Le mouvement créditiste de la province de Québec est, actuellement, le plus fort de tous les mouvements d'ordre profane.
On peut être porté à en douter, si l'on s'arrête aux seules réalisations du domaine électoral, ou aux seules manifestations accompagnées de publicité imposante.
Mais n'oublions pas que le mouvement créditiste fonctionne contre les forces les plus puissantes, contre la domination de la finance qui bénéficie de la protection des gouvernements en selle. Le mouvement créditiste poursuit sa lutte :
sans l'appui des grands du jour,
sans l'appui d'hommes de prestige,
sans l'appui du clergé,
sans l'aide des grands journaux,
sans argent et sans politiciens.
Le mouvement créditiste a pour tout actif la vérité et le dévouement. Or, dans notre siècle, ce n'est pas la vérité et le dévouement qui forment l'aristocratie.
Eh bien, malgré tout cela, malgré toute l'opposition des puissants, l'Union des Électeurs se développe très vite. Le petit journal Vers Demain a touché en 1945 le haut niveau de 46,000 abonnés en règle. Jamais un autre journal du genre n'a connu la moitié de ce succès.
Une doctrine dynamique, un abonnement élevé, une pléiade d'hommes formés à l'école de la lumière et de la charité, qui savent bouger et s'affirmer — c'est une force inégalée dans la province.
Oui, notre force est grande et réelle. Et nos créditistes sont de plus en plus convaincus. Ils connaissent et aiment toujours de plus en plus leur Crédit Social. Et ils apprennent à faire fonctionner la démocratie par l'Union des Électeurs.
Cette force, nous devons la reconnaître et nous devons nous en servir.
À venir jusqu'ici, l'Union des Électeurs a pratiqué les pressions sur les députés existants. C'était juste, puisque les députés sont élus pour servir les électeurs. Mais, il faut bien constater que ces députés se sont plus ou moins moqués de l'Union des Électeurs. Ils n'ont point admis la puissance d'un peuple qui s'organise.
Puis, les députés appartiennent à des partis. Ils savent qu'aux élections ils auront pour se faire réélire la puissante machine de leur parti. Elle compte plus pour eux que leurs électeurs.
Les résultats des élections de 1944 et de 1945 sont de nature à les confirmer dans cette idée. Et de fait, si nous attendons l'heure choisie par le gouvernement pour faire des élections, nous serons pris avec les mêmes moyens matériellement faibles en face de moyens matériellement tout-puissants. Ce n'est pas quand la surexcitation électorale, accompagnée de corruption organisée, est à son comble qu'il est temps de placer devant le peuple des hommes dont le seul actif réside dans la volonté de servir.
Pourquoi donc n'ouvririons-nous pas nous-mêmes la campagne électorale tout de suite ? Pourquoi ne pas choisir dès cette année des mandataires que nous considérons comme nos véritables représentants, nos vrais députés et serviteurs, en dehors du Parlement d'abord, et dans le Parlement lorsque nous pourrons les y mettre ?
C'est bien en temps normal, lorsque les machines à corruption ne sont pas là, qu'il est plus facile de faire un choix juste. Et c'est bien par le service continuel, sans même être payés comme le sont les membres officiels du Parlement, que ces mandataires démontreront au peuple qu'ils sont ses meilleurs serviteurs et, feraient ses meilleurs députés attitrés.
L'efficacité de cette méthode a déjà été démontrée ailleurs, pour un autre idéal que le Crédit Social.
Ainsi, la Russie établit à Lublin un comité gouvernemental à son goût qu'elle destinait à conduire la Pologne. Et elle donna tout son appui à ce gouvernement de son choix.
Il y eut des protestations, des oppositions ; mais l'appui russe tint bon, et l'Angleterre et les États-Unis finirent par s'incliner devant le fait accompli. Le comité de Lublin devint le gouvernement reconnu de la Pologne.
En donnant cet exemple, nous ne voulons nullement dire que nous approuvons l'imposition d'un gouvernement communiste à une Pologne catholique ; mais nous voulons souligner l'efficacité de la méthode.
La Russie recourut à la même méthode pour étendre son influence sur la Roumanie, la Bulgarie, l'Autriche, la Finlande.
Évidemment, les comités ainsi établis par la Russie ne restaient pas inactifs. Ils travaillaient le terrain, luttaient contre les oppositions et s'efforçaient de démontrer à la population qu'ils étaient les plus aptes à gouverner.
Il en sera de même du parlement des électeurs élu en 1946. Il devra lutter contre les adversaires et s'efforcer de gagner l'appui général de la population.
Le parlement créditiste de l'Alberta est le parlement officiel depuis 1935. Il a le pouvoir de faire des lois, et il se sert de ce pouvoir pour servir le peuple albertain. Mais, lorsqu'il adopte des lois qui démoliraient la dictature de l'argent, le gouvernement fédéral les désavoue et les annule. Aussi, le gouvernement d'Edmonton est obligé, sur ce terrain, de faire la guerre au gouvernement d'Ottawa, non pas parce que le gouvernement d'Ottawa est libéral, mais parce qu'il protège la domination de l'argent.
Le parlement 1946 des électeurs de Nouvelle-France n'aura pas encore le pouvoir de faire des lois. Mais il luttera quand même contre le gouvernement de Québec et contre le gouvernement d'Ottawa, en autant que ces deux gouvernements s'opposent aux demandes légitimes de la communauté des électeurs. Il luttera par d'autres moyens que par des lois.
Les lois qu'on a le pouvoir d'adopter sont certainement un moyen puissant de lutte. Mais ce n'est pas le seul. Il y a toujours bien les lois qu'on peut réussir à faire adopter par le parlement du jour, au moyen de pressions réitérées et grandissantes. Il y a aussi la démolition du prestige de députés qui refusent de servir. Il y a l'importance que peut prendre le parlement des électeurs, par les actes qu'il posera devant toute la population, et auxquels le journal Vers Demain donnera toute la publicité en son pouvoir. Il y a les prochaines élections officielles que l'on prépare admirablement, non seulement en éduquant les électeurs à la vigilance et à l'action politiques, mais aussi en mettant sous les yeux de la population, pendant deux et trois ans, des hommes fidèles à leur mandat. Ces hommes finiront bien par rallier la masse des électeurs.