"Le principe démocratique, écrit Jacques Maritain, ne demande pas seulement que les détenteurs de l'autorité soient désignés par le peuple, il demande qu'ils gouvernent aussi en communion avec le peuple ; et cela même exige que l'opinion publique soit constamment en éveil sur les questions qui intéressent la vie de la nation, et que les détenteurs de l'autorité gardent avec cette opinion publique active un contact attentif et permanent."
L'école qui veut garder les représentants du peuple à distance de leurs électeurs, qui traite la foule comme un troupeau ou une masse ignorante, bonne seulement à manipuler pour le vote en temps d'élection, est fine école dictatoriale.
C'est plus facile de gouverner une étable qu'une nation. Mais ceux qui gouvernent une nation comme une étable, même s'ils font de leurs administrés des sujets bien habillés et bien nourris, ne méritent pas d'être à la tête d'une nation. C'est une ferme d'élevage qu'il leur faut.
Pour que les députés puissent se tenir en contact avec une opinion publique en éveil, il faut que cette opinion publique existe, puis qu'elle s'exprime, qu'elle soit active, comme dit Jacques Maritain.
Cela suppose l'étude des problèmes qui touchent à la vie de la Nation, non pas seulement par les hommes qui gouvernent, mais par ceux qui sont gouvernés.
Nous en revenons à la remarque faite dans le dernier numéro : c'est chez les administrés qu'il faut faire un changement d'abord. Inutile de changer les hommes au pouvoir, si les administrés continuent de passer des mois et des années sans donner une minute de leur temps à l'étude des questions publiques.
Le contact des députés avec les électeurs suppose donc d'abord des électeurs renseignés pour savoir quoi rechercher dans la ligne du bien commun ; puis des députés qui ont conscience de leur rôle de représentants de ces électeurs et sont contents de venir en contact avec eux.
Des députés qui boudent les électeurs comprennent bien mal leur devoir. Ils devraient être les premiers à cultiver l'étude et la vigilance chez leurs électeurs, pour pouvoir eux-mêmes se décharger mieux de leurs devoirs.
Par opinion publique active et dans l'ordre, il ne faut pas entendre les soulèvements d'une foule surexcitée par des anarchistes ou des provocateurs. L'élu du peuple serait coupable, comme le remarque encore Maritain, s'il cédait à une poussée de l'opinion publique qu'il considère comme nuisible à la justice ou au bien commun. Mais ajoute-t-il, si l'élu "doit lutter contre des tendances prévalentes à tel ou tel moment chez ceux-là mêmes qui l'ont élu, c'est en gardant plus que jamais contact avec eux, en travaillant à les informer, à les éclairer, à les convaincre, non en se séparant d'eux... en faisant à la fois et du même coup œuvre d'éducation de l'opinion publique et œuvre de gouvernement."
L'Union Créditiste des Électeurs, par l'Institut d'Action Politique qui la guide et l'inspire, par le rappel des principes, par l'étude organisée autour du journal Vers Demain, essaie de rester toujours dans la ligne de la justice et du bien commun en matière d'opinion publique.
Mais, par bien commun, elle n'entend pas une chose nuageuse et abstraite qui laisse tout le monde en pénitence ; c'est, selon l'expression de Maritain, "un bien commun de personnes humaines, dont la valeur principale est l'accession des personnes à leur liberté d'épanouissement." (Principes d'une politique humaniste, pp. 71, 72, 73.)
Lorsque l'Union Créditiste des Électeurs demande quelque chose, ce n'est pas pour un homme, ni pour un petit groupe, pas même pour les créditistes seulement, mais pour tout le monde. C'est le bien de tous à la fois, sans distinction de couleur, qu'elle cherche. Quand elle demande, c'est pour avantager tous et chacun des citoyens, sans déposséder ni priver personne.
Nous espérons que nos députés feront de plus en plus leurs délices de contacts fréquents avec l'Union Créditiste des Électeurs.