Si la politique est la poursuite du bien commun, et si l'union des citoyens, l'union des électeurs dans les pays démocratiques, est le moyen d'exiger le service du bien commun, où faut-il commencer à faire de la politique, de cette politique-là ?
Il faut commencer dans le milieu immédiat. Nous l'avons déjà écrit dans ce journal, si des citoyens ne savent pas réclamer de l'ordre dans leur propre municipalité, comment peuvent-ils prétendre pouvoir en réclamer dans leur province ou dans leur nation ?
C'est d'ailleurs en considérant les problèmes locaux, que les citoyens peuvent mieux se rendre compte qu'ils ont des intérêts communs.
Puis c'est aussi sur la scène locale qu'il est plus facile, avec moins de frais, de pratiquer l'entraînement des électeurs à se faire servir par leurs administrateurs.
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C'est ce qu'ont compris ceux qui, à Thetford, viennent de prendre l'initiative de réclamer une répartition plus juste du rôle d'évaluation.
Dans cette ville, il y a trois compagnies minières, exploitant l'amiante, et les citoyens d'Asbestos trouvent que, proportionnellement à la valeur de la propriété, ils sont beaucoup plus lourdement taxés que les compagnies. Ainsi, une compagnie, la Johnson, n'est évaluée, pour la taxe, qu'à $751,650, alors qu'elle possède un moulin, qui coûte trois millions, et beaucoup d'autres choses. Elle n'est donc pas évaluée au quart de sa valeur par les assesseurs municipaux, tandis que les propriétés des particuliers sont évaluées bien au-dessus du quart de leur valeur.
C'est de cette injustice que se plaignent les contribuables. Mais se plaindre individuellement ne mène à rien. S'unir pour exiger un redressement de la part des administrateurs élus par les contribuables a plus de chance de succès.
Cette initiative convient d'autant mieux à l'Union des Électeurs, que l'Union des Électeurs est montée par les créditistes, qui savent ce que c'est que la dictature économique. Ils ont appris que les administrations, à commencer par les municipales, doivent protéger les petits plutôt que les gros.
Voici la formule que signent les contribuables de Thetford :
Monsieur le Maire et Messieurs les membres du Conseil de la Cité de Thetford-Mines.
Nous, soussignés, contribuables et membres de l'Union des Électeurs de la ville de Thetford-Mines, voulons avoir justice dans la répartition des taxes à payer. Actuellement, le rôle d'évaluation, d'environ six millions et demi (6 1/2) de dollars, impose près de trois millions et demi (3 1/2) aux citoyens et seulement à peine trois millions (3) aux compagnies minières. C'est très injuste.
L'article 650 du Code Municipal décrète que "les estimateurs de toute municipalité locale doivent dresser par eux-mêmes, ou par toute autre personne employée par eux, un rôle d'évaluation basé sur la valeur réelle des propriétés." Si l'on s'en tenait à la proportion entre la valeur totale des mines et la valeur totale des propriétés des citoyens, les trois quarts du rôle d'évaluation devraient être au compte des compagnies minières.
Les soussignés protestent donc contre le rôle actuel d'évaluation et demandent une révision plus conforme aux faits.
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Par ailleurs, il y a le comté de Kamouraska, du moins les citoyens de l'ancien comté provincial de Kamouraska, qui se trouvent lésés de ce que le gouvernement Duplessis a supprimé leur comté de la carte électorale. Là, c'est une affaire, non de municipalité, mais de comté, et c'est au provincial qu'il faut demander redressement. Mais le redressement est naturellement requis par ceux qu'il intéresse.
Aussi, est-ce l'Union des Électeurs des paroisses de l'ancien comté de Kamouraska qui approche les chefs des différents partis, pour demander leur attitude vis-à-vis du rétablissement du comté supprimé. En même temps, comme il s'agit d'électeurs renseignés, ils veulent savoir l'attitude des chefs de partis vis-à-vis d'une législation de dividende national.
L'initiative en a été prise par Napoléon Mignault, cultivateur de St-Pascal.
Voici la formule qui circule dans le comté de Kamouraska :
M..., chef du parti...
Les soussignés, créditistes et membres de l'Union des Électeurs des dix-huit paroisses constituant l'ancien comté provincial de Kamouraska, demandent quelle est votre attitude, à titre de chef d'un parti politique aspirant à l'administration de la province, au sujet des deux questions suivantes. Ils veulent une réponse claire, nette et sans équivoque :
1. — Verrez-vous, au plus tôt, à l'établissement d'une législation octroyant un dividende à chaque citoyen, reconnaissant le droit de tous et de chacun à un minimum de la production de leur pays ?
2. — Verrez-vous à rétablir l'ancien comté provincial de Kamouraska, avec ses dix-huit paroisses, comme autrefois ?
Nous ne pouvons qu'approuver ces deux initiatives, celle de Thetford et celle du comté de Kamouraska. C'est par l'exercice qu'une organisation se fortifie.