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La victoire par la politique de pression

Louis Even le mardi, 01 janvier 1946. Dans La politique

À la suite des élections provinciales du Mani­toba et de la Colombie, le Canadian Social Crediter fait des commentaires dont nous relevons les re­marques suivantes :

"Il est urgent, à l'heure actuelle, pour chaque créditiste, de se rendre bien compte que la politique de pression et l'action politique de­vraient précéder l'élection de députés aux parlements, fédéral et provinciaux.

"Modelée à peu près sur la technique de la politique de pression suivie par les créditistes de la Province de Québec, l'action continuelle fera les électeurs prendre connaissance de leur force. Ils peuvent faire n'importe quel député se plier à leur volonté, s'ils le désirent. "Lorsque cette pression sera exercée dans tout le pays, il n'y aura guère besoin de se tracas­ser d'élections. Au cas où vous ne comprendriez pas, prenons un exemple hypothétique : sup­posez que 10,000 Canadiens refusent de payer l'impôt sur le revenu, qu'arriverait-il ? L'impôt sur le revenu disparaîtrait. Si 10,000 Cana­diens protestaient vigoureusement contre le Bill 15, on verrait moins d'insistance pour con­tinuer les contrôles de guerre.

"En fait, si la démocratie politique était ainsi amenée à la perfection, la représentation cré­ditiste dans le gouvernement serait automa­tique."

Ces réflexions sont de M. Byrne, le technicien créditiste de l'Alberta, formé à l'école de Douglas, non seulement pour la technique monétaire du Crédit Social, mais aussi pour la philosophie cré­ditiste et la tactique à employer pour obtenir le Crédit Social.

Sans nous attarder sur les compliments qu'il donne en passant à la bonne orientation de l'Union Créditiste des Électeurs du Québec, nous tenons à développer certaines idées de ces remarques si justes.

Primauté de la politique de pression

"La politique de pression et l'action politique, écrit M. Byrne, devraient précéder l'élection de députés aux parlements."

C'est parce que cela n'a pas été fait dans le passé que les députés ne servent pas les électeurs.

Les électeurs n'ont jamais été habitués à l'ac­tion politique ; ils sont restés le jouet des politiciens experts à manipuler les foules en temps d'élection et la dernière pensée des politiciens après les élec­tions.

Jamais, entre les campagnes électorales, quand tout est tranquille et normal, les électeurs ne se sont montrés maîtres de leurs politiciens. Com­ment peuvent-ils l'être lorsque les politiciens leur arrivent munis d'argent, de promesses, d'orateurs et de cabaleurs ?

Jamais les électeurs n'ont exercé la moindre pression sur leurs élus entre les élections. Com­ment de tels électeurs auraient-ils pu apprendre à résister à la pression à haute vapeur exercée sur eux-mêmes par les puissantes machines électorales, lorsque l'excitation est calculée pour jeter la con­fusion et étouffer la réflexion ?

L'action politique — l'action politique par les électeurs — doit précéder l'élection de députés. C'est-à-dire que les électeurs doivent d'abord ap­prendre à être eux-mêmes les acteurs de la poli­tique. Si, en temps normal, ils restent spectateurs silencieux, s'ils ne pratiquent pas pour "acter" en politique, pour être les maîtres du jeu politique, comment peuvent-ils briller lorsque d'habiles ac­teurs de coulisses occupent la scène en temps de campagne électorale ?

Pour les créditistes, plus particulièrement, la po­litique de pression et l'action politique doivent pré­céder l'élection de députés créditistes. C'est d'ail­leurs pour eux que M. Byrne écrit.

Les créditistes, Dieu merci, ne bâtissent pas de machine à corruption pour lutter contre les ma­chines à corruption. Cela ne ferait qu'augmenter la pourriture. Mais ils s'appliquent à former des hommes, en nombre suffisant, pour mener la résis­tance contre les machines à corruption. Comment réussiront-ils s'ils n'aguerrissent pas leurs hommes en temps normal, pour conduire la pression sur les politiciens ? Ce n'est pas quand tout l'enfer élec­toral est déchaîné qu'il est temps de faire de l'exercice pour s'entraîner à combattre contre cet enfer.

De plus, comment les créditistes vont-ils garder pour eux la majorité des électeurs en temps de campagne électorale, s'ils n'ont pas habitué ces électeurs à dominer les politiciens en temps nor­mal ?

Électeurs maîtres, députés serviteurs

Le brillant disciple de Douglas continue : "L'action continuelle fera les électeurs pren­dre connaissance de leur force. Ils peuvent faire n'importe quel député se plier à leur volonté, s'ils le désirent."

Le premier résultat de la politique de pression, c'est de rendre ceux qui l'exercent conscients de leur force. Dès qu'ils commencent à poser des actes de pression, ils s'aperçoivent qu'ils sont de taille et que le politicien devra cesser de les traiter en en­fants. Dès que les électeurs commencent à se nour­rir d'action politique, ils sentent croître leur force dans la politique.

Le deuxième acte de pression est déjà exercé avec plus de force et de dynamisme que le premier. Et la force va croissant, pourvu que cette action con­tinue.

Si les électeurs continuent leur pression, s'ils en gagnent d'autres autour d'eux à grossir leur pres­sion, si cette pression s'exerce intelligemment, dans la même direction, à répétition et en augmentant, il n'y a pas un député qui pourra résister.

Le député haussera les épaules lorsqu'un lecteur isolé le mettra en demeure de servir ou de se retirer. Il les haussera encore, mais, un peu moins haut, lorsque trois électeurs feront cette mise en demeu­re collectivement : Il sera agacé et hésitera entre la courtoisie calculée et un déchaînement de mau­vaise humeur lorsque les électeurs reviendront à l'assaut avec 50 en nombre. Il implorera les grands dieux rouges ou bleus lorsque les 50 seront devenus 100. Il réfléchira profondément lorsque la troupe sera rendue à 500. Et s'ils reviennent 1,000, il n'y a pas d'âme de député qui tienne.

M. Byrne a bien raison, croyons-nous, de dire que les électeurs peuvent faire n'importe quel dé­puté se plier à leur volonté, s'ils le désirent réel­lement et s'ils font une action continuelle en rap­port avec leurs désirs.

Un parlement automatiquement créditiste

M. Byrne ajoute :

"Lorsque cette pression sera exercée dans tout le pays, il n'y aura guère besoin de se tracas­ser d'élections... Au fait si la démocratie politique est ainsi amenée à perfection, la re­présentation créditiste dans le gouvernement sera automatique."

Ce qui intéresse les créditistes, ce n'est pas le pouvoir, mais l'accomplissement de l'objectif qu'ils poursuivent. Ce qu'ils veulent, c'est le service des citoyens par la politique, c'est le service de tous et de chacun par l'argent.

Le gouvernement qui leur donnera cela sera véritablement un gouvernement créditiste, même s'il s'appelle libéral, ou conservateur, ou Union Nationale.

Si l'action politique de pression s'exerce forte­ment, donc efficacement, dans tout le pays, les électeurs, par cette pression, obtiendront tout ce qu'ils désirent. Ils auront donc le gouvernement à leur service et l'argent à leur service, puisque tous les gens normaux veulent cela.

Le gouvernement, le parlement seraient auto­matiquement créditistes, même sans en porter le nom. Les députés qui serviraient ainsi leurs élec­teurs, au lieu de servir des partis tenus en laisse par les puissances d'argent, seraient essentielle­ment des députés créditistes, même s'ils procla­maient le contraire. Ce serait la démocratie par­faite.

Conclusion

Évidemment, nous n'en sommes pas encore là. L'action politique de pression ne s'exerce pas en­core dans tout le pays. Elle n'est pas encore bien forte, même là où elle a commencé à s'exercer. Aussi, nous n'avons pas encore de serviteurs au parlement, nous n'avons pas encore de gouverne­ment automatiquement créditiste.

Mais les créditistes bien orientés travaillent à cela. L'Union Créditiste des Électeurs en fait son programme persévérant. Elle s'applique à éclairer les électeurs, tous les électeurs autant que possible, puis à les organiser pour la politique de pression.

En temps d'élection, elle participe aux élections lorsqu'aucun des candidats n'admet l'objectif des créditistes. C'est une sorte de pression adaptée au temps de la campagne électorale. Elle a pour but de démontrer aux politiciens que les créditistes sont sérieux et qu'ils ne lâcheront pas ; que les noms les plus sonores et les caisses les mieux gar­nies ne leur en imposent pas ; que les dévouements et les sacrifices répétés ne les fatiguent pas.

Refuser de participer aux élections, à l'étape actuelle de notre mouvement, serait sans doute de nature, d'une part, à encourager les politiciens à se moquer de nos pressions encore faibles ; d'au­tre part, ce serait détacher de notre mouvement et envoyer aux partis politiques les créditistes, en­core trop nombreux, qui ne voient de réalisations qu'à travers l'appareil électoral.

Il nous paraît donc assez sage, dans les circons­tances, de pousser des candidatures créditistes en temps d'élection, à condition de regarder l'élection simplement comme un moyen de donner du poids aux pressions. Les pressions restent la voie naturel­lement indiquée aux électeurs pour se faire servir.

C'est surtout en temps normal que les créditis­tes sont dans leur élément, justement quand les politiciens de partis sont moins dans le leur.

Aux politiciens de partis, il faut l'atmosphère du tapage, de l'excitation et de la corruption pour être chez eux. Lorsque le calme est revenu, c'est l'heure des hommes de réflexion, c'est donc l'heure des créditistes. Puissent-ils tous le comprendre et en profiter. On pourra alors entrevoir le jour où, avec des électeurs fortifiés par l'action politique répétée et persévérante, et avec des députés de­venus obéissants, les campagnes électorales se­raient relégués à l'arrière-plan ou même complète­ment éliminées du programme créditiste : le par­lement serait automatiquement créditiste, parce que les électeurs, et non plus les financiers, domi­neraient les élus.

 

Note. — La tactique que les créditistes du Québec pro­jettent d'inaugurer en politique cette année, combine in­timement et en permanence la politique d'élection et la po­litique de pression. On en dira plus long prochainement.

Louis Even

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