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Le mensonge organisé

le vendredi, 15 octobre 1943. Dans La politique

La guerre est le climat propice pour culti­ver tous les fruits de l'enfer : haines entre peuples ; désorganisation des foyers ; désor­dre des mœurs dans des agglutinations de débris de familles ; étouffement des libertés qui consacrent la personne humaine ; défor­mation du jugement ; règne de la force bru­tale ; persécutions odieuses masquées sous des mesures dites de guerre.

Faut-il s'en étonner, lorsque la guerre elle-même est décrétée d'abord dans les antres de Satan ?

Sous couleur de propagande, le mensonge est érigé en roi. Gœbbels n'a pas le monopole de la propagande mensongère.

Non seulement, nous présente-t-on des faits contradictoires, mais il faut, sous peine de passer pour traîtres à la patrie, accepter des jugements tout façonnés dans les offici­nes de propagande.

Aussi quelles volte-faces ne remarque-t-on pas jusque dans les articles éditoriaux des journaux apparemment les plus sérieux !

Mussolini était hier un grand homme, qui mettait de l'ordre et du pain en Italie, assai­nissait les Marais Pontins, changeait le dé­sert d'Afrique en jardins, pendant que, chez nous, comme aux États-Unis, des milliers, des millions de citoyens traînaient une vie de parias. On n'avait pas alors trop de compli­ments pour le Duce des Italiens. On souhai­tait même, dans maintes colonnes de maints journaux, l'implantation d'un régime sembla­ble sur nos rives.

Aujourd'hui, dans les mêmes colonnes de ces mêmes journaux, Mussolini n'est plus qu'un bouffon, un gredin, un malfaiteur qu'il faudrait pendre sur un gibet assez élevé pour que tous les humains se repaissent de son agonie.

Et ceux qui laissaient des millions de leurs administrés crever de faim en face de gre­niers pleins sont hissés sur des piédestaux dans les galeries des grands hommes de l'his­toire.

Il y a une demi-douzaine d'années, Franco était un héros, le sauveur de la civilisation espagnole contre les terroristes venus ou ins­pirés de Moscou. Aujourd'hui, les panégyris­tes de Franco se demandent s'ils n'auraient pas dû se ranger du côté de Négrin lors de la guerre d'Espagne.

Demain, c'est Staline qui sera le sauveur de l'Europe et le restaurateur des libertés re­ligieuses ! On a déjà commencé à bâtir le pié­destal de celui qui a étouffé le plus de libertés et dont les mains se sont le plus rougies du sang de ses victimes.

Nous passons sur d'autres noms. Ceux qui hurlent avec la propagande ont le droit de tout dire. Les autres, ceux qui veulent encore se servir de leur jugement, doivent se taire.

*    *    *

Dans "Le Devoir" du 5 octobre, Léopold Richer reproduisait plusieurs phrases d'un discours prononcé à Radio-Vatican le 13 août. M. Richer les empruntait lui-même à un extrait du discours paru dans "Nouvelles Catholiques" du 16 septembre, et y ajoutait de judicieux commentaires.

Écoutez Radio-Vatican :

"Ne peut-on pas dire que l'esprit des hom­mes a été soumis à une guerre totale pour les empêcher de penser, pour les empêcher de re­fuser leur concours aux entreprises et aux systèmes détruisant la personne humaine ?

"Ils ont été bombardés de formules et de mots. La propagande unilatérale les a enva­his de partout. L'homme n'a plus le droit de juger lui-même.

"Pauvre esprit de l'homme, tu croyais avoir quelque droit à juger toi-même des choses et des événements et de penser par des théories. Détrompe-toi : le signe du pro­grès pour toi, ce n'est pas de prendre tes res­ponsabilités d'homme, mais de recevoir doci­lement d'ailleurs ce qui doit faire le fond et la forme de ta pensée — si vraiment il s'agit encore d'une pensée, et non du vêtement trompeur d'un instinct déchaîné...

"L'esprit de l'homme engagé dans les che­mins du progrès a été peu à peu dépouillé de tout l'appareil du libre jugement, d'apprécia­tion personnelle qui lui sont nécessaires pour être lui-même.

"Si, parfois, dans l'universelle déroute, il en est qui résistent et qui tiennent, on ne prend pas la peine de les persuader — ce qui serait d'ailleurs impossible, faute de moyens — mais on les écrase sous les coups de la peur"."

N'est-ce pas que ce tableau correspond d'une façon surprenante aux faits, dans tous les pays, du côté des Alliés comme du côté des Axistes — avec des manières et des de­grés variés, évidemment ?

Le remède ? Radio-Vatican le suggère :

"Sans doute la terre semble avoir trahi les hommes. Mais ce n'est qu'un semblant. Ce sont les hommes qui ont trahi la terre, en voulant qu'ils soient le dernier mot de tout.

"Il faudra donc avant tout, mais avec une délicatesse pareille à celle qui traite un grand malade, essayer de prendre cet esprit mala­de, essayer de l'élever un peu au-dessus du spectacle qui s'offre aux horizons actuels.

"Il faudra le persuader avec douceur qu'il y a une autre manière de faire vivre son in­telligence et qu'elle a des perspectives autre­ment engageantes que celles présentées par les pygmées bruyants et sots d'ici-bas.

"Il faudra chercher le chemin le plus pro­pice pour pénétrer en cette personne travail­lée par la brutalité et la désillusion. Il faudra chercher le chemin pour y faire pénétrer la vérité, expliquée si librement aux hommes par le Christ et avec un tel respect de leur li­berté et de leur vie".

*    *    *

Parlant de l'information de guerre au Ca­nada, M. Richer remarque qu'elle a suivi une courbe parallèle à celle de la censure. La cen­sure commença avec des dents longues et des oreilles en éveil. Elle s'est adoucie depuis. De même, la Commission d'information en temps de guerre commença avec un volubi­lisme débordant. Devant l'évidence de son gaspillage de temps, de papier et d'argent, elle a modéré sa production et limité ses in­terventions.

Et c'est la meilleure chose qu'elle ait faite.

Les lecteurs de Vers Demain n'ont pas eu la peine de digérer les aliments de l'informa­tion de guerre : cette nourriture-là est tota­lement exclue des colonnes de leur journal.

Si nous n'avons pas le droit de tout dire, au moins nous nous réservons le droit de refu­ser de mentir. Tout ce qui nous vient de la Commission d'information prend immédiate­ment le chemin du panier. Nous ne croyons pas qu'aucun de nos lecteurs s'en jugera of­fensé.poli

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