la construction de l'ordre de demain, aux grands chefs d'État qui sont tous, ou à peu près tous, liés aux degrés les plus élevés de la franc-maçonnerie.

Mais sûrement, si nous n'avons ni des yeux pour voir, ni des énergies pour l'effort de l'action et de l'organisation, demain sera préparé sans nous.

La prière et la pratique de la religion, il est bien vrai, opposent une force céleste aux forces diaboli­ques qui semblent avoir beau jeu. Mais il est aussi dans l'ordre que des actes concrets de redressement soient posés par des hommes, tout comme les actes concrets de désordre ne sont point posés par le dé­mon lui-même, mais par des hommes vivant sur la terre.

Et qui posera les actes voulus chez nous, en Nouvelle-France ? Qui le peut bien faire, sinon des hommes éclairés, aimant leurs frères, détachés des avantages personnels que peuvent valoir des con­cessions aux puissances en selle, entraînés aux sa­crifices et au dévouement inlassables ?

Mais ces hommes ont aussi besoin de l'appui d'un peuple vigilant et organisé, pour affronter sans faiblir les forces qui tiennent en main tant de leviers de commande.

Éclairés par l'étude, exercés à l'action, les cré­ditistes de Nouvelle-France, en dignes descendants des braves qui ont bâti leur pays, vont certaine­ment faire leur part, et la faire jusqu'au bout.

Louis Even

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