Des cultivateurs travaillent du matin au soir, toutes les saisons de l'année, toutes les années de leur vie. En mourant, ils laissent une ferme plus endettée qu'en la prenant.
Des ouvriers quittent leur famille chaque matin pour être à l'usine au coup de sifflet ou pour poinçonner à l'heure. Ils ne rentrent chez eux que le soir. Leur maison n'est plus qu'un gîte à coucher. Et après des vingt, trente et quarante années de cette vie, ils ne possèdent pas encore un pouce carré de terrain dans leur pays.
Cultivateurs et ouvriers — de même que pêcheurs et colons — sont évidemment volés du fruit de leur travail.
Jamais il n'y eut plus de voleurs et de plus gros voleurs que de nos jours. Avec la science et les machines pour servir l'humanité, la grosse majorité des humains ne constitue qu'un troupeau attelé et mal nourri.
Où sont ces grands voleurs ? Allez visiter les prisons, vous y trouverez les voleurs de quelques particuliers, mais pas les voleurs de la masse des travailleurs du sol et de l'industrie. Les grands voleurs, ceux qui rendent l'humanité pauvre, même en face de son abondance, ces grands voleurs-là, ne sont pas derrière les barreaux. Aussi, le vol continue-t-il de plus belle.
Mieux que cela : les grands voleurs de l'humanité sont honorés par l'humanité. On les exalte : n'ont-ils pas fait un succès de leur vie ? On les propose en imitation à la jeunesse. Le moindre de leur discours trouve une place d'honneur dans les journaux.
Les tribunaux existent pour punir les petits voleurs. Et les gouvernements existent pour servir les gros voleurs.
Aussi, on en a un beau monde !
De l'abondance pour tout le monde. Mais il faut payer, et. Michaud n'a pas un sou.
Michaud a volé. Volé un riche, et rien qu'une piastre ! Mais la police est à ses trousses.
Pincé ! Voleur, et le vol ne paie pas, a dit le juge. Derrière les barreaux, et réputation perdue.
La fortune a souri à Monsieur Nathan. Sans sueurs. Il s'est contenté d'exploiter les hommes !
Allez, humains, allez défendre ma belle civilisation. Battez-vous pendant que je vous endette.
La guerre laisse les Nathans plus riches et honorés. Bretton Woods les couronne pour toujours.
