Le bill de la radio a été adopté par l'Assemblée Législative. Nous nous en réjouissons. Avec M. Laurendeau et d'autres, nous regrettons que le contrôle des programmes ne soit pas entre les mains d'une commission indépendante, que le gérant et le personnel ne soient pas plus libres de la tutelle du gouvernement au pouvoir ; mais des amendements pourront être apportés plus tard, après les premières expériences faites et les réactions du public exprimées.
La Chambre passe aussi une loi pour l'électrification des campagnes, par l'entremise de coopératives qui s'établiront librement à cette fin. Cette loi peut, elle aussi, n'être pas parfaite ; elle peut ne pas pourvoir à un prix du courant accessible aux cultivateurs dans les régions où il n'y a pas de pouvoirs d'eau indépendants disponibles et où il faut s'approvisionner des monopoles actuels. Mais, nous partageons l'opinion de M. Chaloult, que "c'est la meilleure loi qui ait été apportée devant cette législature sur le problème de l'électricité." C'est aussi l'opinion du docteur Philippe Hamel, dit M. Chaloult.
Évidemment, l'opposition n'était pas de cet avis. Selon M. Godbout, la loi de l'Hydro (loi Hamel) donnait plus d'avantages aux cultivateurs. À quoi M. Patrice Tardif, ministre et cultivateur lui-même, répond aimablement que la loi Hamel n'a pas obtenu grand succès et que les cultivateurs ne s'en sont pas prévalus.
On dira que la loi Hamel n'a pas eu le temps de faire ses preuves. Ce fut le tort de M. Godbout de passer des lois importantes, comme celle du Service civil et celle de l'Hydro, vers la fin de son terme seulement. M. Duplessis semble plus averti. Dès cette première session de son gouvernement, il fait adopter des lois d'envergure, elles auront le temps de montrer ce qu'elles valent d'ici un prochain appel au peuple. Nous souhaitons qu'il ait la même bonne inspiration au sujet d'une loi pour établir un système de succursales du Trésor semblable à celui de l'Alberta.
Les coopératives d'électricité auront le moyen d'emprunter pour les 3/4 des dépenses d'installation ; il est vrai qu'elles devront rembourser à 3 pour cent dans les trente ans, ce qui double les frais. Mais c'est dans le régime d'argent-dette. Les emprunts de l'hydro à 2%, 50 ans, produisaient le même effet. Seul le Crédit Social corrigerait ce mode de finance.
Le Trésorier, M. Gagnon, a déposé un bill pour mettre fin à l'entente avec le gouvernement fédéral concernant d'importantes sources de revenus. Notre province est la première, croyons-nous, à demander la fin de cette intrusion du fédéral acceptée par les provinces sous couvert de conduite de la guerre. L'accord prendra fin douze mois après la sanction de la loi Gagnon.
Le ministre du Travail, M. Barrette, a déposé à la Chambre un bill qui n'est pas encore discuté à l'heure où nous écrivons ces lignes. Ce sera la loi de l'apprentissage, pour aider aux jeunes à se faire une carrière et aux démobilisés à se rétablir dans la vie civile.
Nous avons examiné le texte de cette loi d'un bout à l'autre, elle nous paraît inattaquable. Elle vient fort à point, avant que le fédéral, sous prétexte d'incurie des provinces, s'immisce dans ce domaine. Puis c'est une loi qui laisse beaucoup de liberté pour en profiter ou s'en dispenser. N'importe quel groupe d'employés, ou de patrons, ou un comité paritaire, peut demander l'incorporation pour établir un centre d'apprentissage. Et ce sont les corporations elles-mêmes qui font les règlements. Le gouvernement aide, approuve ou déconseille, mais n'impose pas. La loi Barrette plaît à notre mentalité de créditistes, mentalité de liberté et de décentralisation des initiatives.
Durant la quinzaine, le gouvernement a aussi passé une loi pour établir une commission chargée d'enquêter sur les compagnies qui bénéficient d'exemption ou de commutation de taxes municipales et scolaires, et d'établir l'évaluation de leurs biens immobiliers. Un bon point, s'il a des suites et s'il supprime des privilèges que doivent payer les petits.
À ce sujet, M. Laurendeau fait très justement remarquer que dans certaines localités, les compagnies ne sont presque pas grevées de taxes, parce qu'il ne s'y trouve que peu d'établissements scolaires ; et dans d'autres localités, les revenus des commissions scolaires sont trop faibles. Il suggère que les compagnies soient toutes taxées sur la même base, que ces taxes scolaires soient prélevées par la province elle-même, mais remises aux commissions scolaires de partout, au prorata de leurs charges. L'idée est bonne : elle satisferait à la fois l'équité générale et l'autonomie des commissions, puisque celles-ci administreraient elles-mêmes la quote-part qui leur reviendrait.
Nous ne parlerons pas de la motion Chaloult relative au travail des femmes dans les usines de guerre, et qui a soulevé un orage chez les libéraux et dans la presse libérale. Des journaux, comme le Canada, qui se disent scandalisés de la production de statistiques faite par M. Chaloult, devraient être conséquents avec eux-mêmes, au lieu de répéter ces mêmes déclarations jour après jour. Mais l'électoralisme des journaux de partis est bien plus en cause que leur morale.
Les votes en Chambre continuent à se prendre selon les lignes de parti, excepté le petit groupe du Bloc Populaire, l'indépendant et le C.C.F., qui montrent plus de personnalité.
Lors du vote sur le bill de la radio, M. Laurendeau a fait un excellent discours pour démontrer l'urgence d'une radio provinciale, vu que Radio-Canada est surtout au service de la propagande impérialiste toutes ces années-ci.
M. David Côté, C.C.F., ne voit pas, lui, la nécessité de cet organisme. La culture canadienne-française lui importe aussi peu que l'autonomie. Il ne s'élève point au-dessus du matériel. D'ailleurs, il se proclame socialiste, et le socialisme s'arrête à la matière. Puis, comme tous les socialistes, il est pour la centralisation, Tout de même, que pensent les mineurs, les colons et les patriotes canadiens-français de Rouyn-Noranda du représentant qu'ils se sont donné : socialiste, centralisateur et conscriptionniste ?