Dans les derniers jours du régime Taschereau, Sam Cohen, député juif de Montréal, faisait parler de lui. Ses élections enflammaient d'enthousiasme les fils d'Israël. On en voyait de toutes les couleurs : sabotages de comités, irruptions de bandes armées de garcettes dans les polls, où l'on clouait au mur scrutateur et représentants des autres candidats, et où l'on remplissait au nom de Cohen tous les bulletins qui restaient à utiliser.
Naturellement, Sam Cohen gagnait. Des polls lui donnaient 125 votes par 100 électeurs.
M. Duplessis et ses hommes du temps ont beaucoup crié contre ces saloperies électorales, que l'on convînt d'appeler des "Cohenneries".
Eh bien, l'Union Nationale est en train de prendre les mêmes manières.
Le 21 novembre, jour du vote dans la Beauce, toute une gang d'avocats, de députés et autres pions de l'Union Nationale firent des leurs dans les polls.
Des députés comme Bellemare, le polisson de Champlain, qui aime mieux se servir de ses pattes de devant que de sa tête, ou comme Côté de Ste-Marie ; des avocats comme Lacoursière de St-Joseph, et nombre d'autres de Québec et d'ailleurs, dont nous donnerons les noms et les faits dans un prochain numéro, foulaient aux pieds la loi et faisaient la pluie et le beau temps dans les bureaux de votation.
À Vallée-Jonction on mit nos représentants à la porte de 4 polls sur 5, sans aucune raison. Et la même chose dans une foule de bureaux de votation du comté. On n'y laissait pas entrer les visiteurs de polls munis d'une procuration de M. Grégoire.
Jusqu'au candidat Poulin qui fit lui-même expulser nos représentants d'au moins un poll à St-Martin. Les jours précédents, d'ailleurs, des fiers-à-bras de l'Union Nationale pourchassaient nos conférenciers pour les faire sortir de la place.
M. Grégoire lui-même fut expulsé d'un poll à Vallée-Jonction, au mépris de toute loi, par un scrutateur, comme bien d'autres, infidèle à son serment d'office. (Lire en page 2 Le polisson de Champlain).
Couronné par les esprits de la piastre et du mensonge, traîné en triomphe par des hommes de lois dégradés qui foulent aux pieds leur propre loi, l'élu du 21 novembre est-il heureux ? Un œil le fixe, le regard réprobateur des honnêtes gens !