Dans sa conférence, intitulée "L'ennemi dans nos murs", donnée au Palais Montcalm, à l'occasion de la fête de Dollard, le 24 mai dernier, M. J.-Ernest Grégoire, après avoir dénoncé l'ennemi, la dictature de l'argent, terminait ainsi :
Je serais incomplet si, en parlant de l'ennemi dans nos murs, je ne signalais que le contrôle de l'argent et du crédit par les tentacules des financiers internationaux installées chez nous. Il y a malheureusement un autre ennemi aussi, et lui aussi est dans nos murs ; c'est même cet autre ennemi qui a permis au premier de s'introduire chez nous et qui lui permet de s'y maintenir.
Ce second ennemi dans nos murs, c'est l'ignorance, l'apathie, l'inertie de la grande masse de citoyens qui se réclament pourtant du titre de descendants des vaillants pionniers qui ont bâti ce pays.
Il faut porter la lumière à cette masse. Il faut secouer son inertie. Il faut la mettre sur pied, pour chasser de nos murs l'ennemi qui l'affame et l'enchaîne sans qu'elle offre de résistance.
Des éveilleurs d'hommes, c'est cela qui sera le bataillon Dollard pour sauver la patrie.
L'ennemi dans nos murs n'a rien à craindre des endormis. Il n'a rien à craindre de la multitude qui ne réfléchit pas. Il n'a rien à craindre du troupeau qui n'a d'intérêt qu'aux distractions futiles dont les adorateurs du veau d'or ont eu soin d'émailler nos villes.
L'ennemi dans nos murs n'a rien à craindre des habitués des tavernes ou des salles de danse. Il n'a rien à craindre des jeunes gens qui s'amolissent le cerveau et l'échine dans des boîtes à musique ou accotés aux portes des restaurants à décoctions genre pepsi-cola.
L'ennemi dans nos murs n'a rien à craindre même de ceux qui se disent l'élite, mais qui font consister leur vie à tirer le plus possible d'argent des autres, ou qui ne manifestent un peu d'intérêt pour le public qu'en temps d'élection, pour conquérir des honneurs pour eux ou des amis politiques.
Dieu merci, il y a encore des hommes et des jeunes à la Dollard au milieu de cette foule.
Les éveilleurs d'hommes, les secoueurs d'inertie, vous les trouvez justement dans les rangs des créditistes de Nouvelle-France. Si le Crédit Social, dont je parlais tantôt, dénonce l'ennemi dans nos murs et s'il offre des armes pour le déloger, il a fait plus encore en notre province : il a formé et forme de plus en plus des hommes pour manier ces armes.
Où sont-ils, les éveilleurs d'hommes ? Où sont-ils, ceux-là qui, comme Dollard, après avoir eu la vision du danger, après avoir découvert où est l'ennemi, se lèvent, vont aux autres, lancent l'appel aux hommes de cœur, rallient des bataillons et font résolument face à l'ennemi ?
Où sont-ils, ces braves qui combattent jusqu'au bout pour leur idéal ? Jusqu'au bout, sans se soucier de savoir s'ils verront eux-mêmes le jour du triomphe ? Confiants que leurs sacrifices libéreront leur Nouvelle-France, même s'ils ne sont plus là pour célébrer la délivrance.
Mais, ne les avez-vous pas vus à l'œuvre ici, dans les rues de Québec, ailleurs aussi, dans les villes et villages de Nouvelle-France, et jusque dans nos campagnes et nos colonies les plus reculées ?
Ne les avez-vous pas vus à l'œuvre, ces créditistes, des jeunes et des moins jeunes, qui, au lieu de rester confortablement chez eux le dimanche, et même souvent des soirs sur semaine après une dure journée de labeur, vont de maison en maison, de personne à personne, pour demander à leurs concitoyens d'ouvrir les yeux et voir l'ennemi, pour semer la lumière dans les esprits, ramener l'espoir au cœur des défaitistes, pour laisser dans les foyers le messager de la lumière et de la décision, le petit journal VERS DEMAIN, qui continuera tranquillement et avec persévérance l'œuvre commencée par leur visite.
Ces éveilleurs d'hommes, ces hommes et ces jeunes gens qui se donnent ainsi aux autres, sans tirer aucune récompense matérielle de leur travail, par pur dévouement pour un idéal et par pure charité pour leurs frères, on les appelle les Voltigeurs et les Défricheurs du Crédit Social.
Glorifier les héros, nos héros des jours d'épopée de la fondation, c'est très bien. Mais les imiter, c'est encore mieux. Les jours d'épopée ne sont pas terminés. Ils durent toujours pour les grands cœurs. Car il y a toujours des faibles à protéger, des ennemis à combattre, des idéaux à poursuivre.
L'ennemi dans nos murs, la finance qui domine et étrangle, n'a que trop d'imitateurs dans la politique. Et seul, un peuple renseigné et debout fera contrepoids à la pression que l'ennemi dans nos murs exerce sur nos hommes publics.
Un peuple renseigné et debout. Et pour le renseigner et le mettre sur pied, des hommes de courage et de vertu. Pour vaincre les hommes qui dominent et raflent les autres, il faut des hommes qui se dominent eux-mêmes et se donnent aux autres.
C'est mon dernier mot. Et je fais appel aux hommes, aux jeunes gens, aux dames et aux demoiselles aussi, à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes qui aiment leur pays, qui veulent redonner aux enfants de Nouvelle-France l'héritage de leurs pères, cet héritage aujourd'hui hypothéqué et accaparé par les artistes de la finance rothschildienne.
Levez-vous et venez dans les bataillons sans peur et sans reproche du Crédit Social.
Pas de délai. Le temps est précieux.
À ceux qui demandaient à Dollard un délai de quelques semaines, de quelques jours au moins, avant de se joindre à lui, le héros répondait : "Je ne puis attendre ni un jour ni une heure ; maintenant que j'ai recruté une poignée de solides gars, nous partons."
Les Voltigeurs du Crédit Social parlent de la même manière : "Pas un jour, pas une heure à perdre ; c'est tout de suite qu'il faut agir. Chaque jour de retard fortifie les positions de l'ennemi, et c'est autant de moins pour voir aux nôtres."
Debout donc, debout dès ce soir, debout et en avant ! En avant,
"La flamme au cœur, le front levé."
Debout et ferme, jusqu'à la mort s'il le faut, pour chasser l'ennemi de nos murs, pour redevenir les maîtres en Nouvelle-France !
J.-Ernest GREGOIRE