Vers la fin de son discours du 10 septembre à la Chambre des Communes, M. Solon Low, leader national des créditistes du Canada, a parlé du fardeau de l'impôt.
M. Low comparait deux années, 1923, la première sur laquelle on ait des statistiques exactes, et 1944, qui est évidemment la dernière dans le même cas.
Pour bien comprendre, définissons d'abord l'expression revenu national. On appelle revenu national la somme des revenus touchés par les individus du pays pendant l'année, soit en salaires, soit en dividendes, soit autrement. C'est le total de l'argent qui entre dans les mains des citoyens.
En 1923, le revenu national du Canada fut, en chiffres ronds, de 4,200 millions de dollars. En 1944, il s'est élevé à 9,000 millions de dollars.
Les citoyens du pays ont touché ces sommes, mais ils ne les ont pas dépensées à leur gré. Les gouvernements ont prit leur part. La part que le gouvernement prend s'appelle taxes. Cette part est dépensée par les gouvernements, pas par les personnes.
En 1923, la part prise par le gouvernement fédéral fut de 154 millions, ce qui représente 3.7 pour cent du revenu national de cette année-là. En 1944, la part prise par le gouvernement fédéral a été de 2,283 millions, ce qui représente 25.3 pour cent du revenu de cette année-là.
En d'autres termes : en 1923, lorsque les citoyens gagnaient $100, le gouvernement leur prenait $3.70. En 1944, lorsque les citoyens ont gagné $100, le gouvernement leur a pris $25.30. Sept fois et demie autant.
On dira que c'est à cause de la guerre. Mais la guerre est finie, et le ministre des Finances nous avertit aimablement que ceux qui s'attendent à une grosse réduction des impôts seront très déçus. Le gouvernement fédéral a des plans pour continuer de dépenser le quart de ce que les citoyens gagnent.
C'était pour la guerre hier. C'est pour la reconstruction aujourd'hui. Demain ce sera pour parer à la crise.
Mis en appétit, le gouvernement ne recule plus. D'ailleurs, il est pistonné dans ce sens par la tendance socialisante, qui mène gros train ces années-ci.
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Plus la proportion du revenu prise par les taxes est grosse, plus on va au socialisme d'État.
C'est facile à comprendre. L'argent que le citoyen garde, le citoyen le dépense lui-même, à son goût. L'argent que le gouvernement prend, c'est l'État qui le dépense, selon ses plans et non pas selon les plans des individus.
Si bien que, si le gouvernement prenait tout, les individus ne feraient plus rien d'eux-mêmes, tout serait réglé par le gouvernement : ce serait le socialisme d'État absolu.
Lorsque, comme aujourd'hui, le gouvernement fédéral rafle le quart du revenu des citoyens, il gère le quart des dépenses totales qui se font dans le pays. Il est le maître du quart de la production et de la consommation du pays.
Ajoutez à cela la part que prennent les gouvernements provinciaux et les administrations municipales ; et voyez si nous n'allons pas vers l'abdication forcée de la personne humaine aux mains des gouvernements. Pourtant la personne humaine est souveraine, et le gouvernement n'est qu'une institution pour la servir.
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D'autres se plaignent des taxes, surtout parce qu'ils trouvent qu'on leur enlève le droit au fruit de leur travail. Leurs plaintes sont fondées. Mais nous voulions surtout faire ressortir le fait que la montée croissante des taxes est une marche rapide vers le socialisme d'État.
D'ailleurs, lorsque l'entreprise privée surtaxée se décourage, c'est nécessairement ou le monopole industriel ou le monopole d'État qui la remplace : le premier signifie la domination par l'argent, le second signifie la domination par l'État à tout faire. Il faut un régime bien détraqué pour qu'on en soit réduit à choisir entre ces deux manières d'asservir la personne humaine.
Il existe une autre solution : la régie de l'argent à sa source, conformément aux faits et conformément aux droits de la personne, en fonction de ces droits et en fonction des possibilités du pays. Ce serait le Crédit Social. Mais nos gouvernements préfèrent régir les personnes plutôt que de toucher aux privilèges des créateurs de l'argent.
Il est bien vrai de dire que, à moins de se décider à une réforme dans le sens préconisé par le Crédit Social, on s'en va bon gré mal gré vers le socialisme d'État et tout ce qu'il comporte d'avilissement de la personne humaine.